• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Une révolution épicurienne dans une France bananière et bureaucratique

Une révolution épicurienne dans une France bananière et bureaucratique

Commençons par une note grincheuse. Bernard Lenoir passe du bon rock sur France Inter mais on a franchement l’impression de ne pas s’éloigner d’un goût assez convenu, sélectif, entre électro pop, hard core soft, néo-psyché, groove branché, song writer en ascension et bien évidemment, le surfait et presque ennuyeux Radiohead, le groupe qui donne une caution à l’underground populaire. On n’ennuie en vérité. Mais supprimons le On, terme vague et désagréable tant il noie le propos dans la généralité. Il faut oser être singulier. Je m’ennuie, et sur cette planète, nous sommes plusieurs à être ennuyé par la musique rock, le cinéma, la télé poubelle d’Etat, la chanson insipide. Tenez, écoutez ces voix juvéniles, d’un Delerm, presque atone, d’un Willem, très efféminé, d’un Maé, très chèvre à la voix forcée et insupportable, d’un Biolay, complainte pathétique, d’un Cali, gauchiste frénétique. Drôle d’époque. La chanson française est d’une nullité abyssale. Ce n’est pas récent. Déjà 30 ans à supporter des daubes, d’Indochine à Obispo. Des complaintes, comme si le Français était un âne attardé sur le passé et fixé sur la méchanceté du monde, en attente de comptines et de bonnes mélodies pour être bordé le soir au coucher. Il reste les Brel, Ferré, Ferrat, Gainsbourg, Mouloudji pour se délecter d’un peu de poésie. Car même Higelin est pénible, mais pas autant que ce faux rebelle de Katherine, le chanteur le plus nul de sa génération, qui pour faire oublier la médiocrité des compositions, s’habille en collant et slip pour jouer le type sorti de Sainte-Anne. Même pas drôle, pathétique, comme un billet de Sophia Aram ou de Ben, piètres pièces rapportées censée remplacer le fiel d’un Porte ou d’un Guillon. On s’emmerde ! Ne parlons pas d’Eric et Ramzy, de Bigard, de Dubosc, de Dany Boon. Il y a déjà assez de suicides.

C’est assez étrange de vivre avec des concitoyens qui bouffent ces produits culturels sans rechigner et sont même prêts à payer cher pour les voir et les entendre. En ces temps de disette culturelle, le mieux est de fermer le rideau, feindre que ce monde n’existe pas, se réfugier dans le passé et les classiques. Un troisième volume des œuvres orchestrales de Rozsa vient de sortir chez Naxos. Côté rock, on s’en remettra aux œuvres des seventies. Un bon Led Zep. Et sans doute, la surprise de 2011, le dernier disque d’Amplifier, trio de Manchester jouant du prog psyché planant. Double CD pour 11 euros dans une grande surface culturelle bien connue. L’autre jour, j’écoutais les Doors et UFO. Quelles émotions ! Et puis étrange, cette voix rocailleuse de Morisson, l’opposé d’un Willem ; un Morisson aux incantations presque gutturales, venues d’outre tombe, comme pour signaler une existence déjà vieille, une vie d’homme jeune déjà pénétrée de multiples expériences, contrairement aux sucreries d’un Delerm pour trentenaires inaptes à vivre, bobos prématurément vieillis sans avoir vécu, fonctionnarisés dans l’existence, qu’on observe pathétiquement promener leur progéniture en conduisant une poussette nonchalamment, comme s’ils vivaient dans leur seul et unique monde au lieu de partager, tels les sages dépeint par Héraclite, un deuxième monde en commun avec les autres. Delerm, Maé, Jennifer, la décivilisation en marche. Une fois de plus rideau.

