Une soirée pas comme les autres
C’est le genre de soirée d’anniversaire qu’on a tous vécu au moins une fois dans notre vie.
Qui n’a jamais vécu une de ces soirées où on se retrouve invité par pur hasard, un numéro de téléphone qui passait par là, ces soirées dont la perspective de nous y rendre ne nous emballe pas, mais qu’on ne peut refuser faute d’avoir une excuse valable du genre "je vais à un concours international de point de croix" ou "ma grand-mère se marie", ces soirées qui sentent le traquenard à 10 kilomètres à la ronde, et qu’on sait d’ores et déjà qu’elle restera dans les annales tant elle était chiante à mourir !
Avant de se rendre dans ce type de soirée, deux choses sont fondamentales, la première est de trouver un cadeau peu onéreux, mais à la fois original histoire de dire "tu vois, tu nous a pas donné de nouvelles depuis trois ans, mais on ne t’en veux pas" avec bien sûr la petite carte et les petits messages qui vont avec "change pas, t’es trop forte, reste la même", "profite bien, aujourd’hui tout est permis pour toi", "même si la vie a essayé de nous séparer, nous resterons amis pour la vie". Quant à la deuxième, je vous conseille vivement de profiter du trajet en voiture pour écouter ta compil la plus pourrie de ta CDthèque, les tubes de Bernard Menez, Guy Marchand, Patrick Sébastien ou Richard Cocciante, histoire d’évacuer la pression avant la soirée, généralement le CD passera deux fois durant le trajet, une première pour la route, et la deuxième le temps de trouver le lieu où se déroule le bouzin, eh oui ce type de soirées se déroulent souvent dans des endroits paumés au nom ridicule genre le Sec-Marais, Camphouy-les-Parpaings... Une autre remarque pour les gloutons, avant de vous rendre à la soirée, n’oubliez pas de vous alimenter, le blog des Muvrins vous conseille allègrement les tartines de Kiri, c’est léger mais ça comble un peu, et ça vous permet de manger au cas où vous auriez un mauvais pressentiment !
Vous voilà enfin à cette soirée, au portillon d’une fabuleuse demeure, vous évacuez la pression comme vous pouvez, certains crient, d’autres pètent, tout est possible ! Une fois, entré, après avoir salué les 97 invités déjà présents, et tous plus inconnus les uns que les autres à vos yeux, vous vous installez tranquillement dans un coin avec les deux amis qui vous ont accompagné, histoire de ne gêner personne en attendant l’arrivée de la personne victime de la surprise. La voici, c’est toujours la même chose : un pseudo étonnement, des larmes de crocodiles dignes d’un acteur de série Z, la remise de cadeau ou le moment clé de la soirée. Dans une soirée d’anniversaire normal, se cotoieront les traditionnelles enveloppes, les bijoux, le parfum, la montre ou le CD, et des cadeaux plus exceptionnelles parfois, mais dans ce type de soirée là crèchent sur la table tout un tas d’objet plus ridicules les uns que les autres que le destinataire reçoit comme on reçoit un voyage d’un mois à Tahiti, mais il a juste un bout de gruyère avec un pot de cornichon, un trépied, une sculpture en terre cuite, une chaîne de vélo, un bonnet de père Noël, et un saladier qui fait de la musique quand tu le laves ! Bref que des trucs qui servent à rien, et qu’on foutra dans un coin une fois les invités partis !
Après l’émotion, la maîtresse de maison crie avec bonheur "on va passer à l’apéro", le seul problème c’est que ton verre tu es obligé d’attendre encore plus longtemps qu’à La Poste pour qu’il soit rempli, si bien que tu te décourages, et tu vas boire un peu d’eau au robinet des toilettes, si tu es vraiment déshydraté, heureusement tu as eu un peu plus de chance pour les biscuits apéro, enfin juste un peu, la dernière petite saucisse toute froide qui traîne au fond d’un bol, et que tu es obligé de saisir à l’ancienne, c’est-à-dire à l’aide de la main, comme il ne reste plus de cure-dent ! Déjà tu as soif, en plus tu commences à avoir l’estomac qui tiraille et, bien sûr le pompon de la pomponette, voilà l’oncle Henri, avec son noeud papillon ridicule, l’homme que tout le monde évite dans la famille, mais toi comme tu es en terre hostile, tu le connais pas l’oncle Henri. Quel dommage, c’est le gars qui se croit drôle, mais qui ne fait rire que lui. Limite tu préférerais mater le spectacle de Sylvie Joly plutôt que de te taper les blagues pourries de tonton Henri...
Heureusement la maîtresse de maison reprend la parole : "je vous demande de vous rapprocher du buffet". La phrase n’est pas encore fini que tu sais déjà dans un excès de lucidité que c’est pas ton soir, tu as vu juste, tu devras te contenter d’un vieux bout de pain, d’une noisette de beurre et d’une demi-tranche de mimolette. Regard rapide vers les deux amis, pas besoin de parler, les automatismes sont là, dans tes yeux, on peut lire "bon les gars, on se barre, on va se réfugier dans la friterie la plus proche". Mais la malchance s’acharne sur vous, la personne qui fête l’anniversaire vient vous voir et un long dialogue commence :
"Alors qu’est-ce que tu deviens ?
- Là je suis près de mourir de sous-nutrition, j’ai des crampes aux jambes, j’ai pas vu la moindre chaise depuis que je suis parti de chez moi !
- Tu peux pas savoir comment ça me fait plaisir de te voir ?... (blablabla)
- Et sinon, tu connais pas la musique chez toi ? Nous, quand on fait la fête chez nous, on danse, on chante !
- Faudra qu’on se fasse une soirée un de ces quatre...
- Oui, fin je sais pas si après ce que je viens de vivre j’en aurais la volonté."
On esquive rapidement la discussion, en se promettant cette fois de partir après le gâteau. Mais, bien sûr, avant le gâteau vont s’écouler encore au moins deux-trois heures, après un débat sur le sexe dans la religion, nous avons le droit à une animation diapositive digne d’un film de cinéma réalisé par un cochon nain ! Ouf, le gâteau arrive enfin, et là tu te dis, j’en peux plus, faut que je me place près du gâteau, je suis sûr d’en avoir, et même si c’est dégueulasse, je piquerais celui de ma voisine de table, mémé Lucienne, qui y verra que du feu, vu que depuis toute à l’heure le chien lui bouffe les trois-quart de son assiette ! Tu renonces à la coupe de champagne, tu n’as pas envie d’être malade, et puis te prendre une amende pour une soirée de merde, ça te ferait bien chier. Le calvaire touche à sa fin, le gâteau est fini, et là au moment où tu te lèves, 97 % des invités se lèvent en même temps que toi, chacun avec sa petite phrase "on a encore de la route et Patrick est fatigué", "demain je bosse tôt", "je me sens pas bien, j’ai dû trop manger". Tu te dépêches de faire la bise aux gens autour de toi, tu en sautes un sur deux... tu attends ton manteau qui avait bien sagement passé la soirée à l’étage sur un lit mais ça c’est partout pareil même dans les bonnes soirées, c’est d’ailleurs le seul point commun entre ces deux types de soirées ! Quand tu as eu ton manteau, tu l’enfiles et tu cours dans ta voiture, tu te fous la musique à fond... et tu rentres chez toi, le souvenir à jamais gravé au plus profond de ta mémoire et, avant de t’endormir, tu fais une prière demandant à Dieu de plus jamais t’infliger ce type de sorties, une fois ça fait des souvenirs, deux fois c’est la corde au cou !
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