Universités : faire des études quand on est obligé de gagner son pain ?
Universités : faire des études quand on est obligé de gagner son pain ?
1. Les difficultés rencontrées par les étudiants et soulevées par eux, incitent à tourner le regard sur la possibilité qui existe de remédier à peu de frais à certaines composantes de la question. Etant entendu que ce qui va être avancé est de nature, si on fait ce choix, à pouvoir amorcer, incidemment et en plus, une réduction des sommes consacrées à l’enseignement supérieur tel qu’il fonctionne. Sommes qui pourraient être redéployées ou économisées pour partie.
2. Il suffit pour cela de « créer » une (ou plusieurs) université(s) numérique(s). Au sein des universités existantes ou en dehors.
3. La « création » n’exige aucun investissement significatif. Puisqu’il suffit de donner les moyens juridiques adaptés à … ce qui existe. Et de dispenser de toute assiduité les étudiants inscrits à l’université numérique.
4. Par exemple, en droit, il y a l’UNJF (« université numérique juridique francophone ») qui met en ligne des cours sur l’ensemble des principaux cursus de droit. Les étudiants salariés parce que ne disposant que de ressources modestes, peuvent travailler les matières chez eux (en dehors des heures ouvrables des universités). Seulement l’UNJF ne peut pas délivrer elle-même les diplômes ; l’étudiant doit s’inscrire dans une université « traditionnelle », qui a passé (des enseignants de certaines universités s’y refusent) une convention avec l’UNJF. Ce qui fait que l’UNJF ne joue que le rôle d’une bibliothèque.
5. Dans beaucoup d’universités, autre exemple, des cours en ligne existent ( en droit et dans d’autres disciplines). Qui ne font que « doubler » les cours oraux. On pourra dès lors, simplement en utilisant des cours déjà mis en ligne, constituer une université numérique qui ne constituera qu’une composante de l’université. Ou, à défaut, on retiendra des cours en ligne existant dans plusieurs université, dont l’addition couvrira le programme d’un diplôme en ligne. Diplôme délivré en commun par les universités en question, ou diplôme délivré par une entité séparée.
6. Dans tous les cas, on pourra préférer ( hypothèse inspirée du point 4) lancer des « appels d’offres » pour des enseignements satisfaisant à un cahier des charges. NB. Ce qui constitue, en plus, une garantie de qualité par rapport au système qui existe parfois, de répartition des enseignements selon l’ordre du tableau ( - qui ne coïncide pas forcément avec l’ordre des compétences-).
7. Quant aux examens, (dont les sujets seront alors donnés sur la base des contenus -détaillés- des enseignements mis en ligne) on pourra les organiser en fin d’année dans des locaux divers. Avec des correcteurs pris dans ou hors des universités et choisis par elles.
8. On pourra aussi organiser des examens par internet en étant un peu astucieux. Spécialement si l’on se propose de mesurer l’aptitude des candidats à utiliser leurs connaissances, plutôt que de contrôler la réussite de leur dressage à réciter ces dernières en deux parties et deux sous-parties (canons des facultés de droit).
9. Cette formule d’université numérique, outre qu’elle permettra aux étudiants peu fortunés de suivre leurs études supérieures pour un coût insignifiant pour l’Etat, ouvre aux étudiants étrangers la même possibilité. Ce qui est une bonne affaire pour la France, dès lors que ces étrangers auront tendance à conserver des liens avec ce pays et avec les entreprises françaises.
10. Les adversaires de cette formule sont « ontologiquement » les enseignants. Parce que dans l’imaginaire de la profession, être professeur c’est d’abord faire cours (comme l’on veut) en amphi (si possible en robe), contrôler les examens, diriger « ses » assistants ou « ses » chargés de TD. Et jouir de la considération et des privilèges – dont celui de n’avoir pas beaucoup de comptes à rendre- attachés au statut.
