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Utile défaite ?

Les deux principales faiblesses de la campagne du PS sont de n’avoir pas pris au sérieux les enjeux proprement européens du vote et de s’être situé dans un face à face réducteur avec la majorité, sans prendre toute la mesure des enjeux soulevés par la Crise.

 
Si le PS a justement mis en avant un Manifesto élaboré collectivement avec 27 autres partis de gauche, en choisissant une stratégie d’abord centrée sur les affrontements nationaux et une logique de vote sanction, il a dénaturé le sens même de l’élection. Derrière la cheville « Sarkozy/Barroso même combat », les électeurs n’ont que trop senti combien le Parti, par-delà une apparence de consensus, laissait sous le tapis la question du devenir de l’Europe en croyant ainsi ne pas réveiller les démons de 2004. Grave erreur, car à force de ne pas évoquer le destin de l’Europe, comme naguère on n’évoquait pas l’affaire Dreyfus dans les familles, le Parti est apparu sans position, sans vision sur la question alors que sa vocation internationaliste le conduisait naturellement à prôner clairement et sans hésitation le développement d’une Europe politique subsumant à terme les États Nations et capable d’accueillir en son sein les démocraties, fussent-elles situées au-delà du Bosphore. À rebours, la force d’Europe Écologie est d’avoir affirmé sans complexe ce projet fédéraliste, fortement incarné, il est vrai par un leader rendu d’autant plus légitime qu’il ne brigue rien sur le plan national. La leçon est qu’il faut rompre avec une forme de crypto-souverainisme qui voudrait que le seul cadre qui vaille et qui fasse sens soit le cadre national, faisant de chaque scrutin européen un moyen ou un prétexte, mais jamais une fin en soi. C’est d’ailleurs dans ce même piège que le (quelquefois fielleux) leader du modem est tombé en dénonçant, à bon droit, certaines dérives du pouvoir en France, mais sans se placer dans une logique véritablement communautaire. La présidence européenne, menée au pas de charge, a permis à Sarkozy de donner le change et l’impression que l’Europe avançait alors qu’elle en restait à de fort traditionnelles alliances entre pays, négociées à la vite dans les antichambres des sommets. De fait, c’est Europe Écologie par la clarté de sa promesse sur ce point qui a remporté la mise, même si les vainqueurs du 7 juin n’ont sans doute pas réussi à convaincre les classes populaires qu’elles ne seraient pas condamnées à être les perdantes de l’unification européenne.

L’autre grave erreur commise est de s’être situé au fond dans le même système de repères que Nicolas Sarkozy. Un plan de relance plus ou moins important, une relance de la consommation face à une relance par l’investissement, autant de questions qui certes ne sont pas oiseuses, mais qui situent le PS dans le même paradigme que la majorité présidentielle. Elles ne constituent pas une vraie rupture avec un modèle qui pourtant s’avoue presque en faillite (http://www.think-out.fr/Semiotique-de-la-crise-Sans-titre). Lorsque le navire tangue, il y a une prime de confiance naturelle pour celui qui est à la barre, et sauf à démontrer que le capitaine est lui-même à l’origine de la tempête, il est difficile de simplement affirmer qu’on tiendra mieux le cap que lui. La difficulté à produire un discours clair sur l’analyse de la Crise, sur les mutations qu’elle appelle, la difficulté à penser en dehors de l’espace circonscrit par l’action présidentielle, pèsent lourdement dans le score du PS. Europe Écologie peut se targuer d’avoir proposé une solution globale à la Crise avec un projet écologiste qui avance un nouveau modèle de société et de développement (durable et décroissant) et pas seulement la régulation, fondée sur on ne sait trop quelle tempérance du modèle ancien. Si l’écologie n’apporte pas toutes les réponses et ne constitue pas une panacée politique, elle a la vertu de faire entendre que le « business as usual » conduit à une impasse face à une Crise qui prend un tour véritablement catastrophique.

Comment faire pour que cette défaite soit utile ? Elle l’est déjà sans doute puisqu’elle va porter à Strasbourg des députés qui auront à cœur de continuer à construire l’Europe et qui seront porteurs d’une vision qui, si elle n’est pas strictement socialiste, reste porteuse de progrès. Elle le sera plus encore si le Parti en tire toutes les leçons. Trois apparaissent centrales.

Si l’unité est un bien précieux, elle ne doit pas être confondue avec l’uniformisation. Peu de militants continueront de distribuer des tracts et de répandre des discours (pas toujours aussi clairvoyants que l’imaginent ceux qui les écrivent à Solferino) au son du « je ne veux voir qu’une seule tête » et il y a lieu de réinventer un parti de citoyens, ni raides militants, ni supporters dévots, et moins attirés par les places et les mandats que par le désir de jouer un rôle, à leur place, dans l’espace social qui est au fond le véritable espace politique.

