Une gouvernance du pays à géométrie variable, par projet de loi est-elle possible ?
Tout en s’efforçant de justifier les raisons pour lesquelles il a joué et perdu sa majorité à la « roulette russe », Emmanuel Macron constatait récemment une évidence, aucune des forces politique, n’a la majorité. Dès lors, vu l’article 8 de la Constitution, il rappelle que c’est lui qui doit choisir le ou la première ministre et non une formation politique, ce qui a soulevé l’ire de la gauche.
Une nouvelle donne issue du scrutin législatif qui complique sérieusement la situation
Il faut se rendre à l’évidence, la règle d’usage qui fait que lorsqu’une force politique est majoritaire à l’issue du second tour des élections législatives, le président de la république désigne premier(e) ministre la ou le responsable du principal parti de cette force politique pour constituer le gouvernement Français. Mais aujourd’hui il n’y a aucune force politique qui a la majorité absolue, ou simplement relative se distinguant assez largement des autres, comme dans la précédente législature.
Aujourd’hui, il faut prendre acte que chacun des trois blocs principaux : NFP, ENSEMBLE (présidentiel), RN/LR ne sont pas si éloignés que ça des uns des autres. Dès lors, faute de coalition, qu’elle soit par refus de participation où par refus de soutien, le risque est grand que si un gouvernement se trouve effectivement sans majorité claire à l’Assemblée, avec l’épée de Damoclès sur sa tête que représente un recours possible et constant à la motion de censure, le risque de blocage institutionnel est réel.
Pour rappel, depuis le 18 Juillet 2024, date de mise en place de la nouvelle assemblée nationale, sa composition est la suivante : NFP et apparentés 193 député(e)s, dont LFI 72, PS 66, EELV 38, PC 17. Camp Présidentiel 166 député(e)s, dont Ensemble 99, Mv.Démocrate 36, horizons 31. RN/LR 142, dont 3 Reconquête, 16 LR Ciotti. LR 47 député(e)s. LIOT 21 député(e)s. Non inscrits 8 député(e)s. Soit un total de 577 députée(e)s dont la majorité absolue est de 289.
Au vu de ces chiffres, pour parvenir à une gouvernance viable dans la durée et conduire à minima une politique à géométrie variable au gré des projets de lois avec une majorité absolue où se distinguant au moins très largement largement des autres, cela ne peut que se réaliser dans le cadre d’une coalition de forces politiques différentes.
Pour envisager une telle coalition, vu la configuration politique actuelle de l’assemblée nationale, seule une entente entre des député(e)s de la gauche sociale – démocrate, écologistes, le centre et la droite libérale – sociale « gaulliste » pourrait y parvenir et avoir la majorité absolue ou à minima une majorité relative très importante difficile à renverser par une motion de censure. Mais pour cela, il faut un programme et un contrat de gouvernement ou chacune des différentes parties acceptent de faire des concessions autour d’un compromis répondant à la fois aux principales exigences légitimes de la population et aux impératifs économiques et budgétaires de la nation... Mais, vu les habitudes politiques Française, cela semble relever d’une mission impossible, du moins pour le moment…
Dès lors, soit conformément à la convention d’usage, le Président de la république confie la gouvernance du pays au NFP qui est arrivé en tête à l’issue du second tour de scrutin législatif et à la première ministre que cette force politique propose, c’est à dire Madame Lucie Castets, soit conformément à l’article 8 de la Constitution qui impose que c’est Le Président de la république qui choisit lui même celui ou celle qui doit diriger la gouverne du bateau France et non une formation politique, ce qui veut dire qu’il peut faire un choix autre que celui de de la force politique arrivé en tête, mais dans un cas aussi bien pour l’un que pour l’autre, faute de parvenir à une coalition majoritaire, ce gouvernement risque d’être éphémère…
A moins qu’en se donnant du temps au temps, le président de la république crée dans l’ombre les conditions pour réaliser cette coalition d’entente et de concorde nationale ? Mais attention ! Après avoir créé « le foutoir » politique dans lequel se trouve pour la première fois de son existence la Ve république, le président de la république, bien que l’article 8 de la Constitution ne lui fixe pas de date, ne doit pas trop traîner pour la nomination d’un(e) premier(e) ministre. Ce qui dans le cas d’une éventuelle coalition, la personnalité désignée la plus apte à préserver les équilibres ne pourrait être qu’issu du centre, y compris par la réputation de son action publique (écologie, environnement, économie...) s’il s’agissait d’une personnalité extérieure au sérail politique ? Maintenir un équilibre durable au sein d’une coalition qui se réaliserait soit par une participation gouvernementale de toutes les formations politique concernées, soit par un simple soutien contractuel de l’une des parties, à l’instar du parti communiste au gouvernement du socialiste Léon Blum en 1936.