11. C’est la raison pour laquelle, ainsi que cela ressort des pratiques, beaucoup d’enseignants ne tolèrent les cours en ligne ( quand ils ont accepté de les mettre sur la place publique) que pour autant 1/ que ceux-ci ne sont que le complément de leur activité traditionnelle 2/ que ces cours en ligne ne les privent pas (pas plus que les manuels) de leurs auditoires de l’amphi. Etudiants spectateurs, qui sont nécessaires … à leur raison d’être ( v. l’usage de l’UNJF).
12. Mais cela ( points 11 et 12 ; v. également le point 13 ci-dessous) coûte parfois inutilement cher. Puisqu’une autre possibilité de conduire à un diplôme, existe, qui est fondée sur les réalités , l’état des technologies, et … les besoins.
13. Prenons à ce sujet l’exemple d’un cours sur les institutions politiques. Dans une université comme celle de Z, tel article de la constitution (que l’on trouve sur « Légifrance » et partout) est lu, et il est commenté forcément sur les mêmes points (souvent à partir des mêmes sources) : a) par autant d’enseignants qu’il y a « d’unités pédagogiques » (répartition des étudiants d’une même année entre plusieurs amphithéâtres) ; b) par les mêmes que ci-dessus ou d’autres qui racontent la même chose dans d’autres filières, lorsque ces dernières ont inscrit cette matière dans leurs programmes ( AES, EAC, sciences éco ; langues, STAPS, …)
Phénomène qui se reproduit dans plusieurs dizaines d’universités en France. Il serait amusant à cet égard, de chiffrer le nombre d’heures statutaires et d’heures complémentaires qu’un même développement peut nécessiter.
14. S’il est vrai que lorsque la manière de faire du « prof. » séduit les étudiants – ce qui de l’aveu des étudiants, ne leur arrive en général que 3 ou 4 fois dans leur scolarité- et peut avoir des effets heureux sur le taux de réussite dans la matière enseignée par ledit enseignant, c’est nécessairement parce que les documents écrits utilisés sont rébarbatifs (et que le propos oral ne l’est pas). Il suffit alors que certaines exigences rédactionnelles soient introduites dans les cahiers des charges (v. le point 6 sur le cahier des charges).
15. On peut aisément mettre le processus en route. En neutralisant les réticences corporatistes :
1/ en rassurant le corps enseignant en faisant valoir que cette formule sera réservée aux étudiants salariés. Ce qui n’empêche pas, dans une deuxième phase, d’ouvrir cette opportunité à tous les étudiants. Surtout que la demande en sera inévitablement formulée et que les angoisses se seront dissipées.
2/ en présentant comme un honneur le fait de figurer parmi les auteurs de « cours » de l’université numérique, voire de » l’université numérique … de France » ( v. l’intérêt porté à l’ « l’institut universitaire de France »)
16. L’encadrement des étudiants sur un campus (en « présentiel ») n’est pas indispensable . Sauf évidemment pour des activités pratiques comme il en existe par exemple dans certaines disciplines médicales.
17. - a) Déjà, les « TD » ou les « TP » ne sont pas organisés dans toutes les matières. - b) Et souvent, là où ils sont organisés, ils ne sont pas très efficaces (enseignants qui font des redites sur le fond de la matière, « meublent » en faisant faire des exposés, ne corrigent pas de devoirs – sauf les 2 ou 3 « partiels » de l’année, …)
18. Or on peut, grâce à internet, mettre en place des techniques (certains enseignants l’on expérimenté avec succès) permettant aux étudiants de s’auto évaluer à plusieurs reprises et de se corriger en temps utile. Là encore, ça ne coûte pas cher : car une batterie de test peut servir à des milliers d’étudiants et être utilisée plusieurs années de suite.
19. Quant aux enseignants qui encadraient des groupes de TD ou de TP, et là où on les conservera pour un suivi traditionnel, au moins dans la période transitoire, et pour des disciplines spécifiques, ils feront en quelque sorte du « télé travail ».
20. Avec un système de rémunération adapté. Spécialement quand des praticiens seront recrutés pour ce faire, par exemple en vue d’une plus grande efficacité.
Marcel-M. MONIN
m. de conf. hon. des universités.
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