Le PS doit désormais moins « rassembler autour de lui » les autres tendances progressistes (quelle arrogance ce serait !) que d’instaurer un véritable dialogue avec les écologistes, les autres partis de gauche et le modem quand il se sera réveillé de son knock-down. Un peu d’humilité face aux autres forces de progrès lui évitera de se retrouver humilié à nouveau. Dans cette optique, la tenue de primaires ouvertes, dans la perspective présidentielle, est le seul moyen pour le PS de démontrer qu’il est capable de changer et de porter à sa tête ou à la tête de la Gauche, de manière démocratique, un leader capable de constituer une alternative à un hyper-président qui aujourd’hui ne doit pas envisager avec beaucoup de craintes son deuxième mandat.

Enfin, face à une crise qui voit même les pires des sectateurs de Milton Friedman évoquer à nouveau la figure de Keynes et vanter le rôle de l’État, il s’agit pour le Parti Socialiste d’inventer sa façon à lui de penser en dehors du cadre imposé par l’UMP. Le modèle socialiste français s’est usé comme la social-démocratie allemande et s’est compromis comme le blairisme. Il faut le réinventer de fond en comble en tenant compte bien sûr de la question de la justice sociale qui doit demeurer au centre, mais sans oublier celle d’un monde que nous ne faisons qu’emprunter aux générations futures et dans lequel, les souverainetés locales étant appelées à devenir de plus en plus illusoires, le seul horizon démocratique viable reste bien celui de l’Europe.
 

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6 réactions à cet article    


  • Flo Flo 10 juin 2009 10:32

    Merci pour cette analyse pertinentes.
    Au sujet de « l’utilité » potentielle de cette défaite : ne pensez-vous pas que la tentation de « droitiser » le parti, sensible depuis longtemps et à laquelle Aubry s’opposait tant bien que mal, ne redevienne très rapidement le déclencheur de nouvelles rixes internes ?
    Les Valls et autres candidats à l’ouverture, Collomb compris, affûtent déjà les couteaux...
    Alors un dialogue avec les autres formations progressistes, dans cette situation sera impossible, puisque le PS n’aura plus rien de progressiste...
    (déjà que l’on est en droit de se poser la question...)


    • souklaye 10 juin 2009 10:46

      Les luttes de personnes galvanisent autant les partisans que les voyeurs, sachant que la cacophonie embarrassante de prime abord ridiculise autant qu’elle captive alors si la finalité est l’image qu’importe l’histoire.

      La profession de foi mythologique et le carriérisme pragmatique ont laissé leur place au culte de l’immédiateté sans mémoire et à la politique du coup de Trafalgar d’un jour.

      La gouvernance ethno-localisée dans une gestion globale est anachronique car le cours des choses ne prend pas en compte les idées mais uniquement le modèle

      La suite ici :

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      • Flo Flo 10 juin 2009 11:51

        Vous m’en direz tant.


      • saint_sebastien saint_sebastien 10 juin 2009 15:26

        Je pense tout simplement que la société française a fait le choix du chacun pour soit et du fric , c’est pour cela qu’elle a élu Sarkosy.

        Les dirigeants de gauche ne sont pas plus cons que les dirigeants de droite, il suffit de voir Morano , Albanel , Dati , et Sarko qui sont des personnes hautaines , manipulatrices , menteuses , etc...

        Ce n’est pas un problème d’image, c’est juste que le français de base ne perçoit plus la soiidarité comme quelque chose de nécessaire dans une société , mais veut le rêve américain possible en france.

        On s’achemine d’ailleurs vers une société à l’américaine , avec ses gangs éthniques , sa violence sociale , son bling bling et sa populace completement inculte.

        Il y a diverses fractures , générationnelles , éthniques , territoriales, exacerbées par la politique de droite depuis 7 ans.

        et les gens en redemande ?

        A partir de la , il n’y a plus de place pour le socialisme. Même les écolos /bobos d’aujourd’hui sont des gens de droite qui veulent se donner bonne conscience alors qu’ils sont incapable de renoncer à leur voiture ou isoler leur maison correctement pour faire des économies d’énergie.

        Bref , les socialistes sont mal pour encore très longtemps car le seul message que percoit la populace d’aujourd’hui c’est celui du fric... quelle ironie à une époque ou la plupart d’entre nous vont s’appauvrir.

        Mais j’avoue que j’en ai assez de me battre pour des gens qui ne comprennent pas l’interet d’un minimum de solidarité..., et qui laissent faire un gouvernement qui défait le peu de welfare qu’il nous reste...


        • Flo Flo 11 juin 2009 10:30

          Les cabinets de consultants qui bossent pour le PS, que ce soit par intérêt ou par militantisme, déposent sur des sites comme AV des papiers de commande, pré-formatés, qui génèrent deux pauvres commentaires auxquels ils ne se donnent même pas la peine de répondre.
          Génial, la stratégie de communication.
          En tant que citoyen de gauche, je me sens de mieux en mieux représenté, y’a pas à dire.


          • Maxence Maxence 11 juin 2009 11:55

            Cher Flo, désolé de ne pas avoir fait écho à votre commentaire dans les temps. Si je suis consultant, je ne travaille pas pour le PS. Il s’agit de l’avis d’un simple militant. Désolé aussi que ma prose ne suscite pas plus de commentaires mais je dois vous avoué que je n’ai pas de stratégie de communication. Sur le fond, je ne suis pas sûr que rééditer au sein du Parti la distinction gauche/droite soit très productif alors même même que cette différence reste à refonder globalement.

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