Parmi les personnalités que le président de la république Emmanuel Macron pourrait solliciter, hors celles du champs des formations politiques s’inscrivant, par exemple, pourquoi pas Jean-Marc Jancovici, dont la réputation n’est plus à faire, ce qui ne devrait pas déplaire aux écologistes ,ou Esther Duflo ? Professeure au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et au Collège de France, première femme Française à recevoir le prix Nobel de sciences économiques. Elle détient la première chaire internationale « Savoirs contre la pauvreté ». En 2013, elle sera choisie par le président américain Barack Obama pour l’épauler à la Maison-Blanche sur les questions de développement mondial . https://www.lefigaro.fr/entrepreneur/qui-est-esther-duflo-premiere-femme-francaise-a-obtenir-le-prix-nobel-d-economie-20191014
Attention ! Avec plus de 3100 milliards de dettes, il y a ce qui est possible de faire et surtout de ne pas faire
Si l’on se réfère à la volonté exprimée au premier tour du scrutin législatif, l’addition des problématiques démographiques en regard l’occupation de l’espace territorial, des problèmes récurrents de logements, les besoins énergétiques et économiques et leurs coûts croissants avec les mobilités indispensables, auxquels s’ajoutent l’immigration, les impacts de l’inflation sur le prix de l’alimentation et des produits de première nécessité, la santé, l’éducation avec la désertification de ces services dans certaines zones rurales, mais aussi la sécurité et tant d’autres besoins annexes au niveau des salaires, retraites… On peut imaginer l’étendue et la complexité des mesures à prendre… Mais avec une dette de plus de 3100 milliards d’euros ( 3159,7 milliards d’euros indique l'Insee dans sa publication du 28 juin 2024), il y a ce qui peut être fait immédiatement et ce qui doit l’être fait en donnant « un peu de temps au temps » …Et surtout ce qui ne peut pas être fait…Pour mémoire les investisseurs qui détiennent la dette de la France sont des investisseurs Français à hauteur de 52,2 %. Comme investisseurs institutionnels, on retrouve notamment : les compagnies d’assurance, les banques. les gestionnaires de fonds (fonds de pension, etc.). la Banque de France qui détient 25 % de la dette française.
L’autre moitié de la dette est détenue par des investisseurs étrangers pour 47,8 % (dont 50 % sont des investisseurs issus de l’Europe et l’Union européenne). Il faut également rappeler qu’en 2000 la dette ne représentait que 60 % du PIB. Elle représente maintenant 111,7 % du PIB.
Contrairement au Japon, dont la dette est détenue à plus de 90 % par la Banque du Japon et des citoyens japonais, la France n’a donc pas la pleine maîtrise de sa dette.
Il faut savoir aussi savoir, qu’il y a 174 milliards d’euros à rembourser en 2024 et environ 200 milliards en 2025/2026. En 2022, la France avait emprunté en moyenne à 1,03 % contre des taux négatifs en 2020 et 2021, successivement -0,30 % et -0,28 %. En 2023, le taux de l’OAT (Obligations assimilables du trésor) à 10 ans était de 3,0250 %. En 2024, il faut s’attendre à un rebond autour de 3 %.
