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Une victoire, des vainqueurs

Congratulations, effervescence, fébrilité. Au local de l’UMP à Tours, c’est la joie. Le héros de la droite a gagné, une nouvelle ère s’annonce et le buffet est pris d’assaut. Chouquettes à volonté, vin, bonne humeur et défiance face aux réactions de « l’extrême gauche », sommée de respecter la « démocratie ».

Alors que le local est assiégé par un groupe encore modeste - il est 20h30 - de « gauchistes », deux attitudes se donnent à voir. Les jeunes ne semblent pas être contre un peu d’action, les plus âgés s’inquiètent. « Ça fait peur, non mais c’est dingue » commente Roger. « Chacun a le droit de s’exprimer, mais on peut le faire avec tempérance. Et pas avec extrémisme, comme ça. Ou alors, quoi ? On peut pas voter ce qu’on veut ? Mais c’est que ça devient grave, hein. Excusez-moi, je m’inquiète, là, d’un seul coup. »

« Ils manifesteront plus tard »

Pour Bob, 20 ans et deux mètres de haut, cette agitation revient à « renier la démocratie. Les Français ont massivement participé. Faut maintenant l’admettre. Ils ont perdu par la voix démocratique, donc... Ils manifesteront plus tard mais là ce soir c’est malvenu. » Un avis partagé par Charles : « Ca prouve que le socialisme est une pathologie sociale. Ils n’ acceptent pas leur défaite. ».

Même diagnostic du côté de Marie-Jeanne, pour qui cependant les agitations en cours découlent du « comportement » de Ségolène Royal. « Il faut qu’elle prenne conscience du langage qu’elle a tenu pendant des semaines. Elle a trop joué la diabolisation de Sarkozy. Y a forcément des conséquences. » La candidate du PS doit prendre ses responsabilités : « Elle a un certain pouvoir ce soir encore, elle se doit d’apaiser ceux qui s’énervent et n’ont pas de tolérance. Sinon, elle emmène la France à quelque chose que les gens ne veulent pas, aussi bien dans son parti et même à l’UDF. »

Jean-Jacques Descamps, maire de Loches et député d’Indre-et-Loire, est sans concession : « si y a quelques voyous qui tapent avec des objets un peu dangereux, c’est quelques démocrates... euh... Français... enfin, je sais pas si ils sont français... qui ont pas encore compris que la démocratie c’était les élections. »

« Y a une crainte infondée »

Ce genre de manif spontanée, malgré tout, n’est-ce pas le signe que ça ne va pas être facile de gouverner ? Sans doute, sauf que « la politique c’est d’abord la démocratie et les élections. Que les gens aient envie que les projets qu’on va mettre en œuvre soient légèrement modifiés dans un sens ou dans un autre, ça peut se faire. Rien n’est jamais immuable. Mais enfin quand même, là, les Français viennent de faire un choix et y a aucune raison que quelques farfelus décident de s’y opposer par la rue ou par la force. » Le suffrage universel ne se conteste pas, va bien falloir s’y résoudre. « La République, c’est pas faire valoir ses idées dans la rue quand on a pas réussi à les faire valoir dans les urnes. »

Lenny, étudiant aux Deux-Lions, en appelle également à la légalité. Que les banlieues brûlent ou que le « peuple de gauche » descende dans la rue « serait un refus de démocratie, c’est tout. Si y a une majorité du peuple français qui s’est exprimé pour Sarkozy, pourquoi le contester ? Quand la gauche a gagné 20 régions sur 22, on l’a pas contesté. C’était légitime. Le peuple avait voté, donc voilà. » Dès lors, il convient d’attendre et voir. A son avis, la peur de Sarko relève du fantasme  : « Y a une crainte, infondée. Une fois qu’on le verra à l’œuvre, on se rendra compte qu’il est pas plus terrible que Chirac, Villepin ou d’autres. Donc y a pas de raison que ça s’enflamme à nouveau, définitivement, durablement. Ça sera juste momentané, si tant est que ça arrive. » Lenny a « confiance dans les règles de la démocratie ». Simplement, reconnaît-il, « peut-être que j’ai tort. Peut-être que je devrais m’inspirer de l’expérience du CPE où la rue a pris le pas sur le pouvoir politique alors qu’il était légitimement élu. Mais en faisant les réformes tout de suite, je pense que ça devrait passer. »

Marcel y croit lui aussi : « Pour une fois qu’on a quelqu’un qui parle vrai... Bon, c’est vrai que ça peut choquer, mais faut lui laisser aussi le temps de s’exprimer, de faire des choses, et à partir de là on pourra dire si c’est un bon ou un mauvais président. Laissons lui le temps de faire ce qu’il a dit qu’il allait faire. » Madeleine, elle, a confiance : « Monsieur Sarkozy est assez intelligent, il va savoir fixer une ligne de conduite depuis le départ. C’est ce qu’il a fait depuis le début de la campagne, il va continuer. Et il le faut. »


« On n’est pas mort quand on fait 39 heures »

Pour Monique, « C’est la gauche qui incite à la haine, pas la droite. Je pense pas que les gens aient à craindre quoi que ce soit de Sarko président. Il faut plutôt s’attendre à des bonnes choses. » En première ligne de ses attentes : la question du travail. « Il faut pouvoir travailler librement. Faire les heures qu’on veut. Ne pas être pénalisé par les 35 heures », nous dit cette employée de la fonction publique qui en est arrivée là « complètement par hasard  », depuis « pas longtemps ».

L’habitude qu’a pris Sarkozy de classer méritants et fainéants, gagnants et perdants ne la choque pas. « C’est vrai qu’il y a des deux. Je le vis tous les jours. Dans la fonction publique, que vous travailliez bien ou pas vous êtes récompensé de la même manière. Vous avez le même salaire. Alors la prime au mérite, oui. Je trouve ça très bien. C’est un petit peu la carotte si vous voulez. » Monique, pourtant, est contre « le stress pour faire du chiffre et du rendement à tout prix... Mais y a un juste milieu... Faut trouver un juste équilibre. On n’est pas mort quand on fait 39 heures. » Enfin, dit-elle, « Moi, j’ai 59 ans et je suis seule, c’est pas de temps dont j’ai besoin, c’est de pouvoir d’achat. »

Le problème de l’emploi, c’est aussi ce qui a convaincu Marion et Blanche-Astrid, lycéennes et bientôt étudiantes. « Nous on est encore jeunes, on fait des études et on arrête pas de nous dire qu’on aura jamais de travail, donc forcément, le truc primordial c’est la fin du chômage. » Sarko, ça va être super cool et les choses vont enfin bouger : « Sarko il veut nous faire travailler et nous Français on a envie de travailler... nous les jeunes on est supermotivés. »


« Je vois vraiment pas pourquoi "Sarko-facho" »

Les raisons sociales qui font qu’on travaille peu ou pas ? « C’est sûr, mais on pourra pas non plus résoudre tous les problèmes de chacun au cas par cas. » Ne doit-on pas craindre le traitement de choc qui s’annonce ? « Je pense qu’il dérapera pas. Il a des gens bien derrière lui : Borloo, Fillon... Il sera pas tout seul. Y a pas mal de gens qui avaient peur qu’il dérape, moi je me fais vraiment pas de souci... » Dans la rue, des « Sarko-facho » retentissent. « Je vois vraiment pas pourquoi "facho". Parce que ça rime bien, peut-être ? Mais le facho, c’est Le Pen. »

Sarko est si peu facho que Marion le verrait bien nommer « un Premier ministre comme Strauss-Kahn » : « Ça serait vachement bien, parce que y aurait une part des idées de gauche qui serait prises en compte. C’est pas parce qu’on est de droite qu’on élimine la gauche. On est quand même dans une démocratie. » Tiens, voilà qui nous rappelle quelqu’un... « Oui, mais non. Bayrou c’était un coup médiatique. Il s’est dit on parle que de Ségo et Sarko, je vais me mettre au milieu et voilà, quoi. »


« Relever le niveau »

Les futures étudiantes n’ont aucun doute. « Il va relever le niveau scolaire. Moi je vais faire de la psychologie, confie Blanche-Astrid. Je sais que c’est plutôt à gauche la psychologie, plutôt très à gauche... mais c’est pas parce qu’on fait psycho qu’on est à gauche. » D’accord. Sauf que Sarko, sur ce genre de filière, les débouchés il y croit pas... « C’est pas une filière très productive mais y a une ouverture sur le monde qui est assez extraordinaire. »

OK. A quoi il faut s’attendre, alors ? « Il faut mettre un concours après chaque année. Parce que des gens qui arrivent en 3ème année et finalement n’ont pas leur master ou leur licence, après ils peuvent plus rien faire. Ils ont perdu 3 années... » En même temps ils ont peut-être profité de ces 3 années d’ouverture sur le monde, ce qui leur fera un bagage pour la suite, c’est pas perdu... « Ouais, ouais, enfin bon ».


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