Vae Victis
Les peuples sont pris, de temps à autres, par une frénésie d’en découdre et de se faire la guerre. Avec à l’appui la même logique que celle qui pousse les bambins à se battre dans les cours de récréation. Cette frénésie est généralement attisée lorsqu’une situation économique et sociale est particulièrement inextricable pour les élites qui voient, ou pressentent, que l’échauffement à l’œuvre dans le peuple a des risques de se transformer en émeutes et que ces troubles pourraient entraîner quelques voies de faits sur leurs augustes personnes. Le souvenir de la tête de Louis XVI détachée de son corps ou la mort de Cromwell restent tenaces chez les puissants. Pour éviter qu’on ne désigne à la vindicte populaires les vrais artisans de nos malheurs, mieux vaut donc exciter le peuple sur son voisin et lui donner envie d’en découdre. Notre époque semble se diriger vers l’un de ces paroxysmes : les puissants sentent que le badaud commence à se poser des questions quant à la nécessité qu’existe une classe de nantis qui, par surcroit, entend dicter sa manière de vivre. Le peuple commence à sérieusement se demander en quoi il devrait se contenter de récolter les menues piécettes que les pléonexes veulent bien leur laisser. Il se murmure que Macron après avoir, un peu imprudemment déclaré : « s’ils cherchent un coupable, qu’ils viennent me chercher ! » a perdu de sa belle chevelure lorsque le peuple assemblé (sous le vocable de « gilets jaunes ») a songé à retourner sa colère contre l’occupant sans titre de l’Elysée (lequel ne représente que lui-même et ses quelques amis). Craignant justement, de visiter l’éternité de l’Elysée (et après en avoir peut-être eu un avant-goût, lors de la visite à cette occasion, du bunker sous-terrain sis rue du faubourg Saint Honoré), le pauvre homme s’est dit qu’il valait mieux trouver de quoi réorienter la colère populaire. Il a donc réussi à assigner le peuple à résidence durant deux ans. Toutefois, et même en étirant le délai au-delà du raisonnable, cela ne pouvait s’éterniser. Une fois la mise en scène des « élections » menée à bien et son mandat renouvelé, il devenait nécessaire de trouver autre chose. Quoi de mieux qu’une guerre ? Avec un méchant aux airs hollywoodiens, si ce n’est bondien (venu du froid, atteint d’un « cancer » qui augmente sa force, comme dans James Bond) et des français campant le rôle des Justes : ceux à qui le royaume des félicités (non célestes mais séculières, celles offertes par le merveilleux monde capitalistes) est ouvert : car ils défendent le camp de Yahveh (qui s’est renommé OTAN pour l’occasion) et apportent leur soutien (tout platonique et financier) à l’héroïque combattant de la liberté. C’est la troisième lettre de Saint Paul aux Galates avec Biden dans le rôle d‘Abraham et les journalistes qui susurrent et dictent à la plume de Saint Paul.
Une guerre absurde, à laquelle personne ne comprend rien, mais vendue de manière manichéennes aux confins de l’Europe : quoi de mieux pour ressouder notre nation défaillante ? Défendre nos « valeurs » ? En appeler à notre humanité ? Quel sans cœur serait contre ? Tout ce que notre époque compte de Belles Ames est mobilisé. Il n’est jusqu’aux « verts » (ou vers ?) qui ne se proclament pour la guerre. Point n’est ici question du bilan carbone des panzerdivizions ou des canons ; non, comprenez-vous :
« -il faut sauver nos « valeurs ».
- Lesquelles au juste ?
- Eh bien nos valeurs quoi.
- Oui, mais lesquelles ? Celles de l’Europe ? C’est-à-dire ?
- Nos valeurs on vous dit.
- Ah ! Nos valeurs ! J’avais pas compris.
- Oui, vous savez ces valeurs occidentales, celles qui vous ont été promises avec l’Europe : la prospérité, le libéralisme, le libre-échange, la démocratie, la paix.
- Attendez une seconde : on fait un blocus contre la Russie et nous avons la récession ?
- C’est pas pareil, vous aurez une pauvreté heureuse en vous chauffant avec du gaz de schiste américain transporté par bateaux.
- D’accord, mais c’est bon pour la planète ça ?
- Mais quelles questions posez-vous là malotru ! Sainte Greta vous l’assure. Vous voulez finir en prison comme elle ? How dare you ? (Remarquez, que je connais un tas d’éborgnés qui auraient rêvés d’une arrestation à la Greta Thunberg…)
- Mais la démocratie dites-vous ? celle qui a permis, par exemple, au traité de Lisbonne d’être adopté contre la volonté des peuples ? Celle qui permet à l’Union Européenne d’être dirigée par ex-ministre de la défense exfiltré suite à des scandales financiers et qui a passé un accord secret – au nom de l’Europe et sans mandat – avec un laboratoire pour plusieurs milliards de dollars et dans lequel son mari est employé par filiale interposé ? Cette même Ursula qui décide d’envoyer des armes en Ukraine alors qu’elle n’a aucun mandat reconnu pour se faire ?