Alors que deux des principales forces politique veulent abroger immédiatement la réforme des retraites, il souhaitable d’envisager préalablement un financement hors budget de l’État et voir où des économies pourraient être réalisées
Alors que le rapport au travail va être profondément modifié avec l’évolution rapide et considérable de la puissance numérique avec l’apport de « l’intelligence artificielle », s’il peut y avoir des avantages certains en supprimant certaines contraintes par rapport à de la pénibilité au travail et contribuer à une meilleure réduction des mobilités par le travail à distance, il y a des inconvénients et pas des moindres, notamment par rapport à l’emploi, avec en perspective des entreprises fonctionnant sans ou peu d’intervention humaine…
Toute réforme des retraites a été et est un sujet hautement sensible qui impliquerait de ne plus imposer des mesures autoritaires identiques pour tous, tel que cela a été fait pour ces différentes réformes des retraites. Une croissance démographique constante qui ne semble guère préoccuper les responsables politiques et gouvernementaux à laquelle s’ajoute un vieillissement de la population avec une perspective de baisse à venir tout aussi constante des actifs vont à terme poser de très graves problèmes de financement. Vu le niveau de la dette, il y a obligation pour un Euros dépensé ici, de réaliser un euro d’économie ailleurs.
Pour la question démographique qui est fondamentale, les écologistes indépendants du MEI, comme l’association « démographie responsable » ne cessent de tirer le signal d’alarme en rappelant qu’en 2012, il y avait 7 milliards d’humains. En 2022, 10 ans plus loin, suivant un rapport d’une organisation dépendant de l’ONU la fin d’année 2022 inaugure les 8 milliards. Soit 1 milliard en une décennie, du jamais vu dans l’histoire de l’humanité pour une période aussi courte A ces mêmes dates, la France qui à l’échelle mondiale n’est qu’un très minuscule territoire est passé de 65,7 millions d’habitants à 68 millions (soit 2,3 millions). à Et même une pandémie très grave, telle le Covid-19 qui a fait plusieurs millions de morts dans le monde n’a finalement que très peu d’incidence sur la croissance démographique. Mais, malgré cela la question démographique est un sujet totalement tabou et ignoré par la classe politique et ses dirigeants, alors qu’il faut de toute urgence poser le problème du financement des retraites en recherchant des formules hors budget de l’état. De ce point de vue, des pistes de réflexion existent et les agrémenter d’un débat national serait le bienvenu.
La réforme des retraites de 2023 a mis fin aux régimes spéciaux de plusieurs professions en France, qui verront leurs conditions de départ en retraite alignées sur celles du régime général, mais aujourd’hui en 2024 en France, on estime qu'il existe 27 régimes de retraites, dont une quinzaine de régimes spéciaux. Pour rappel, les régimes spéciaux représentent le troisième bloc des régimes de la Sécurité sociale aux côtés du régime général de la sécurité Sociale, duquel relèvent les salariés du privé mais également les travailleurs indépendants (ces derniers bénéficient, au sein de ce régime, d'une couverture propre) et de la Mutualité sociale agricole (MSA). Les régimes spéciaux sont un gouffre de déficit compensé, par le régime général et par l’État, voire les collectivités territoriales, en intégrant la plupart d’entre eux au sein du régime général, il est incontestable que des économies importantes seraient réalisées.
Conclusion
Pour la première fois de son histoire depuis 1958, la Ve république connaît une situation inédite avec une assemblée nationale d’où aucune des trois principales forces politiques ne peuvent dégager une majorité les 3 ans à venir, ce qui peut rapidement déboucher sur une grave crise politique. Pour l’éviter et trouver le moyen de parvenir à gouverner à géométrie variable au gré des projets de loi encore faudrait-il trouver le chemin d’une coalition possible, mais c’est loin d’être gagné. De même qu’il y a aujourd’hui, vu le niveau de la dette, obligation pour un Euros dépensé ici de réaliser un euro d’économie ailleurs.
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