Ursula von der Leyen… face à la mémoire nazie… Mais où en est-elle donc ?… Et où compte-t-elle nous mener ?
Dès son premier discours devant le Parlement européen (16 septembre 2020), Ursula von der Leyen se sera montrée impérieuse… et tout particulièrement lorsqu’elle a évoqué ce qui se présente alors comme l’arme absolue de la nouvelle Europe, nouvelle puisqu’elle se trouve désormais dirigée pour la première fois par une personnalité de nationalité allemande : elle-même…
« Je veux que NextGenerationEU crée de nouvelles vallées européennes de l’hydrogène… »
Et encore une petite dizaine de lignes plus bas…
« Je veux que NextGenerationEU déclenche une vague de rénovation européenne et fasse de notre Union un leader de l’économie circulaire. »
Or…
« il ne s’agit pas seulement d’un projet environnemental ou économique : il doit s’agir aussi d’un nouveau projet culturel pour l’Europe ».
Ainsi puisque, selon la présidente de la Commission de Bruxelles, l’économie européenne se serait désormais ralliée dans son entièreté à la très allemande « économie sociale de marché », nous ne devrions peut-être pas nous étonner de la suite immédiate de ses propos :
« C’est pourquoi nous allons créer un nouveau Bauhaus européen – un espace de co-création dans lequel les architectes, les artistes, les étudiants, les ingénieurs, les designers travaillent ensemble pour réaliser cet objectif. C’est la raison d’être de NextGenerationEU. C’est façonner le monde dans lequel nous voulons vivre. »
Ici, impossible de ne pas marquer un petit temps d’arrêt…
Sur le site de Télérama, consulté à la date du 19 février 2021, il était possible de lire un article qui avait été publié le 16 novembre 2016 sous la signature de Xavier de Jarcy et avec ce titre explicite : « Ces artistes du Bauhaus qui ont flirté (ou pire) avec les nazis. » (lien)
Ce n’est pas encore dire que le Bauhaus serait à ne prendre qu’avec des pincettes… Et tant que nous ne connaissons pas la provenance historique de l’économie sociale de marché…, nous ne pouvons faire aucun procès… à Ursula von der Leyen. Mais, nous ne serions peut-être pas mal inspiré(e)s de nous tenir sur nos gardes…
Le chapeau de l’article de Xavier de Jarcy va nous aider à être tout d’abord plutôt conciliant(e)s avec cette grande école d’architecture allemande…
« Interdite par le pouvoir nazi, l’école d’art allemande est souvent érigée en symbole de résistance. Pourtant, la réalité se révèle moins brillante, certains de ses cadres ayant tenté de s’accommoder du nouveau régime, quand d’autres l’ont franchement soutenu. »
La suite nous ferait même plutôt chaud au cœur…
« Symbole du modernisme, le Bauhaus l’est d’autant plus que les nazis, le considérant comme un foyer de subversion « judéo-bolchevique », l’ont fermé en 1933. Tout en acceptant aussitôt de le réouvrir à condition de renvoyer quelques enseignants, dont Kandinsky, ce que son dernier directeur, Ludwig Mies van der Rohe, a refusé de faire. »
Il apparaît toutefois que…
« certains ont tenté de s’accommoder du nouveau régime, quand d’autres l’ont franchement soutenu, pensant que la « modernité » des formes était compatible avec l’esthétique monumentale et glacée du national-socialisme. Ce qui s’est produit plus souvent qu’on ne l’a dit. »
Le style lui-même… Voilà qui pourrait nous faire un peu froid dans le dos… s’il s’agit d’emmener toute l’Europe sous la bannière de cette architecture décidément très conquérante… d’autant plus qu’en son temps, la dérive pro-nazie a concerné…
« quelques-uns des principaux responsables du Bauhaus ».
Des exemples ?… En veux-tu ?… En veux-tu vraiment ? Eh bien, voici ceux que nous donne Xavier de Jarcy…
Alfred Arndt (1896-1976)
Etudiant au Bauhaus de 1921 à 1929. En 1930, nommé par Hannes Meyer au poste de directeur du département d’architecture intérieure. Quitte le Bauhaus en 1932. Adhère au parti nazi en 1937. Chef de la propagande de la ville de Probstzella, en Thuringe.
Herbert Bayer (1900-1985)
Graphiste. Dirige l’atelier de typographie au Bauhaus de 1925 à 1928. Après 1933, conçoit des documents et des affiches de propagande pour le régime national-socialiste, dans le style du Bauhaus. Réalise en particulier une plaquette publicitaire pour la firme d’aéronautique militaire Heinkel, dont les usines d’Oranienburg sont construites par l’architecte moderniste Herbert Rimpl. Rejoint les Etats-Unis en 1938.
Friedrich Engemann (1898-1970)
Etudiant au Bauhaus de 1927 à 1929, puis professeur de dessin architectural jusqu’en 1933, année où il adhère au parti national-socialiste. Directeur du département Bois à l’école technique de Dessau en 1939. Devient l’un des responsables culturels de la RDA après 1945.
Fritz Ertl (1908-1982)
Cet Autrichien étudie l’architecture au Bauhaus de 1928 à 1931. Pendant la guerre, devenu membre des Waffen-SS, il dessine les plans des baraquements du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau.