Troisième rideau, pour ne pas voir le pitoyable spectacle de la politique. Il n’y a aucune raison de s’engager quand les citoyens se dégagent de tout effort pour comprendre les réalités en profondeur, accéder à la vérité, la seule qui promette de grands changement. Fred Foldvary ironise sur la servitude ignorante du citoyen refusant de comprendre les réalités économiques *. Les citoyens préfèrent commenter les phases de jeu politique, suivant en cela le « la » sonné par les médiarques. Les citoyens aboient contre les piètres ministres, les incapables diplomates, les corrompus, comme si le fait de gueuler pouvait offrir un avenir au pays. Un avenir qui ne marchera pas en faisant sauter quelques fusibles. Les gouvernants font sauter quelques hauts fonctionnaires pour se dédouaner de leurs erreurs. Mais offrir un fusible en pâture au bon peuple ne donnera pas pour autant du travail aux jeunes, du pain dans l’assiette des pauvres et un appartement pour les mal logés. MAM sera débarquée, mais pas le chômage, bien accroché dans l’économie. Les peuples arabes se sont révoltés contre les régimes dictatoriaux, parce qu’ils sont jeunes. L’Amérique est un pays de vieux mais qui est jeune. La France est un pays de vieux dans un vieux continent. Les gens de trente et quarante ans sont déjà vieux. Un système fait de hiérarchie, de médias complices, de directeurs, de managers, de politiciens, d’élus, est devenu indéboulonnable. Les élections ne 2012 ne seront qu’une pièce de théâtre déconnectée du réel, retransmise et commentée. Pas de grande espérance. Obama est à DSK ce que Jim Morrison est à Christophe Willem. Aux States, les radios FM passent du Led Zep. On comprend le décalage avec la France. Pays dont la diplomatie a perdu sa superbe, mais cela ne date pas d’hier. Le processus s’est effectué sur une période de trente ans (lire La stratégie du déclin, de Joseph K, paru il y a dix ans, dénonçant l’arrogance française). La France est une synthèse entre un régime soviétique et un pays démocratique et libéral. Il ne peut y avoir de révolution car les citoyens français sont associés au régime dont ils dépendent. La France a réussi le tour de force d’être une démocratie à la foi bananière et bureaucratique. Comme dans l’ancienne Union soviétique, elle a ses artistes officiels, Johnny, Mireille Mathieu, Alain Delon. Tous décorés de la légion d’honneur.

Un pays marque son dynamisme par ses labos et ses recherches universitaires. La recherche française n’innove plus beaucoup, surtout en biologie où elle suit ce qui se fait dans les meilleures universités américaines, suisses, allemandes, britanniques. Elle est à l’opposée de la Chine qui imite pour se projeter dans le progrès, alors que la France imite pour ne pas décrocher du progrès. Elle produit de belles berlines pour ses citoyens aisés, laissant les zones périphériques en état de sous-développement, malgré quelques aides consenties au nom de la compassion républicaine. Il n’y aura pas de révolution ni de changement de régime après 2012. Fermons le rideau sur les égoïsmes, les prédateurs, les corruptions et l’ignorance généralisée !

La seule et unique révolution serait-elle celle de l’amour comme le sous-entend Luc Ferry ? En vérité, la révolution, terme auparavant sacralisé, semble relever de la sphère privée. Les Français méritent-ils qu’on se penche sur leur sort ? Le mieux, c’est de continuer à vivre, avec ses moyens, même limités. Observer le monde, la nature, la magie des plantes. Etudier les livres savants, jouer à l’herméneutique en découvrant le sens, aimer ses proches, ne rien espérer qui soit hors de portée, excepté l’inattendu, mettre les ambitions matérialistes au rancart mais cultiver les aspirations spirituelles en vivant selon ses moyens, même modestes. Croyez-moi, il y a un avenir, surtout quand il est illuminé du sentiment amoureux et du plaisir esthétique envers les choses naturelles et les grandes œuvres dont la fréquentation ne demande que quelques pièces d’euro. La révolution sera épicurienne ou ne sera pas !

* These are nine secrets of economics now being leaked to the public. They are now on the Internet for all to see. Will government chiefs tremble and quiver with fear ? Not until rebels go into the streets and subject themselves to mass arrests. Few will notice these leaks, because of this tenth secret : 10. Truth is deep, and fallacies are shallow, and most people prefer to believe superficial appearances rather than work to understand the implicit underlying reality. So most who read these leaks will yawn and go back to blaming greedy corporations, big-spending politicians, and excessive consumption. The truth shall set ye free, but indeed most folks can’t handle the truth.

Fred Foldvary


Moyenne des avis sur cet article :  3.93/5   (15 votes)




Réagissez à l'article

10 réactions à cet article    


  • frugeky 23 février 2011 10:35

    Me permets de vous proposer San Severino dont son dernier album, les faux talbins, regorgent de pépites loin des Delerm, Biolay, et autres Maé.


    • Guy Liguili Guy Liguili 23 février 2011 11:14

      Les déclinistes croient toujours parler de leur pays alors qu’ils ne font que parler d’eux-mêmes !


