Une nouvelle culture du « Vivre ensemble » en Europe. Avec l’aide de leaders religieux ?
Le Palais du Conseil de l’Europe à Strasbourg, temple des Droits de l’Homme, est moquetté de bonnes intentions. En raison d’une actualité brûlante, le thème peut-être majeur de cette session de l’Association Parlementaire du Conseil de L’Europe ( APCE) aura été « la dimension religieuse du débat interculturel »
La diversité culturelle source de tensions.
Le rapport commandé à Mme Anne Brasseur ( Luxembourg) par la Commission de la culture, de la science et de l’éducation, a recueilli l’adhésion quasi unanime des parlementaires en dépit du dépôt de quelques amendements portant surtout sur des questions de sémantique, ce qui est évidemment courant dans une « entreprise »aussi polyglotte.
La laïcité y apparaît certes comme un idéal partagé sans que pour autant chacun y mette le même contenu. Un fond commun cependant que résument quelques mots mille et une fois ressassés mais qu’il n’est pas vain de rappeler : liberté de pensée, de conscience et de religion ; égale dignité pour tous dans le respect de la dimension religieuse des croyants et aussi, « bien précieux pour les athées, les agnostiques, les sceptiques ou les indifférents ».
Amen, Inch’Allah et OK ! Dans le respect de la Convention.
En quelque sorte, les gouvernements devraient s’interdire d’admettre l’échec du multiculturalisme, de le proclamer ( le multi-kulti de Mme Merkel et de bien d’autres) et prendre des mesures pour y remédier.
Sur ce point encore des recommandations de bon sens : démocratie véritable, tolérance, acceptation des différences comme un fait normal et surtout la vision d’un futur commun. Et l’APCE de préconiser ce qui devrait aller de soi dans les 47 Etats : « reconsidérer les questions de l’enseignement du fait religieux, de l’enseignement confessionnel et de la formation des enseignants et des ministres du culte ou cadres religieux dans une approche holistique ». Les communautés religieuses sont invités à suivre la même consigne, ce qui paraît moins évident. A cette fin « un véritable partenariat s’avère nécessaire entre le Conseil de l’Europe, les religions et…les principales organisations humanistes ».
Et cela commence par l’invitation de cinq très hauts dignitaires des cinq monothéismes, pratiqués en Europe.
On attend naturellement que soient mis en lumière enfin aux yeux du vulgum pecus, toute l’homogénéité ou plutôt toutes les similitudes, le fond commun en regard de toutes les divisions et le culte de la diversité enrichissante qu’on en tire à l’envi .
Chercher la différence ? Pas facile mais…
Voici le quintette des hauts représentants des religions qui ont accepté de venir donner leur point de vue sur le dialogue interculturel, considérant que la religion constituait un élément essentiel de la diversité.
- Sa Béatitude le Patriarche Daniel de Roumanie( orthodoxe)
- Son Eminence le Cardinal Jean-Louis Tauran, Président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, Cité du Vatican( catholique)
- Professeur Mehmet Görmez, Président de la Direction des Affaires religieuses de la République de Turquie( musulman)
- Grand Rabbin Berel Lazar, Grand Rabbin de Russie( israélite)
- Prélat Bernhard Felmberg, Représentant plénipotentiaire du Conseil de l’Eglise protestante en Allemagne auprès de la République fédérale d'Allemagne et de l'UE
Du beau monde, coloré, dans un hémicycle bien rempli et des discours de très haute tenue, avec des portes ouvertes sur l’extérieur de l’église, du temple, de la synagogue ou de la mosquée. Chacun pour soi cependant.
Sont évoquées les racines chrétiennes soit judéo-chrétiennes de l’Europe, sur les apports antérieurs des civilisations antiques grecque et romaine.
Le professeur Görmez y revendique la part significative de l’Islam ( au Moyen- Age notamment) et, conciliant, il rappelle que « vivre ensemble dans la dignité …c’est aussi le message des dix commandements, du sermon sur la montagne de Jésus et celui de Mahomet, message toujours martelé » . On a beau dire mais cela rassure.
Enjoué et brillant, le discours du Grand Rabbin Lazar est tout aussi plaisant puisqu’il évoque la Torah et la Bible qui disent que « le prosélytisme n’est pas la bonne voie » mais, paradoxalement , il ajoute que « la Torah a été donnée au peuple juif pour qu’il la diffuse…………et à tous les peuples du monde ». Chose faite en tout cas en Europe et ce ne sont ni les catholiques , ni les orthodoxes et encore moins les protestants qui le contrediront.
Ces trois religions organisent en permanence des réunions œcuméniques facilitées par l’adhésion au même évangile avec des destins historiques divers dont les effets antagonistes ont tendance à s’estomper.
Pragmatique, le prélat Felmberg qui semble confondre ou alors fusionner Conseil de l’Europe et Union Européenne, insiste sur le rôle social temporel de l’Eglise protestante en Allemagne. Il cite aussi une pratique intéressante dans son pays : « Chaque année les catholiques, les protestants et les orthodoxes organisent une semaine interculturelle soutenue par les syndicats, des conseils municipaux, des organisations de migrants et des acteurs de la société civile ». Bravo, c’est dans l’esprit du CE.
A ces propos du patriarche Daniel de Roumanie souscrit entièrement comme à la préoccupation du CE à laquelle il y ajoute une recommandation précieuse particulièrement en Europe de l’Est et au-delà : « Il faut développer une culture du vivre ensemble par le dialogue pour éviter la transformation de la diversité en adversité et de confondre l’identité avec l’isolement ».
Un peu d’autosatisfaction de la part du cardinal Jean-Louis Tauron qui déclare avec assurance : « Il y a un humanisme européen d’origine chrétienne. Certes, il ne faut pas sous-estimer la présence des juifs, l’apport de la philosophie arabe, les questionnements des Lumières, mais c’est le christianisme qui est à l’origine d’ institutions européennes comme l’école,l’université, les hôpitaux… » et plus loin « c’est cet humanisme qui a rendu possible le débat entre foi et raison » sans préciser toutefois depuis quand.
Pas grand chose pour les mécréants, les agnostiques ou athées, grâce à dieu ! Ils observeront avec bienveillance ces belles intentions pacificatrices.
Des aspects positifs dont le Conseil de l’Europe, initiateur de cette démarche peut se féliciter car, nulle part ailleurs une telle rencontre n’aurait été possible. A l’heure où les préoccupations prégnantes vont à la crise ou aux crises, une once de spiritualité ou de métaphysique ne saurait nuire à la réflexion.
Antoine Spohr
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