Walter Gropius (1883-1969)
Architecte, fondateur du Bauhaus en 1919. Démissionne en 1928. En 1933, adhère à la Chambre de la culture du Reich fondée par Goebbels, et participe au concours de la Reichsbank organisé par le nouveau pouvoir national-socialiste. En 1934, il dessine un pavillon pour l’exposition de propagande “Peuple allemand-Travail allemand”. La même année, Gropius conçoit aussi, dans un style moderniste, la Maison du travail allemand à Berlin, un projet refusé par Hitler. Selon l’historien américain Jonathan Petropoulos, Gropius participe la même année au pavillon allemand de la Triennale de Milan. Faute de commande, il déménage en Grande-Bretagne en 1934, mais retourne plusieurs fois en Allemagne avec l’intention d’y réouvrir son agence. Emigre définitivement aux Etats-Unis en 1937. Par ailleurs, sa correspondance montre que Gropius était antisémite.
Ludwig Mies van der Rohe (1886-1969)
Architecte, directeur du Bauhaus de 1930 à 1933. Fait expulser par la police les étudiants communistes. Négocie sans succès avec les nazis pour obtenir la réouverture du Bauhaus. En 1933, son projet moderniste pour la Reichsbank n’est pas retenu. Signe une déclaration de soutien à Hitler et adhère à la Chambre de la culture du Reich. Dessine le pavillon de l’industrie minière à l’exposition “Peuple allemand-Travail allemand”. Propose un pavillon pour l’Exposition internationale de Bruxelles de 1935, rejeté par Hitler, qui piétine la maquette. Il quitte l’Allemagne pour les Etats-Unis en 1938.
Ernst Neufert (1900-1986)
Formé au Bauhaus de Weimar en 1919-1920, il est l’un des adjoints de Gropius. […] En 1936, Neufert publie Les Eléments des projets de construction, guide de rationalisation de l’architecture, édité quatorze fois en Allemagne et onze fois en France (dernière édition chez Dunod-Le Moniteur), toujours en vente et utilisé aujourd’hui par la plupart des agences d’architecture dans le monde. De 1938 à 1945, Neufert est chargé de standardiser la construction dans l’équipe d’Albert Speer, architecte officiel du IIIe Reich. En 1943, dans son essai Bauordnungslehre (La Coordination dimensionnelle dans la construction, Dunod, 1967 pour l’édition française), préfacé par Albert Speer, alors ministre de l’Armement et de la production de guerre, Neufert précise ses conceptions par un système de mesure modulaire nommé Oktameter. Son modèle de référence est un homme blond de 1,75 mètre. Destinée à accélérer la construction sur les territoires conquis à l’Est par les nazis, la mesure octamétrique deviendra une norme DIN (Deusches Institut für Normung – lire Architecture en uniforme, projeter et construire pour la Seconde Guerre mondiale, de Jean-Louis Cohen, p. 310-311). Sa grille de 2,50 mètres « a été jusqu’à aujourd’hui la base pour dessiner et construire les bâtiments industriels » (Annett Zinsmeister, Virtual Constructions, The Standards of Utopia, Thesis, Wissenschaftliche Zeitschrift der Bauhaus-Universität Weimar, 2003).
Lilly Reich (1885-1947)
Lilly Reich rencontre Mies van der Rohe en 1926 et devient sa plus proche collaboratrice. Il la nomme directrice du département de second œuvre et de l’atelier textile en 1932. En 1934, elle participe à l’exposition “Peuple allemand-Travail allemand”. En 1937, Lilly Reich est chargée avec Mies van der Rohe de l’exposition sur l’industrie allemande du textile et de l’habillement à Berlin, présentée aussi au pavillon allemand de l’Exposition internationale de Paris la même année. Reste en Allemagne après le départ de Mies en 1938. Enrôlée de force dans l’Organisation Todt.
Hinnerk Schepper (1897-1957)
Etudie au Bauhaus de 1919 à 1922, puis est nommé directeur de l’atelier de peinture murale de 1925 à 1933. Réalise la mise en couleurs du Bauhaus de Dessau. Selon l’historien américain Jonathan Petropoulos, Schepper peint des fresques de propagande après 1933. Hermann Göring lui en commande une pour sa villa.
Oskar Schlemmer (1888-1943)
Maître de forme au Bauhaus de 1923 à 1929. Chorégraphe, metteur en scène de l’école et peintre. Selon un documentaire diffusé par Arte en 2014, il est rejeté par ses collègues en raison de ses sympathies nationales-socialistes, et quitte le Bauhaus pour l’école d’art de Breslau. Les archives du Bauhaus indiquent qu’il adhère à La Chambre de la culture du Reich. En 1934, il participe à un concours pour une fresque à la Maison de l’art allemand de Munich : une foule de personnages faisant le salut nazi. Projet refusé. Selon l’historien de l’art Eric Michaud, Schlemmer écrit à Goebbels pour l’assurer de son soutien au national-socialisme. Il est pourtant classé « artiste dégénéré » et interdit d’exercer.
Lothar Schreyer (1886-1966)
Prédécesseur d’Oskar Schlemmer au Bauhaus. Signe en 1933 une déclaration d’allégeance à Hitler. Ecrit des articles pour Die Kunstkammer, revue culturelle officielle. Classé « artiste dégénéré » en 1937.
Vraiment… Que dès son premier discours devant le Parlement européen, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, se permette de projeter sur l’Europe entière ce mot de « Bauhaus »… ne serait-ce pas le signe, a posteriori, d’une très curieuse victoire… nazie ?…
NB. J'ai déjà signalé le caractère très inquiétant de ce que la France vit depuis quelques décennies ici.
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