Une photo inattendue de Mme Bruni-Sarkozy aux côtés du Dalaï-Lama
On savait que, pour échapper aux foudres des autorités chinoises qui avaient menacé, avec leur euphémisme coutumier, d’en tirer toutes les conséquences, le président Sarkozy avait dû renoncer à recevoir le Dalaï-Lama. De trop gros contrats commerciaux étaient en jeu. Il avait toutefois tenté de ruser en dépêchant, à défaut de lui-même, sa moitié auprès de « Sa Sainteté », à l’occasion de l’inauguration d’un temple bouddhiste à Roqueredonde dans l’Hérault, le 22 août dernier.

Une pantomime inédite
Mais une photo a pu échapper à l’attention en cette fin de vacances. Elle est si intéressante pourtant qu’elle mérite qu’on y revienne. La surprise ne vient pas d’abord du Dalaï-Lama qu’on retrouve dans sa traditionnelle posture favorite, mains jointes brandies devant un sempiternel sourire, empruntée à Bouddha, mais de Mme Bruni-Sarkozy, qui, à ses côtés, dans un soudain accès de religiosité, le mime avec application, les deux plats des mains réunis et dressés vers le ciel pour une prière ou un salut inattendu de la part de l’épouse d’un président d’une République laïque en représentation.
En outre, de toutes les postures auxquelles cette dernière s’est essayée et a habitué son public, celle de bonzesse tibétaine est bien la dernière qu’on attendait d’elle. Quelle plasticité merveilleuse ! Le métier de mannequin, il est vrai, rend si souple, si malléable et si docile entre les mains d’un metteur en scène. Hier, en tenue d’Ève, chaussée de bottes de cuir ou non, elle posait déjà ravie, dans toutes les positions, pour nourrir les magazines spécialisés. Un de ses nus, un peu nunuche, mis aux enchères, s’est même récemment arraché à prix d’or (1). Aujourd’hui, très sagement vêtue et même enveloppée de la « kata » qu’au Tibet on offre, paraît-il, au visiteur en signe de bienvenue, la voilà qui singe aussi naturellement qu’elle s’abandonnait autrefois sur les divans, la posture stéréotypée de son hôte.
Peut-être s’avance-t-on un peu, objectera-t-on ! Qui sait si la proximité du saint homme ne répand pas alentour une odeur de sainteté à laquelle même Mme Bruni-Sarkozy n’a pas pu résister ? Et puis - ne le concède-t-on pas ? - à tout pécheur miséricorde !
L’ironie, l’arme fatale des pacifiques ?
Il reste qu’on est bien obligé de s’interroger sur les motivations des uns et des autres qui ont autorisé la diffusion d’une scène aussi saugrenue que ridicule. Car, il s’agit d’une mise en scène où les deux acteurs se donnent volontairement en spectacle, sans même feindre d’avoir été surpris à leur insu. Cette photo est l’exemple même de « l’information donnée ». Pas plus que le Dalaï-Lama, en effet, le président Sarkozy ne laisse diffuser n’importe quelle image de lui ou de ses proches. On sait, du reste, qu’il avait veillé à ce que ce fût sa femme qui fût mise en avant et prié les ministres Kouchner et Yade de se montrer discrets.
Sans doute par nature le langage analogique des postures est-il ambigu. On s’en tiendra donc à des hypothèses.
- S’est-il agi, du côté français, par cette imitation gestuelle ostentatoire du Dalaï-Lama, d’exprimer une identité de vues entre lui et le gouvernement français, en dépit de l’absence protocolaire du président ? Pourquoi pas ? L’ennui, c’est que Mme Bruni-Sarkozy est ici une actrice qui joue à contre-emploi. Il y a erreur de « casting ». On ne va pas chercher une star de revue légère pour jouer sainte Thérèse de Lisieux sous peine de décrédibiliser le personnage. Aurait-on vu Alain Cavalier choisir une Brigitte Bardot pour tenir le rôle dans son film Thérèse ?
- C’est peut-être d’ailleurs la raison du sourire particulièrement appuyé du Dalaï-Lama qui n’ignore sûrement rien du palmarès de sa voisine. Sa courbette n’est-elle pas d’ailleurs plus prononcée qu’à l’ordinaire ? Ne cherche-t-il pas à contenir derrière ses mains jointes le spasme qui le secoue ? Ne faut-il pas dès lors relever, dans ce comportement qu’on devine plus expansif que d’habitude, les indices d’une ironie qui lui serait personnelle ? Pour tout dire, n’a-t-il pas l’air de se plier en deux et de murmurer : « Voyez comme je l’ai attifée la Carla avec ma kata. La voilà au moins habillée pour l’hiver ! » ?
Car, de son point de vue, il y a de quoi murmurer ! N’est-ce pas une façon élégante de dénoncer dans la pantalonnade de Mme Bruni-Sarkozy, si appliquée soit-elle à le singer, l’hypocrisie de la présidence française ? On a beau être l’ambassadeur itinérant de la paix céleste, trop c’est trop. On n’est pas dupe ! Heureusement qu’il y a l’ironie ! C’est l’arme la plus cruelle qui reste aux pacifiques pour clouer au pilori les imposteurs. Paul Villach
(1) Paul Villach « Nu de nunuche sur fond nu aux enchères et surenchère de mimétisme dans les médias », Agoravox, 27 mars 2008.
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