L’évènement paraît bien dérisoire en cette période de bouleversements financiers et des menaces économiques qui pèsent depuis peu sur l’ensemble de la planète. Il éclaire pourtant un peu plus le côté négatif du bilan « politique étrangère » du Président de la République Française, surtout lorsque celle–ci s’accompagne, comme c’est toujours le cas avec l’actuel président français, d’un faste et d’une communication hors normes.
Il fallait s’y attendre. Malgré les tralalas, les réceptions somptueuses – et coûteuses – dans des palais parisiens, les mains sur le cœur, la volonté feinte et les grands élans d’amour lors de sa naissance, à la veille d’une fête nationale, l’Union Pour la Méditerranée (l’UPM) semble devoir tomber à l’eau. Un beau plouf avant même d’avoir pu finir d’embarquer, ou de convaincre, la totalité de ses 43 passagers turbulents.
Citant des diplomates, dans son édition du 28 février dernier, le quotidien « Le Monde » écrivait en effet que l’UPM « était institutionnellement suspendue depuis le mois de janvier ». En clair, que l’UPM est bel et bien en train de se noyer ou en passe d’être enterrée à jamais.
Selon le quotidien français, l’offensive israélienne contre Gaza, aurait « donné un coup d’arrêt à ce projet… et que le groupe des pays arabes ayant refusé de s’asseoir à la même table que des représentants israéliens, toutes les réunions institutionnelles et techniques de l’UPM, qui étaient prévues à partir de janvier, ont été annulées. »
Les diplomates des deux rives de Mare Nostrum auront beau se défendre d’une telle éventualité, l’avenir de ce projet est très menacé. En effet aux propos rassurants de quelques européens qui préfèrent voir dans cette suspension « une pause » ou un arrêt de « quelques mois », les faits ne font qu’accumuler des démentis. Les algériens (qui selon la BBC auraient demandé, tout comme la Palestine et Israêl, à faire partie du…Commonwealth !), libyens, libanais et syriens tirent depuis peu à boulets rouges sur le « vide sidéral » de l’UPM et ne cachent plus leurs hésitations dans la fiabilité d’un tel ensemble.
Il est vrai que la présence d’un Israël toujours aussi belliqueux dans la famille méditerranéenne n’est pas faite pour y faire régner l’harmonie, mais celle-ci ne semble pas être le seul abcès dont l’UPM et l’espace de paix et prospérité qu’elle devait promouvoir, ont à souffrir. Bien avant l’affaire de Gaza, la réunion des ministres des affaires étrangères des pays formant l’UPM avait laissé apparaître les écueils et dissensions qui régnaient au sein de « l’entreprise ». Alors même qu’un consensus ne s’était pas dégagé pour la désignation d’un secrétaire général, les diplomates concernés s’étaient difficilement contentés, en tout et pour tout, de nommer une multitude… de secrétaires-généraux adjoints. Un piètre résultat qui laissait prévoir que le navire, dans ces conditions, ne pourrait jamais naviguer bien loin en toute quiétude.
Dès le lancement en grande pompe de cette Union, voulue par Nicolas Sarkozy, il était évident qu’elle serait bancale. Un tel organisme regroupant, à travers l’Europe surtout, des mœurs, intérêts et desseins divergents et quelquefois opposés, ne pouvait être, à terme, viable et fiable. En outre, il était de notoriété publique que, sans une solution équitable dans le conflit israélo-palestinien, la démarche unitaire serait impossible. Et, depuis, les appuis fermes et successifs de la plupart des européens envers Israël, n’ont fait qu’aggraver le malaise.
Or, fidèle à lui-même le Président français, devenu l’espace de six mois, le chef de l’Europe, s’est lancé à corps perdu, sabre au clair, dans une aventure sans en avoir mesuré les écueils et surtout en dédaignant la diplomatie la plus élémentaire. Il lui aurait en effet suffi de « réactiver », sans le crier sur les toits, le 5+5 vieux d’une dizaine d’années qui réunissait autour d’une table d’un côté, les Portugal, Espagne, France, Italie et Malte et de l’autre Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie et Lybie et qui, déjà, avaient à discuter de la libéralisation du commerce en Méditerranée, la gestion de l’eau, la coopération énergétique et environnementale entre les deux rives, les transports les échanges universitaires et les migrations.. Une fois relancé, ce groupe aurait constitué la pièce maîtresse mais cachée, le noyau dur, du « Processus de Barcelone » en panne lui aussi. Alors nul besoin de l’UPM.
Au lieu d’adopter une telle prudence, le chef d’Etat tricolore poussé par son insupportable ego a préféré apparaître au grand jour comme un novateur, un fabricant de civilisation nouvelle, un visionnaire, un homme dont se souviendraient les Encyclopédies de la terre entière. Hélas - pour lui et pour la France - une première claque, tape amicale mais ferme le rappelant à l’ordre « européen », lui sera assénée par l’Allemagne, voilà plus de six mois.
Et aujourd’hui, avec l’échec de l’UPM, arrive la seconde correction, sous la forme d’une grosse baffe. Identique à celle qu’a du ressentir tout récemment notre Président avec la réception aux Etats Unis de Gordon Brown, en tant que premier chef « étranger » à être invité à la Maison Blanche nouvelle mouture. Et pourtant M Sarkozy n’avait pas lésiné dans ses louanges, presque serviles, à destination de l’oncle Sam, afin de mériter un tel honneur.