Une France morose, aux armes pronétaires !
Finie la France rose des années 1980, la France morose est arrivée paraît-il. La France d’en haut s’informe dans les dîners en ville. On y parle des frasques d’un tel, des nominations, des luttes intestines dans un ministère, des ascensions d’une autre... et pour dire vrai, de tas de chose que j’ignore, vu que je ne fréquente pas ces dîners en ville, ni les plus prestigieux à Paris, ni leurs répliques de province. Cette province, justement, où des gens se réunissent en associations et, parfois, organisent des repas associatifs sans aucune exclusive, contrairement aux dîners en ville et d’ailleurs, on parle de repas de voisins, de quartiers, mais jamais de dîner. La France d’en haut dîne, entre connivences, dans des alcôves feutrées, à l’abri des regards, dans des salles aux entrées surveillées ; alors que la France d’en bas partage un repas, dans un lieu ouvert, sans cerbère à l’entrée, sans sélection financière. Au cours de ces repas, on peut discuter et apprendre aussi comment les gens vivent. Les confidences n’en sont pas. Les codes sont différents. Le repas autant que les idées sont partagées, librement, de manière désintéressée, bref, différemment de ce qu’on pense être ces jeux de pouvoir entre élites qui viennent dîner pour se divertir, pendant que les Français regardent des émissions dont les producteurs et animateurs vont dîner en ville.
Dans les repas de quartier, les gens ne parlent pas des émissions produites par les élites qui vont dans les dîners en ville. On y apprend beaucoup de choses, notamment sur le travail des gens. Les Français aiment parler de leur travail. Parfois, ils dénoncent quelques dysfonctionnements. Les gens ne sont pas trop étonnés, bien que la presse quotidienne hésite souvent à évoquer ces histoires, étant aux ordres des élites quand elle est nationale, ou des notables quand elle est régionale. La France vit dans une culture de connivence qui persiste mais qui s’effrite, et qui risque bien de vivre ses derniers instants, si la révolution du pronétariat s’accomplit. Affaire à suivre. Lors du dernier repas auquel j’ai assisté, a été évoqué le cas d’une connaissance, bouquiniste, aux intentions troubles. Comme quoi, calife à la place du calife, notable à la place du notable. No comment. Chacun interprètera. Ont été évoquées aussi ces affaires, bien plus sérieuses, d’un lycée hôtelier jadis prospère mais promis à devenir une sorte de poubelle par la faute d’une direction féminine et tricéphale. C’est à dessein que je précise féminine. Pour bien signaler l’escroquerie intellectuelle du moment. Les femmes sont égales aux hommes dès qu’il s’agit de pouvoir dans nos sociétés démocratiques et médiatiques. L’essentiel n’est pas là. J’ai eu vent d’un établissement de service public renommé qui, hélas, sombre par la faute d’une administration inconséquente. Plus exactement, un lycée hôtelier mal géré au point qu’une de ses professeures parle d’une poubellisation de la structure, au sens propre autant que figuré.
Ce témoignage n’a rien de surprenant, il s’insère parfaitement dans la logique de la gestion comptable de l’administration, confirmant ce que la presse relate, surtout dans le domaine sensible de la santé publique. Etant de nature impartiale, je ne peux condamner ni les uns ni les autres. Le système étatique français est ambivalent. Il finance des œuvres publiques tout en permettant aux profiteurs d’en tirer quelques prébendes. Une cible utile, mais facile, les profiteurs.
Je ne tire aucune conclusion de ce constat qu’il me plaît de relier à un billet intéressant du Monde, signé Jean-Louis Andréani. Il y aurait un antagonisme entre une France individualiste et une autre solidaire. Ce diagnostic mérite une attention particulière. Ce billet parle à travers ce qu’il occulte. Les deux France, individualiste et solidaire, nous savons à peu près de quoi il s’agit. Les individualistes et les solidaires, nous savons parfois les détecter. Ce n’est pas pour autant que le schéma social et politique se clarifie. Les non-dits de ce billet. L’Etat peut pallier les déficits de solidarité : les assistés risquent de devenir individualistes. L’Etat peut aussi ouvrir le champ aux individualistes, parce qu’ils créent de l’économie pour se pardonner d’être auprès des assistés. Les individualistes peuvent aussi se comporter en solidaires, quelle qu’en soit la manière, personnelle ou associative.
Andréani oppose deux France, l’une solidaire, l’autre individualiste, mais n’y a-t-il pas aussi cette France d’en haut, celle des dîners en ville, qui de proche en proche, contamine ou pervertit les rouages administratifs avec les conséquences que les gens d’en bas racontent dans les repas associatifs ? Alors, où en êtes-vous dans votre existence ? Libérez-vous, dîtes ce que vous avez sur le cœur, comment vos vies semblent pourries par quelques comptables, comment les administrateurs liquident, faute de vision, et par excès de gestion, le fruit de vos espérances, les valeurs auxquelles vous avez adhéré, car il n’est pas de meilleure rupture que de liquider les liquidateurs !
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