Une photo énigmatique de Mme Sarkozy en nouvelle Shiva
C’est à croire que, par les temps qui courent, les stratèges de la publicité présidentielle aient jugé utile de faire connaître au monde que le président Sarkozy et son épouse sont toujours amoureux après un an de mariage. Le problème se poserait-il ? Ou faut-il donner au peuple un peu de rêve entre la crise économico-financière et cette grippe au nom changeant qui a soudain curieusement envahi les médias avec ses masques de prévention ?
La métonymie de la tendresse
Photographiés en plan américain, les amants s’étreignent dans un décor arboré et fleuri mais dont le flou crée une mise hors-contexte. Le regard, en effet, ne doit pas être distrait par le décor qui entoure les personnages. Seule l’étreinte des corps qui ressort dans un beau contraste de couleurs avec ce vert paradis, doit retenir l’attention : lui tourne le dos pour que son épaule et sa joue encadrent le visage de son épouse. Il échappe surtout ainsi à une posture qui n’aurait rien eu de présidentiel mais aurait peut-être frisé le ridicule.
En revanche, tête inclinée, yeux fermés et doux sourire aux lèvres, l’amante est toute entière abandonnée à l’ivresse qui la transporte en le pressant contre elle. Elle livre ainsi la métonymie attendue de la tendresse qu’elle éprouve toujours pour son mari malgré le temps qui passe, elle qu’on a dite si inconstante. Car c’est elle qui est à la manoeuvre : ses mains sont bien à plat dans le dos de son mari pour le retenir contre elle, tandis que lui paraît plus réticent à l’effusion. On croirait même qu’il se défend contre l’assaut fougueux de son amante : il ne la tient des mains qu’aux épaules quand elle lui plaque ses mains doigts écartés dans le dos pour le serrer au plus près.
Le leurre de l’information donnée déguisée en information extorquée
Comme il se doit, le leurre de l’information donnée déguisée en information extorquée est employé pour faire croire à la fiabilité de la scène. Les deux amants paraissent surpris dans un moment d’intimité loin de tout témoin et surtout des caméras. Ils n’y prêtent en tout cas aucune attention. Le décentrage des personnages sur la gauche tend à donner l’illusion d’un instantané pris à la va-vite : le photographe n’aurait pas eu le temps de cadrer la scène comme cela est possible quand les personnages posent à loisir.
Il s’agit de donner l’impression d’une scène extorquée à leur insu et/ou contre leur gré, donc plus fiable. Or, ne serait-il pas naïf de croire qu’un photographe ait pu approcher le couple présidentiel sans y avoir été expressément autorisé ? Le président Sarkozy est trop préoccupé par les images qu’il autorise à livrer de lui-même. On est même tenté de supposer, vu sa petite taille par rapport à son épouse, que, pour la dominer presque de la tête comme il le fait, il a dû grimper sur la valise du photographe, comme ça lui est arrivé de le faire avec l’ancien président Bush (voir ci-dessous). C’est peut-être, après tout, la crainte de tomber de la valise sous la pression de son épouse, qui lui donne cette allure maladroite de quelqu’un en déséquilibre qui prend appui. La mise en scène d’ "une information volontairement donnée", et donc d’une fiabilité incertaine, n’est en tout cas pas contestable.
La métaphore de l’amour dévorant ou une simple farce ?
En douterait-on encore qu’il reste une incroyable énigme qui la confirme. A y regarder de près, on se demanderait même s’il s’agit bien de Mme Sarkozy. Le visage, à l’évidence, est bien le sien mais les quatre bras qu’elle déploie, étonnent tout de même : ils font penser, par intericonicité, à ceux de la déesse Shiva : deux d’entre eux étreignent bien l’époux mais les deux autres s’emploient à faire autre chose : l’un tient un sac à main, l’autre paraît avancé pour se retenir à un tronc d’arbre par exemple, qui sait ?
En viendrait-on dans la stratégie publicitaire présidentielle à livrer des métaphores divines pour l’édification non plus des citoyens, mais des fidèles ? Voyez, dit cette image pieuse, comme Mme Sarkozy est capable de se mettre en quatre en dédoublant ses bras pour témoigner à son époux un amour dévorant. À moins tout simplement que le photographe distrait ou farceur ne se soit assoupi au cours de son laborieux travail de retouches...
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