- Oui : cette démocratie-là ! Et n’oubliez pas : l’Europe, c’est la paix. Car financer la guerre, c’est participer à la paix ! Il ne faut pas céder devant les Tyrans, jamais. L’histoire nous l’enseigne. Il faut faire la guerre pour vos valeurs ; nos valeurs nous disent de vivre en paix donc la guerre c’est la paix.
- Merci je vais y réfléchir.
- N’y réfléchissez pas : la Ministre verte allemande des affaires étrangères vient de dire que l’Europe était en guerre contre la Russie !
- Quoi ?
- Oui, oui.
- Il ne vous est pas venu à l’esprit que les russes pouvaient la prendre au pied de la lettre ?
- Non. »
Et voilà comment commencent les guerres mondiales : par les paroles prononcées à la cantonade par une idiote. Et pourtant : que ne nous a-t-on dit sur le gouvernement par les femmes ! La concorde et l’union allait régner. D’autant que ce spécimen particulier cumule les bonnes intentions : femme, de gauche, écologiste… Finalement, elle est comme les hommes de tous temps : elle n’ira pas se battre une arme au poing mais enverra ses concitoyens. La guerre se fait toujours avec le courage des autres. Tout ça pour ça serait-on tenté de dire ; mais pour qui connait les hommes, il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Les femmes sont comme les hommes, et elles ont leur part de bellicistes.
Au rayon des âneries : j’ai entendu à la radio quelqu’un déclarer que l’Europe c’était la paix, pour preuve, si elle fait la guerre à la Russie, c’est parce cette dernière a attaqué l’Ukraine. Sans cela il n’y aurait pas eu de guerre. A un tel niveau de bêtise, on ne peut plus rien. Seule la psychiatrie a son mot à dire.
Je ne défends aucun camp. M. Poutine a aussi tort que M. Zelensky et je ne souhaiterais en aucun cas vivre actuellement en Russie ; pas plus qu’en Ukraine. Mais force est de constater qu’« on » a tout fait pour que la mayonnaise de la guerre prenne, pour que Mars ait enfin de quoi se repaître en fait de chair fraîche. Nous allons tout droit vers une guerre mondiale et tout le monde semble s’en réjouir. Tout le monde n’a que « courage », « droit », « guerre » à la bouche… Mais si les hostilités démarrent vraiment et que leur sang ou celui de leurs enfants coulent ; qu’ils enterrent les leurs dans l’indifférence la plus générale après avoir reçu un bout de papier remis par un militaire anonyme et comportant la mention « mort pour la France », beaucoup verront que leurs mots ne sont que des mots et que les actes sont autre chose. Peu de gens ont la force d’âme d’un Dominique Venner au point de s’immoler devant Notre Dame pour dénoncer la déchéance de leur pays. Ou, pour reprendre une autre formule de Venner, on verra s’ils sont capables de mettre leur peau au bout de leurs idées.
A titre personnel, je ne suis pas persuadé de la grandeur d’âme des petits bourgeois nombrilistes qui peuplent présentement la France, l’écrasante majorité de cette populace aurait même plutôt tendance à m’écœurer. Et je ne doute pas, qu’en cas de guerre, elle fera comme toutes les majorités d’imbéciles pousse à la guerre, elle ralliera au vainqueur (quel qu’il soit) au cri de « gloire au vainqueur ! » et proclamera que c’est l’abaissement moral qui a conduit à la défaite. Avec la contrition qui sied, elle se lancera dans le redressement moral de notre pays en fustigeant le bouc émissaire tout trouvé : l’objecteur de conscience, le pacifiste ; quand bien même celui-ci serait mort au champ d’honneur, pour défendre – la mort dans l’âme mais parce qu’il le faut bien – son pays ; là où l’imbécile belliciste aura, quant à lui, profité de son confort douillet pour faire la morale, se planquer et ne pas faire la guerre qu’il préconise pour les autres.
Le mot d’ordre de tous les bellicistes est le même depuis, au moins l’Empire Romain : vae victis. C’est le cri de ralliement qui permet toutes les compromissions, qui autorise à s’acoquiner avec le vainqueur et qui donne la confortable impression d’être du bon côté, pour peu que l’on sache changer de côté en même temps que le vainqueur. Il suffit de lire « au bon beurre » de Jean Dutourd. Tout y est dit avec humour.
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