      • slipenfer 23 février 2011 11:38


        Klaus Schulze - Cyborg - Synphara
        Klaus Schulze - Black dance
        Klaus Schulze - Timewind



        • daniel paulmohaddhib 23 février 2011 12:45

          Truth is deep, and fallacies are shallow, and most people prefer to believe superficial appearances rather than work to understand the implicit underlying reality. So most who read these leaks will yawn and go back to blaming greedy corporations, big-spending politicians, and excessive consumption. The truth shall set ye free, but indeed most folks can’t handle the truth.
          fred folvary

          La vérité est profonde , les faux raisonnement sont superficiels..et la plupart des gens preferent avoir foi dans les apparences superficielles plutot que de travailler a comprendre la realite absolue cachée (sous-jacente) .
          aussi la plupart qui lisent ces « fuites » vont bailler et retourner blamer les entreprises qui font du profit , les politiciens dispendieux , et la consommation excessive.
          La vérité vous rendra libre , mais en fait , la plupart des gens ne peuvent supporter la vérité...
          fred folvary..

          merci Bernard


          • Crevette Crevette 23 février 2011 21:24

            Sur la musique, je n’aurait pas dit mieux !

            C’est le vide !


            • Le chien qui danse 23 février 2011 22:37

              Je me suis dit « tiens ce soir un petit Dugué »...merci pour ce billet.


              • Guy Liguili Guy Liguili 24 février 2011 00:35

                Il est certain qu’en citant Led Zeppelin (40 ans), Brel (50 ans), Brassens (60 ans), Mouloudji (70 ans), on saute à pieds-joints dans la modernité.
                Ah M’am Michu, leur musique de zazou j’y comprend plus rien, c’est tam-tam et compagnie...


                • ratapignata pascbert 24 février 2011 08:10

                  Ah M’am Michu, leur musique de zazou j’y comprend plus rien, c’est tam-tam et compagnie...

                  Bon si vous trouvez la culture (pseudo-révolte des quartiers déshérités) rap ,hip hop de bon aloi , mais néanmoins locomotive de l’industrie du disque , faites nous signe !


                • ratapignata pascbert 24 février 2011 08:50

                  Bon article ! après , l’industrie du disque en France à l’époque que vous évoquez , nous a donné Sheilla,Adamo , France-gall,M Brant and Cloclo....pendant que les anglo-saxons révolutionaient en profondeur et durablement l’histoire de la musique.
                  Il ne faut pas étre très clairvoyant pour faire un tel constat : la France a finalement régulièrement été à la traine en innovant peu ou pas !

                  Je n’ai pas détesté B.LLavilliers à l’époque de « pouvoirs » ou « le stéphanois » voire« voleur de feu »,ça me paraissait puissant . Mais il est vrai que depuis ,la fameuse chanson française n’a guère à offrir ,et d’accord pour San severino ! Mais à vrai dire ,ou pour me confesser ...ma discothèque est plein de vieilleries , c’est un peu désolant mais j’assume !

                  Après ,la démache qui consiste à plaquer à tout prix sur de beaux instrumentaux les paroles d’une révolution hypothétique et confortable juste pour se rassurer ou exister, alors il vaut mieux écouter Trust ,au moins ,il y a pas de doute !!!

                  C’est d’ailleur étrange cette tendance à tout prix et systématique de vouloir chanter sur une composition musicale , ça me dépasse ! faire une chanson , et pas un morceau à écouter pour ce qu’il est ! le jazz ,le classique sont des genres ou la voix n’est pas systématiquement présente et pourtant on l’écoute ,non !

                  m’enfin , tout est histoire de public et de demande ,n’est-ce pas !
                  et puis la musique instrumentale ayant été détournée de son but initial sert au cinéma,à la pub ,etc,etc... Qui pourrait actuellement se passer d’images pour écouter une composition musicale comme si l’une devait étre absolument tributaire de l’autre !

                  Bon,c’est tout personnel , mais j’aime bien écouter une longue plage instrumentale de Garbarek , Gismonti , John Surman ,etc etc....sans parole uniquement pour la beauté de la composition , la dextérité de l’instrumentiste ,enfin ce genre de chose quoi. 





                  • Nometon Nometon 24 février 2011 10:04

                    « La chanson française est d’une nullité abyssale. »

                    Je vous suggère d’écouter Tété.

                    Cela vous évitera : 1) de ne boire qu’à la soupe médiatique 2) de sombrer dans la nostalgie de la soupe médiatique d’antan.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON







Palmarès