Une « Police des moutons » en Lozère
Au mois de juin 2015, une « Police des moutons » verra le jour sur les grands Causses. Calqué sur la « Police des rennes » norvégienne, ce nouveau corps de police sera principalement en charge de faciliter les mouvements de troupeaux et d’intervenir lorsque des problèmes surviendront entre les éleveurs...
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On le sait peu en France, mais la Norvège dispose d’une « Police des rennes » composée de différentes patrouilles qui sillonnent les immenses toundras du Finnmark, aux confins de la mer de Barents. Créé en 1949 pour lutter contre les vols suscités par la famine qui régnait alors au-delà du cercle polaire, ce corps spécifique a pour mission principale de veiller à la sûreté des rennes, notamment lors des transhumances qui, à la fin du long hiver arctique, amènent les troupeaux de rennes sur leurs lieux de pâturage d’estive, le long de la côte ou sur les îles proches du rivage. Un moment d’autant plus délicat que les mères ne mettent bas qu’une fois le but atteint, les jeunes faons étant incapables de parcourir de longues distances et surtout de traverser les bras de fjord et les détroits maritimes. Les attributions des patrouilles de la Police des rennes ne se bornent toutefois pas à un rôle de supervision des transhumances : il appartient également à ces policiers de régler les différends entre les éleveurs Samis (les Lapons), de faire respecter les règles d’usage des pâturages collectifs, de protéger les localités des intrusions de rennes, et bien entendu d’enquêter sur les vols d’animaux.
Les problèmes liés à l’élevage des moutons dans les Causses ne sont évidemment pas de même nature : ni le territoire, ni le climat, ni les animaux ne sont les mêmes. Les étendues quasi-désertiques des grands Causses n’en connaissent pas moins des évènements présentant d’évidentes analogies avec l’élevage des rennes dans les toundras du Finnmark. Or, il est apparu depuis plusieurs années que les brigades de gendarmerie lozériennes n’étaient pas formées à évaluer avec la précision nécessaire la nature de la réponse à apporter aux problèmes posés, tant sur le plan judiciaire que sur le plan humain. C’est la raison pour laquelle, avec en avoir débattu avec le ministre de l’Agriculture, Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, a mis en place un groupe d’études au printemps 2014. Sa mission : trouver une solution de police adaptée à ce terroir si particulier, confronté à des vols de bétail, à des errances intempestives d’animaux sur les routes, à des aberrations comportementales d’ovins, à des chutes de moutons dans des avens insuffisamment protégés, et à des attaques de vautours, notamment dans le secteur de la vallée de la Jonte.
Quelques semaines plus tard, un trio d’experts du ministère, emmené par Mme Salomé Besch-Hamel, débarquait à l’aéroport d’Alta en Norvège où il était accueilli par le responsable de la Police des rennes, M. Thorvald Hvitrein. Au retour de la mission, après avoir vu à l’œuvre in situ les binômes de plusieurs patrouilles, en particulier dans le secteur d’Hammerfest, un rapport était rédigé par les experts puis remis au nouveau ministre de l’Intérieur, M. Bernard Cazeneuve.
C’est au cours de l’automne 2014 qu’a été prise la décision de créer la Police des moutons, comme le confirme une lettre adressée le 17 septembre par M. Bernard Cazeneuve au préfet de Lozère, M. Guillaume Lambert. À charge pour ce dernier de mettre des locaux à disposition du futur corps de police : d’une part, un bureau central doté d’un secrétariat ; d’autre part, un local relais sur chacun des grands Causses. Selon nos informations, c’est dans le bourg de Meyrueis que devraient être installés les bureaux de la Police des moutons ; les relais seront, quant à eux, situés à Hures-la-Parade sur le Causse Méjean, à Saint-André-de-Vézines sur le Causse Noir, et à La Cavalerie sur le Causse du Larzac, le Causse de Sauveterre ayant été jugé moins concerné.
Les binômes, au nombre de 6, sont actuellement en cours de constitution. Ils seront opérationnels dès le lundi 1er juin 2015 sous la responsabilité d’un officier actuellement en poste à Mende, le capitaine Jérôme Visna-Maëdi. Le détail des missions qui seront confiées à la Police des moutons fera, le mardi 14 avril à l’Hôtel-de-Police de Mende, l’objet d’une conférence de presse donnée conjointement par le Préfet de Lozère et le Commissaire principal dont dépendra la Police des moutons. Le capitaine Visna-Maëdi sera également présent ce jour-là. Nul doute qu’il sera amené à répondre à cette question : « Dans Le dernier Lapon et Le détroit du Loup, le romancier Olivier Truc met en scène deux héros de la Police des rennes, un enquêteur d’origine Sami et une jeune coéquipière venue du sud de la Norvège. Calquerez-vous votre organisation de travail sur celle de ces policiers du Grand Nord ? »
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