Une journée en Bollorée

Ce matin-là, donc, je prends les transports en commun. Le métro, par exemple, comme tous les jours, où je franchis un tourniquet Bolloré, après avoir payé avec ma carte Navigo, faite par Ingenico (détenu à 8,74% par Bolloré)... Ingenico a été créée par Innovatron, la société de Roland Moreno, l’inventeur farfelu de la carte bancaire, et rachetée dès 1996 par Ingenico.

A peine dedans, dans le métro, j’ouvre un gratuit qui traîne là : MatinPlus...de chez Bolloré.

Au boulot, à Boulogne (je suis cadreur à la SFP (... de Bolloré). Ce matin-là, je rencontre mon pote Raymond, de la VCF (Vidéo Communication France) et ancien de Euro Media Television, lui aussi à Boulogne, qui doit m’expliquer comment on va faire cet été pour diffuser le Tour de France en moyens HF. On est rejoint par Robert, qui lui sera chargé de mettre ça en direct sur internet, une grande première, grâce à Streampower... du groupe Bolloré.

Le midi, juste avant d’aller au resto, je fonce à la poste envoyer un colis à un pote aux USA. En le faisant peser sur un terminal de pesée Bolloré. Au resto, je rencontre Albert, qui a toujours une histoire drôle à raconter. Lui, il est dans la sécurité, et plutôt à un poste haut placé. Ça lui arrive même de se retrouver à l’Elysée. A ce propos, il en a une bonne. La dernière en date, c’est celle d’un cameraman de France 2 qui a mis toutes les alarmes en marche au palais présidentiel, en juillet dernier. Les gendarmes, affolés, finiront par découvrir le pot aux roses : renseignement pris, le gars avait sur lui, dans ses poches... ses piles pour sa caméra. Le portique déclencheur, à l’Elysée, c’est un... Bolloré. Et l’appareil qu’avait le gendarme du GSPR, un détecteur manuel de masses métalliques BP-PD140 S.. un... Bolloré. Mon copain Albert et... noir, il a failli lui-même rester coincé à l’aéroport en revenant du pays de ses parents, à Roissy. Sa carte d’identité n’était pas reconnue par le sas automatique (oui, je sais,vous commencez à savoir à qui ça appartient).

Au resto, je paye avec ma carte bancaire sur un terminal S3000 LAN/IP de MoneyLine.. de chez Bolloré (?). En sortant, je pense à retirer de l’argent à ma banque avec un autre appareil MoneyLine, le distributeur de billets de ma banque. Manque de chance, ma banque est en travaux. Pas grave, elle a mis à côté de son emplacement habituel un "Modul’banque", sorte de préfabriqué bancaire comprenant tout ce qu’il faut pour les clients. Un produit "Bolloré Sécurité". A ma banque, la Banque Populaire, j’apprends qu’ils sont en train de poser un guichet à l’épreuve des balles. Du Bolloré toujours. Mon banquier dit que c’est du sérieux, ils ont posé le même au Consulat d’Algérie, deux blocs de maison plus loin. C’est Albert qui m’a reconduit à mon travail, on est allé chercher sa voiture dans un parking tout près, au sortir, on a failli être bloqué par la barrière...d’ Automatic Systems, de chez Bolloré, gérée par une carte IDPark de... (oui je vois, vous suivez, c’est bien).

A 17h , je file en express chez mon dentiste. Dans la salle d’attente, un vieux Point de Vue de juillet dernier. J’y apprends que Chloé Bouygues, nièce de Martin, le patron de TF1, et Yannick Bolloré, fils de Vincent, se sont mariés "récemment". Yannick, le fiston Bolloré, dirige les programmes de Direct 8. "Mariage simplissime", ajoute le magazine, huit cents invités seulement. Sans Martin, qui a refusé de venir, toujours très fâché avec Vincent (Bolloré). Un mariage fait par le très médiatique Alain Maillard de la Morandais, le seul curé au cigare que je connaisse. Il paraît que la fâcherie date, entre autres, de septembre 2003, ou Vincent Bolloré avait été mis en cause par TF1, dans un reportage du «  Droit de savoir  » sur «  Les dessous de Saint-Tropez », où on affirmait que Vincent avait bénéficié de passe-droits pour construire sa villa. Moi qui croyais bêtement que dans le beau monde on se faisait la bise parce qu’on s’aimait bien, j’ai comme un choc. Le même que j’ai eu en voyant un président sur un Yacht appartenant à... Vincent Bolloré.

