Valls flingué à Marseille

Evidemment, à vouloir contrôler le flux migratoire, raccompagner à coup de pompe dans la caravane les Roms chez eux, tester la compatibilité de l’Islam à la démocratie, on finit par s’attirer les ennuis. Le catalan Manuel Valls, ultra populaire ministre du gouvernement Ayrault, a fini comme prévu par exaspérer tout son monde, à trop taper là où ça fait mal à gauche. Sa dernière sortie lors de la remise des devoirs de vacances 2025 à l’Elysée, qui suivait sa désapprobation du projet Taubira sur les prisons et son omniprésence devant les caméras tout l’été, à jouer les kékés devant les objectifs, ventre rentré et teint halé, sourcil froncé et volonté affichée, tout ça pour soigner une côte de popularité qui n’en démord pas, et servir une ambition affichée depuis longtemps de finir au Palais, tout ce barnum médiatique a fini d’exaspérer la royauté, mais Hollande n’étant pas du genre flingueur, il a préféré envoyer ses tontons et tantines pour banderiller l’insolent.

Bon, bien sûr, Duflot, Taubira, Désir, Joly, Mélenchon, cet attelage tient davantage de la 7ème compagnie que de la légion étrangère, mais quand même les coups sont là, et ça doit piquer un peu. Même si on devine déjà que le plus dur pour Valls ne doit pas être d’encaisser, mais de ne pas broncher en retour, pour pas entrer en guerre ouverte, ce qui ferait désordre et pourrait le mettre hors jeu. L’insolent doit éviter à tout prix la surenchère, saint François ne lui pardonnera pas. L’exercice n’est pas simple : en voyant les images de Duflot murmurant à l’oreille de Taubira dans un simulacre de camaraderie, en entendant la même Taubira nous ressortir comme pour le mariage pour tous, une énième citation d’Aimé Césaire (on finira par comprendre qu’elle a quelques lettres, la dame), à la fin d’un discours lénifiant où elle s’est évertuée à rejeter le machisme de son collègue du gouvernement (trop poilu, le catalan, invité à laisser ses cojones aux vestiaires), en assistant donc à ces règlements de compte sous le soleil provençal, Valls a dû sentir quelque moutarde lui monter au nez.

Parce qu’en plus le ramdam était organisé à Marseille, la grosse épine dans le pied du ministre de l’Intérieur. Marseille et ses quartiers nord, sud, est, ouest, abandonnés aux mains de trafiquants de drogue et d’armes qui règlent leurs contentieux à la sulfateuse. Ni les zones de sécurité prioritaires, ni les renforts de police, ni les grandes phrases n’y peuvent mais : la cité phocéenne s’enfonce dans la violence corse. Valls, pour l’instant, n’y arrive pas. Alors, forcément quand Taubira lui met en plus dans les roues un bâton style libération anticipée aux deux tiers de la peine, son sang ne fait qu’un tour et le jeune quinqua ne peut se retenir d’envoyer bouler l’irresponsable. Hollande ne lui donne d’ailleurs pas tout à fait tort et va retoquer le projet Taubira. Mais Hollande ne peut guère aller plus loin, sa ministre de la Justice, étendard rose du mariage gay, est la meilleure caution socialiste du gouvernement Ayrault. Il faut donc pour l’exécutif ménager la chèvre poétesse et le chou pressé. Hollande peut laisser aux seconds, troisièmes ou millième couteaux, la joie de se payer Valls, Harlem Désir se sent pousser des poils quand il critique le patron de Beauvau, grand bien lui fasse, Hollande regarde ailleurs et fait comme si rien ne se passe. Tant que ça passe…

Alors, Manuel, nouveau Jean Marie ou nouveau Nicolas, ou un peu des deux ? Sans doute un des plus crédibles ministre du gouvernement, ce qu’il faut d’arrogance et de prétention pour réussir, mais peut-être aussi un peu en surchauffe ces derniers temps. Les jours qui suivent nous diront s’il est sensible à la poésie.