Une guerre nucléaire est-elle à craindre ?
Différents commentateurs rappellent que la guerre de 1914-1918 fut déclarée à la suite d'un incident relativement mineur, l'assassinat perpétré le 28 juin 1914 contre l'archiduc François-Ferdinand, héritier de l'Empire austro-hongrois, et son épouse. Ils font valoir que, de la même façon, les décisions collectives humaines n'étant ni prévisibles ni contrôlables, une guerre nucléaire mondiale pourrait découler des évènements actuels en Ukraine et en Crimée.
Concernant l'éventualité d'une guerre nucléaire de grande intensité (le terme signifiant ici une quasi destruction réciproque des grands puissances, sinon de la planète), les Etats possesseurs de la bombe avaient jusqu'ici montré qu'ils s'accordaient implicitement pour ne pas avoir recours à de premières frappes. Celles-ci ne pourraient pas éviter des frappes en retour, provenant notamment des sous-marins nucléaires non atteints par la première frappe, parce qu'indétectables ou trop dispersés. C'est d'ailleurs sur cette stratégie qu'a toujours reposé – et que doit toujours reposer – l'emploi de l'arme nucléaire française. Les SNLE de la marine nationale ont pour mission, et nul ne doute qu'ils l'exécuteraient, d'envoyer leurs missiles sur le pays attaquant, même et à plus forte raison si Paris et autres villes étaient détruites. Les barrages anti-missiles actuels ne seraient pas suffisants pour les intercepter. Or un seul de ces missiles pourrait provoquer des pertes irréparables chez l'agresseur.
A priori, on ne voit donc pas pourquoi les différents protagonistes mis face-à face par les confrontations en Ukraine se départiraient de cette prudence. Il est peu probable en tous cas que les Etats-Majors prennent des décisions conduisant directement à la guerre nucléaire mondiale. On peut craindre cependant des évènements d'importance majeure provoqués par les forces qui ont directement avantage, sinon à la guerre mondiale, du moins à une montée en intensité de conflits régionaux. Ils s'agirait notamment des lobbies militaro-industriels très actifs et très écoutés des gouvernements. Ils existent en Russie, ce serait enfantin de le nier, mais plus encore aux Etats-Unis.
Hagel versus Kerry ?
Il faut voir les réactions indignées qui ont suivi l'annonce récente du secrétaire à la défense Chuck Hagel, selon laquelle les effectifs de l'armée américaine seraient réduits de quelques dizaines de milliers d'homme (quantité infime) et que certains programmes ruineux, tel celui du F35, seraient retardés ou allégés. On peut s'attendre dans les jours qui viennent à ce que le lobby exige la suppression de ces mesures d'économie pourtant indispensable. Au contraire, de nouvelles dépenses pourraient être engagées, visant notamment une projection de force dans les pays de l'Otan. Ce serait un chiffon rouge agité sous les yeux de la Russie, qui ne pourrait pas ne pas réagir.
D'ores et déjà, a déclaré le 3 mars le ministère russe des Affaires étrangères, la Russie « juge inadmissibles les menaces du secrétaire d'Etat américain John Kerry, lequel avait dénoncé l'invasion de l'Ukraine par la Russie et évoqué de possibles sanctions internationales contre Moscou ». Le ministère accuse Washington d'avoir fermé les yeux sur la russophobie rampante et l'antisémitisme chez les manifestants de l'opposition, dont les représentants ont pris le pouvoir à Kiev.
L'annonce des dirigeants de sept pays membres du G8 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni) selon laquelle ils suspendaient leurs préparatifs en vue du G8 prévu en juin à Sotchi, et qu'ils décideraient de l'exclusion de la Russie, n'a guère fait peur aux Russes, sachant très bien que les sept se feraient ainsi du mal à eux-mêmes. La Maison Blanche ne va-t-elle pas recourir à d'autres « sanctions » bien plus dangereuses ? D'un autre côté les Russes ne vont-ils pas faire monter la pression, s'indignant des visites intempestives du même John Kerry à Kiev, au coeur du conflit ? Que diraient les Américains si un ministre russe venait, par exemple dans une ville encore en crise économique comme Seattle, pousser celle-ci à sortir de l'Union et rejoindre, au moins virtuellement, la Fédération de Russie ?
On peut penser cependant que la guerre mondiale n'est pas pour demain, en constatant ces jours-ci que toutes les grandes bourses, y compris à Moscou, ont fortement baissé. Cela ne touchera pas seulement le rouble, mais toutes les monnaies. Par ailleurs d'importants investissements risquent d'être suspendus – sauf dans le secteur militaire. Le monde souffre déjà d'une insuffisance des équipements productifs au regard de la croissance de la population. Une intensification de la confrontation en Ukraine ferait du tort à la plupart des intérêts financiers et industriels. Or ces gens là, s'ils prêchaient la modération, sauraient de se faire entendre.
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