Le soir, faut que je rentre tôt, y a mon chauffagiste qui vient remplir ma cuve de fioul... Bolloré. Je reprends donc le métro, en deux stations j’ai lu DirectSoir (Bolloré), mais ai eu le temps de lire mon horoscope "vous croiserez des personnes influentes aujourd’hui, toute la journée". Pas tout ça, mais faut que je rentre chez moi. A peine le temps de passer au supermarché prendre le litre d’huile que ma femme m’a dit d’acheter. Sur l’étiquette, c’est marqué la Ferme Suisse comme provenance. Bizarre, me dis-je pour un produit qui vient du Cameroun. De l’huile Bolloré ? Et pourquoi pas du bio-diesel Bolloré tant qu’on y est, me redis-je ?

A peine ai-je le temps de remarquer dehors une pub en 4x3 signée pour SFR signée Leg, une filiale d’Havas signée Séguéla. Le "mobile jubilatoire", annonce l’affiche. La promotion de Havas annonce dans la presse que cette campagne est en "rupture" avec les précédentes. C’est en tout cas ce qu’en dit le numéro du Figaro de Serge Dassault que mon pote Albert a oublié au restaurant, et que j’ai emprunté machinalement Et que je relis dans le métro du retour. En tout cas, il y a plus lire chez Dassault que dans le Direct Soir de Séguéla, voilà ce que j’en retiens pour aujourd’hui.

Chez moi j’hésite entre aller voir un film au cinéma Gaumont (cf.Bolloré), je suis tenté par Zodiac, dont je ne comprends pas bien l’affiche et ses résurgences bizarres (et inquiétantes !), ou à regarder une série B sur Direct8.. la télévision TNT de... Bolloré. Où je rate de toute manière régulièrement "Les enfants d’Abraham" qu’un copain branché catho m’a demandé de regarder "à tout prix". Avec des heures de diffusion pareilles, allez-y pour tomber dessus si vous travaillez ! A peine le temps de zapper sur un reportage sur une dôle de voiture électrique bleue, (la Bolloré Car) et j’éteins la télé. tout ce que j’ai retenu, de la voiture, c’est qu’elle marche avec des batteries.... Bolloré.

Ça, en effet, ou regarder le Web sur mon ordinateur, branché sur le réseau Wifirst. En fait, je triche : j’utilise le hot spot Bolloré en face de chez moi pour me connecter... gratos, mais ne le répétez pas. Ça m’économise l’accès WIFI étudiant mais payant que voulait prendre mon gamin. Au hasard du surf, on tombe sur des articles intéressants qui prennent du temps à lire, je n’irai donc pas au cinéma, j’ai déjà raté la séance. Je retrouve aussi l’article que je cherchais sur les commandes de voitures électriques par le Ministère de l’Industrie, qui pourraient monter à plus de 10 000 exemplaires. Je me dis que les voitures de la Poste vont peut être bientôt virer du jaune au bleu.

Sortir, regarder la télé ou, dernière possibilité, lire un bouquin de chez Flammarion, qui appartient aussi un peu à l’industriel breton, via une participation dans RCS Media, groupe issu d’une banque d’affaires italienne, la Mediobanca, ou siège... Vincent Bolloré. J’ai choisi "Pour un empire européen" de Ulrich Beck et Edgar Grande. C’est plutôt ardu, et je commence à fatiguer sec. J’aurais mieux fait d’acheter le Woody Allen.

Je suis près à m’endormir au bout du premier chapitre, et là, il y a mon vieux copain Félix qui me téléphone et qui me demande, "Je ne te dérange pas au moins, hein ? Dis au fait, toi qui sait plein de choses, là, j’ai appris à la radio que M. Bolloré y disait ne pas travailler pour l’Etat, ou si peu. Tu peux me préciser ce qu’il fait exactement, car moi, tout ce que j’utilise de lui c’est son papier à cigarettes Job !"

"Ben, euh, tu vois, là, Félix, il est déjà 21 heures et c’est une longue histoire, tu sais...."