Une femme battue : Que faire ?
Une femme est battue dans votre entourage proche. Cet entourage proche, c’est votre famille. Cette femme, votre sœur.
Elle a 30 ans. Elle habite une commune rurale minuscule dont 24 % des électeurs ont voté Marion Anne Perrine Le Pen au 1er tour des élections présidentielles 2012. L’homme qui la bat n’est autre que son conjoint. Il est lepéniste convaincu. Il possède plusieurs (quatre ou cinq) armes à feu chez lui. Elle, issue d'un milieu modeste, originellement baignée dans un environnement de gauche, est devenue lepéniste tout comme lui. Pour faire plaisir ?
Il la bat et elle ne dit rien : toutes ses tentatives de fuite ont échoué pour une raison très simple, que nous qualifierons de Syndrome de Stockholm : les coups se sont trouvés amalgamés à la notion d’amour.
Que faîtes-vous ? Vous prévenez la gendarmerie du coin. Problème : les gendarmes de cette commune rurale (moins de mille habitants) sont en très bons termes avec le monsieur, le bourreau, le potentiel assassin. Tout le village sait, mais personne n’agit – une part non négligeable du bourg est lepéniste, cette part non négligeable boit à la même bouteille que monsieur, peut-être que cette part non négligeable a l’habitude de frapper aussi…
Votre sœur accepte ; pis : elle en vient à cautionner. Vous lui avez offert asile quelques jours alors que couverte de bleus et de bosses elle ne savait plus où aller. Mais monsieur a fini par lui manquer : elle est retournée vivre chez lui.
Sa situation, elle ne veut plus qu’on s’en occupe. Les brimades, les gifles, les coups de poing se sont peu à peu inscrits dans la normalité, comme si une femme devait nécessairement se soumettre aux mâles bastonnades, comme si le couple devenait secte : car monsieur est gourou. Il sait faire accepter les coups, sait détourner la haine sur l’autre, sait vicier l’âme de sa compagne martyrisée pour en faire le réceptacle docile de sa répugnante doctrine. Et comme dans toute secte, le fidèle, l’escroqué se retranche lentement mais surement du monde extérieur, met un terme aux amitiés, coupe toute relation avec sa famille. En état de servile adoration, le fidèle endoctriné consent à son châtiment, il aime être asservi et mutilé.
Votre sœur battue devient ainsi handicapée sociale, amputée de sa liberté. Sa raison réduite à un inerte moignon, elle ne pleure même plus sur son sort, puisque celui-ci relève d’une surnaturelle destinée. Peut-être qu’elle mourra bientôt sous les coups, vous n’en savez rien, puisque vous n’avez plus aucune relation avec elle. Elle se dit heureuse comme cela. Tout va bien. Que faites-vous ?
Vous voulez servir la cause des femmes battues, mais votre sœur martyre est une lepéniste sectaire, votre pire ennemie. Tout son discours puant légitime sa non-moins répugnante condition : mieux vaut détester d’hypothétiques étrangers (combien d’étrangers détestables compte donc cette commune rurale de moins de mille habitants, vous vous le demandez…) plutôt que l’homme blanc qui bat, l’homme blanc fidèle aux traditions : lever le coude, frapper sa femme, garder quatre ou cinq armes à feu à portée de main. Aller à la chasse le dimanche. La chasse aux femmes ?
Que faites- vous ?
Vendredi 8 mars 2013, manifestation pour les droits des femmes à Paris, départ de la place Stalingrad à 18h30.
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