Une valeur à redécouvrir : la tolérance
Ecartée du débat politique et philosophique durant la majeure partie du XXe siècle, la tolérance pourrait bien, avec le regain des intégrismes, redevenir une valeur de proue.
Il faudra bien l’admettre : d’un point de vue philosophique, le siècle dernier n’a pas été très prolixe sur la tolérance. Il était plus préoccupé par les concepts d’existence, d’angoisse, de transgression, voire de déconstruction et de réseaux. La tolérance n’était plus, pour lui, un digne sujet de réflexion. C’était, au mieux, un combat d’arrière-garde. Elle lui semblait appartenir à une autre époque - celle de Voltaire et de Locke. Lorsqu’elle était citée, c’était dans un tout autre contexte, pour évoquer ces maisons avec lesquelles la morale cherchait, tant bien que mal, des compromis jusqu à leur fermeture officielle en 1946. Bref, la tolérance faisait sourire ; on ne la prenait plus au sérieux.
Il est vrai que les déchaînements qui ont accompagné la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat étaient déjà loin dans les mémoires. On sortait d’une guerre mondiale - la deuxième - et on avait d’autres chats à fouetter. La société française semblait bien installée dans la laïcité, même si les églises faisaient toujours partie de son paysage. D’ailleurs, les athées déclarés admettaient le rôle historiquement civilisateur du christianisme. Si l’on se disputait avec monsieur le curé, c’était pour des chicanes. Des deux côtés, on se tolérait et chacun vaquait à ses affaires.
C’était sans compter avec le réveil des religions, dans les deux dernières décennies du XXe siècle, en particulier de l’islam et de son instrumentalisation politique. Confronté à un regain de fanatisme et à de nouvelles formes de terrorisme, l’Occident comprit vite que quelque chose avait changé : non seulement dans le monde mais aussi sur ses propres terres qu’il croyait naïvement à l’abri de tels phénomènes. On n’était plus dans la phase, commercialement béate, du multiculturalisme qu’il avait accueilli en se frottant les mains. On n’était plus dans l’unanime réprobation de l’Apartheid. Son beau discours sur les droits de l’Homme - cette nouvelle Table de la Loi - ne faisait plus florès ; on le réfutait, notamment en lui opposant un code plus ancien, un de ceux qu’il pensait avoir subsumé historiquement. Comment dialoguer avec les tenants d’une vision du monde résolument hostile à la sienne ? Comment s’adresser à de nouvelles générations incertaines de leur identité, fils et petits-fils de colonisés nourris au lait de la rancune ? C’est bien l’épineux problème qui se pose à lui, aujourd’hui. Et c’est l’enjeu - fatidique - de la tolérance, cette valeur à (faire) redécouvrir urgemment.
17 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON