United colors of municipales
L’Homme politique est un peintre. Depuis dimanche, les leçons artistiques s’enchaînent dans la lucarne, le poste ou les journaux. Tout serait une histoire de couleurs, de nuances et de combinaisons. Tentons d’analyser les teintes restantes sur la palette démocratique.
Sur la partie gauche nous avons un dégradé progressif du rouge au rosé voire légèrement orangé. L’artiste est partagé entre plusieurs conceptions graphiques. Soit il privilégie le percutant, le tape-à-l’œil afin de mettre en avant les tourments de son âme en appuyant le rouge, soit il envisage une nuance du cri en mêlant ce rouge fougueux à un rose encore un peu pâle et dispersé mais donnant au coup de pinceau une once nostalgique rappelant les fondamentaux de ce courant. Une troisième voie, plus affiliée à l’art moderne, semble également faire son chemin dans le cortex pictural. Celui-ci privilégierait une fusion rosée et orangée pour offrir une dimension plus moderne et nuancée aux choix précédents.
L’orange est une question qui perturbe les teneurs du pinceau démocratique. Pour saisir les subtilités qu’impliquent ce choix nous serons tenter d’extrapoler. L’orange est aussi un fruit. Jusque-là, la révélation demeure limitée mais faisons un détour par les logiques maraîchères et poétiques afin de mieux cerner les logiques de la vague orange. Souvenez-vous d’un repas de famille. Imaginez-vous à la gustative étape du dessert quand votre petit cousin prend l’hasardeuse initiative de vouloir presser son orange pour en faire du jus. Enthousiasmé par cette alchimie enfantine il presse son fruit et à la joie, certes mesurée, de la petite famille, tous les convives ont le droit de goûter aux projections fruitières. L’orange c’est comme ça, elle ne peut rester à une seule personne, elle est obligée de se coller à l’entourage comme un impérialisme ayant peur de tomber dans la solitude et au fond d’un verre. Cette conception, le peintre la connaît et sait qu’il faut mélanger l’orange pour lui offrir une existence malgré les convictions de cette dernière qui se voit comme reine, car l’artiste n’ignore pas qu’une reine sans royaume est un fruit sans arbre : il donne envie mais le cueilleur se méfiera de cet isolationnisme. Une fois cette caractéristique définie, le teinturier de la toile politique a la lourde tâche de trouver la couleur légitime du mélange. Si par audace il serait tenté de caresser les roses courbes situées sur la gauche de la palette, la réalité poétique est parfois bien plus stoïque. Qui a oublié les vers d’Eluard déclamant que « la terre est bleue comme une orange » et qui peut contester ce lien des mots dressé par la plume de l’immortalité poétique. Le peintre prendra peut être le risque de rosir l’orange mais au fond de ce mélange règnera toujours une molécule bleutée évadée dans le jeu de la gamme picturale.
Bleu, de ce côté il y a moins de divergences. Le maître peintre a récemment réuni les foncés et les clairs pour les faire glisser en ordre derrière le pinceau autoritaire et parfois illusionniste. Il est vrai que parfois la droite de la palette s’agite, se disperse et s’éclate mais face aux amours colorés des autres foyers, ces gammes bleutées se retrouvent pour que la toile n’ait pas les joues trop rosée et ne manque pas de quelques bleus à l’âme. Aux dernières nouvelles le maître peintre se ferait un sang d’encre.
Au bord de la droite règne le noir. Il est triste et amaigri. Autour de lui, des pas de fuite sont inscrits, ils vont tous vers l’arène bleue. Autrefois, le rouge et le bleu se retrouvait chez le noir mais aujourd’hui chacun fait sa popote et le noir est seul à compter sa rancœur et ruminer ses anciennes lunes, à croire que le peintre voit le noir d’un mauvais œil.
L’Homme politique est un peintre. Il peut être sourd comme Van Gogh, tirer des ficelles aussi grosses qu’un Botéro, organiser l’alliance difforme avec l’habileté d’un Picasso ou bien être un peu fou et novateur comme Keith Haring. Tout est dans la couleur et le mélange, la forme et le message et vous savez les goûts et les couleurs... dimanche les peintres exposent, alors si vous avez raté le vernissage de la semaine dernière n’hésitez pas à faire un tour du côté de la palette, le musée politique n’étant rien sans ses spectateurs.
Fabien Pie
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