Une Squadra Azzura bien « pâle »
Le championnat d’Europe de football vient à peine de débuter qu’une interrogation fait jour.
En effet, la plupart des nations représentant la vieille Europe ont toutes, peu ou prou, intégré la diversité ethnique comme élément de composition des équipes nationales.
Même un pays réputé frileux comme la Suisse, pays organisateur, s’y est converti, qui présente aujourd’hui une équipe plus cosmopolite que par le passé.
Seule exception notable, la Squadra Azzura qui semble ne pas devoir s’y résoudre.
La prochaine confrontation entre les bleus et la Squadra Azzura ne devrait pas manquer de voir resurgir les commentaires nauséabonds qui émaillèrent la dernière édition de la Coupe du monde. Certains supporters italiens n’hésitant pas à brocarder les Bleus en la qualifiant d’équipe de nègres.
Alors qu’en France, l’affaire des banderoles anti-Ch’tis fait encore grand bruit, les drapeaux nazis sont fréquemment de sortie dans les stades du Calcio, sans que grand monde ne s’en émeuve, ou si peu. L’habitude peut-être...
En janvier 2005, le salut fasciste du capitaine de la Lazio, Paolo Di Canio avait presque dû attendre la saison 3 du Campionato, avant de déclencher une vague d’indignation en Italie. Plus précisément, après que la presse étrangère ne se soit saisie du cas Di Canio.
Contrairement à la France, l’Italie n’a accueilli ses premières grosses vagues d’immigration qu’au début des années 80, en majorité des Albanais, des réfugiés en provenance de l’ex-Yougoslavie et du Kosovo et plus récemment, une immigration africaine plus ou moins choisie.
Pour autant, il n’y a pas eu dans l’Italie plus de manifestations d’hostilité qu’ailleurs, si ce n’est moins.
Au plan politique, l’Italie industrieuse du Nord, imprégnée de culture germanique, a longtemps flirté avec la ligne jaune, en nourrissant ses leaders de droite, prompts à exploiter le filon xénophobe.
En fait, le problème semble surtout circonscrit au ballon rond.
L’un des premiers joueurs étrangers noirs à s’être produit dans le championnat italien fut George Weah.
Louangé à son arrivée au Milan AC, sa sortie fut assez chahutée, malgré un beau parcours, quelques quolibets douteux fusant sur sa négritude.
Depuis, cette pratique est devenue une sale habitude dans le Campionato.
Aujourd’hui, les joueurs de couleur qui évoluent sur les pelouses transalpines le dimanche savent que les cris de singe et les crachats sont monnaie courante, à l’instar de l’Ivoirien Zoro qui en a fait la pénible expérience. Lilian Thuram est un des premiers à avoir évoqué publiquement ce sujet devant la presse sportive internationale.
Certes, il existe un règlement de la Fifa qui permet de condamner un club à de fortes amendes et même, en cas de récidive, de faire jouer un match à huis clos ou sur terrain neutre. Les supporters sont eux aussi passibles d’interdictions de stade, voire de sanctions pénales.
Si les hauts dirigeants de la puissante Fédération d’Italie condamnent officiellement et s’indignent, l’affaire semble se limiter à de timides déclarations d’intention.
Cette dernière n’ignore pas que certains dirigeants de clubs sont tombés sous la coupe de groupes de pression emmenés par des supporters ultras. Ces groupuscules qui se revendiquent d’extrême droite tentent en effet d’instrumentaliser les dirigeants en pratiquant le chantage à l’abonnement.
Ces ultras, qui visiblement semblent avoir leur mot à dire dans la manière dont sont administrés les clubs, vont jusqu’à faire pression sur les entraîneurs, afin de les dissuader d’engager certains joueurs de couleur lors des mercatos d’intersaison.
La presse, et notamment la presse sportive, reste somme toute assez discrète sur ce type d’agissements.
Une fédération, gênée aux entournures, qui a trop longtemps occulté le problème, des dirigeants qui se laissent mener à la baguette par des supporters racistes, des joueurs qui font profil bas, tout indique que l’on soit à cette heure bien incapable de redresser la barre.
En regard des événements particulièrement graves qui ont secoué le Calcio ces dernières années, il apparaît que peu d’exclusions et de condamnations ont été prononcées à l’encontre des fauteurs de trouble.
Il est vrai que le foot est une manne essentielle dans l’économie italienne et que s’opposer aux groupes de pression de ses supporters n’est pas sans risque.
Aussi, la question qui se pose maintenant est de savoir si cette Squadra 100 % blanche le reste eu égard au faible nombre de ses licenciés noirs, à la faiblesse de leur rendement sportif, ou tout simplement, à une mise en coupe réglée de cette question par des activistes ultras, encouragés par la loi du silence qui semble s’être installée dans le Calcio.
Certes, il n’y a pas que sous cette latitude que l’on profère des injures racistes et que l’on discrimine, mais on oublie parfois que derrière ces agressions ritualisées, même sanctionnées, il y a des joueurs qui souffrent en silence, à l‘extérieur de la Squadra, comme probablement à l‘intérieur aussi.
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