Une société de violeurs ?
de Marcela Iacub Editions Fayard… Marcela Iacub y analyse les réactions de la société à la suite de l’affaire du Sofitel de New-York. Celles qui s’appellent « les féministes » ont imposé à la société une vision de la sexualité tout-à-fait inacceptable. Elles ont imposé l’abandon de la présomption d’innocence, qu’une femme ne saurait mentir en matière sexuelle et l’idée que la femme pouvait retirer son consentement a posteriori. C’est un renoncement collectif, partagé, aux principes fondamentaux de notre société : l’égalité de tous devant la loi.
Marcela Iacub est peu entendue. Ses constats sont niés. Ses raisonnements sont peu traités, ils ne sont pas repris, ils ne sont pas cités. Leur existence n’est pas mentionné par celles et ceux qui traitent le sujet. On n’y répond pas de façon argumentée. Elle subit une exclusion de fait, douce, qui est elle-même niée par l’indifférence, l’absence de traitement de cette exclusion.
Elle part pourtant de constats faciles à faire et tient des développements raisonnables. Juriste, elle développe des éléments, des informations que nous n’avons pas et dont les mass-médias ne parlent pas.
Les femmes seraient un groupe à part qui nécessite des protections spéciales. L’idée qu’il y a des violences spécifiques faites aux femmes est présente partout, avec des statistiques sorties d’on ne sait où et répétée abondamment, cette idée est présente partout dans les mass-médias. Rien ne s’y oppose. Cette rupture de l’égalité en droit entre les femmes et les hommes est actée, sans que nous n’y prenions garde, dans les lois (du 4 avril 2006 et du 9 juillet 2010 par exemple). Les non-femmes n’ont qu’à bien se tenir puisque leur culpabilité est postulée a priori et que les non-femmes devront prouver leur innocence, si une femme les accuse. Dans un contexte qui postule que femme ne saurait mentir, la preuve de l’innocence sera impossible à faire (en plus du fait que prouver l’absence n’est pas possible le plus souvent).
Pour Marcela Iacub, l’affaire du Sofitel de New-York a été l’événement qui a permis de poser et de renforcer cet état d’esprit contraire au droit et contraire aux droits de l’homme.
Au début, les médias ont commencé par discuter, sur la possibilité que DSK soit coupable ou non. Il y a eu par débat. Les médias ont exercé leur esprit critique qui est un de leur rôle fondamental. Le dimanche 15 mai 2011, les médias employaient le conditionnel, se demandaient si DSK n’avait pas refusé inconsciemment le destin national qui lui était promis, si certains concurrents politiques ne l’avaient pas piégé en utilisant son libertinage et pointaient les irrégularités dans la suite des événements et dans la parole de Nafissatou Diallo… sa personnalité, ses récits successifs, ses revirements, ses incohérences... une de ses paroles, au téléphone, disant « c'est un homme riche, je sais ce que je fais... » Où était passé le portable que DSK a oublié dans sa chambre du Sofitel ? Pourquoi DSK avait-il permis son arrestation en téléphonant à propos de ce téléphone et en disant où il était (dans un avion) ? Comment avait-il fait pour forcer cette femme jeune d’une taille et d’un poids respectable ? Les commentaires étaient empreints du doute raisonnable qui est l’apanage du travail des médias, l’esprit critique (et l’enquête) devant les informations provenant du pouvoir.
Puis, les médias se sont ralliés à la parole des plus dures des « féministes », celles qui amalgamaient harcèlement, libertinage et agression sexuelle et viol. Jack Lang avait dit « il n'y a pas mort d'homme » devant le refus de libérer DSK contre caution. Cette libération sous caution, quoiqu'on en pense, n'est refusée aux USA que lorsqu'il y a mort d'homme. (p122) Cette parole de Jack Lang était circonstanciée à l’état de l’enquête judiciaire au moment où il l’a dit. Elle fut répétée (et elle l’est encore quand, au hasard des discussions, l’affaire resurgit) avec l’interprétation implicite ou explicite qu’il s’agissait là d’une minimisation du crime et que cela représente le sentiment de tous les hommes, faisant bloc autour de DSK.
Jean-François Kahn a évoqué un troussage de domestique. Bêtise méchante dont il est seul responsable, qui n'engage que lui, qui n’est pas à proprement parler sexiste, plutôt classiste, parlant des classes sociales. Ces deux propos furent repris à satiété, comme s'ils exprimaient les avis des hommes, conçus comme un groupe homogène, dont le mépris pour les femmes est inscrit dans l’identité.
A partir du 27 mai (p120), les mass-médias traitèrent de ces deux phrases qui prirent la place de l’événement. Tout s’est passé comme si ces deux phrases représentaient l’avis de la société et qu’il fallait d’urgence faire repentance. Tous les discours autres furent condamnés et bannis, comme faisant partie du sexisme ordinaire. Ceux qui évoquaient la présomption d’innocence… ceux qui font de violeurs des malades… n’eurent plus droit de cité.
La culpabilité de DSK fut considérée comme certaine, dans les commentaires, malgré le travail de la justice américaine et de ses attendus. Le procureur Cyrus Vance Jr, réputé sensible à la cause des femmes a changé d’avis avec son travail d’enquête : les charges retenues reposaient uniquement sur la parole de d’une femme, Nafissatou Diallo, qui s’est discréditée par ses mensonges sur les conditions de l’agression, par des récits successifs contradictoires et incompatibles les uns avec les autres. Par exemple, suivant ses différents récits, l’agression dure 7 ou 20 minutes, sans qu’il soit possible pour Cyrus Vance Jr d’assurer une durée plutôt qu’une autre. (p42) Ce travail d’enquête d’un homme tout d’abord favorable à la culpabilité de DSK, puis qui y renonça, ce travail d’enquête n’eut aucune valeur, et fut à peine mentionné.
« Nous ne saurons jamais ce qui s’est passé au Sofitel de New-York » Tel fut le nouveau crédo des médias. C’est clair : la seule vérité qui aurait clos l’affaire et aurait été acceptable aurait été la déclaration de la culpabilité de DSK. Audrey Pulvar avait enfoncé le clou auparavant : « La présomption d’innocence est inaliénable, mais la présomption de véracité des propos de la plaignante aussi. » (p36). Dans le conflit de principes ainsi exposé, c’est le second principe qui gagne, c’est-à-dire la présomption de culpabilité des hommes (des mâles). Et nous en sommes là.
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