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Vélo à la carte et spéculation

Les utilisateurs d’un système de vélo à la carte ont tous remarqué que ce sont toujours les mêmes stations qui sont vides (généralement en haut des reliefs), et les mêmes qui sont remplies - celles-ci étant susceptibles de varier suivant les horaires.

Je me faisais la réflexion d’un système de "bonus malus" qui permettrait de palier à ça. Le système serait le suivant :
  • Quand j’emprunte un vélo, je perd un nombre de points égal au nombre de places libres que je laisse vacantes. Dans le meilleur des cas, je perd 1 point seulement si la station était pleine. Je perd un maximum de point si je laisse la station sans vélo.
  • Quand je rend un vélo, je gagne un nombre de point égal au nombre de places libres dans la station avant restitution.

On remarque que prendre un vélo et le restituer immédiatement n’apporte ni gain ni perte. Par contre prendre un vélo dans une station pleine et le remettre dans une station vide apporte un maximum de points.

Ces points pourraient par exemple être convertibles en demi-heures d’utilisation supplémentaires. Ce système permettrait de réguler le remplissage des stations, et nous pouvons même imaginer que certaines personnes déplacent eux même des vélos de stations pleines aux stations vides pour gagner des points : une magnifique illustration des bienfaits de la régulation des marchés par la spéculation.

Les bienfaits de la spéculation ? Vraiment ? Pas tout à fait... Immédiatement après avoir compris ce système, on se prend à imaginer comment des petits malins pourraient le détourner à leur profit pour gagner des points. Et ce n’est pas très compliqué.

Première exemple : je me place à une station bien remplie dans un quartier résidentiel (zone de départ) juste avant une heure de pointe. Je prend un vélo : je perd 1 point. Le rush arrive : tout le monde prend un vélo pour aller travailler. La dessus je rend mon vélo. La station est presque vide, je gagne plein de points... Il est possible d’augmenter les gains en ne prenant pas un vélo, mais plusieurs.

Deuxième exemple : je me place à une station presque vide dans un quartier d’affaire (zone d’arrivée) juste avant l’heure de pointe, avec un vélo emprunté à un autre endroit, une station "neutre". Je rend le vélo sur cette station : je gagne plein de points. Arrive le rush : tout le monde rend son vélo. Je reprend le mien ensuite et je perd très peu de points en le reprenant.

Troisième exemple : je combine les deux exemples précédant. J’emprunte des vélos dans une station pleine pour les mettre dans une station vide, juste avant une période de pointe. Après le rush, je fais l’inverse.

Bien entendu, en faisant ceci, j’emmerde tout le monde, puisque je vide les stations quand les gens ont besoin de vélos et je les remplie quand les gens ont au contraire besoin de restituer leur vélo.

En fait nous nous retrouvons devant un système qui est assez similaire à la bourse. Les stations de vélo jouent le rôle des valeurs boursières. Les déplacements des utilisateurs jouent le rôle de "l’économie réelle" et sont à l’origine de fluctuations dans les valeurs boursières. les heures de pointes correspondent à des hausses des cours sur les stations de départ et à des baisses sur les stations d’arrivée. La dessus viennent se greffer les spéculateurs qui effectuent des paris sur la montée ou la descente de la valeur de l’action, c’est à dire du nombre de vélo sur la station. Ils peuvent faire des paris à la hausse ou des paris à la baisse.

Avec ces exemples on voit immédiatement comment la spéculation peut avoir un réel pouvoir de nuisance. Si nous nous plaçons dans un contexte statique, le spéculateur permet à priori de réguler le traffic en stabilisant le nombre de vélos par station. Il joue un rôle positif. Mais dans un contexte dynamique, s’il est capable d’anticiper une forte demande ou une forte offre, le spéculateur va jouer un rôle de parasite. Il va diminuer artificiellement l’offre quand la demande sera forte pour optimiser ses gains et à l’inverse diminuera artificiellement la demande quand l’offre sera plus importante pour faire baisser les prix. Au lieu de stabiliser les cours, il va au contraire amplifier leur évolution.

On peut imaginer qu’à l’extrême le nombre de spéculateurs devienne plus important que le nombre de réels usagers, et qu’un nombre plus important d’emprunt de vélo le soit pour des raisons spéculatives que par un réel besoin de transport. Alors les spéculateurs passeront plus de temps à anticiper leurs propres réactions entre eux qu’à s’intéresser aux usagers. Le nombre de vélo variera complètement aléatoirement d’une station à l’autre suivant leur fantaisie et sera déconnecté du besoin réel des usagers qui eux en manqueront tout le temps. En effet, si les speculateurs travaillent bien, ils gagnent des points convertibles en temps et peuvent garder les vélos plus de temps pour effectuer leurs opérations boursières... Au détriment des usagers.

Bien sûr rien ne prouve que l’on puisse transposer ainsi la logique de ce système à la bourse. Il existe certaines différences. Par exemple : le taux de remplissage d’une station de vélo n’est pas illimité, ce qui, dans le cas du vélo à la carte, nous met à l’abri des bulles financières...

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4 réactions à cet article    


  • Le péripate Le péripate 11 novembre 2009 12:50

    Amusant.

    On peut transposer ça à un exemple réel bien que simplifié.

    Premier cas. Chaque pays a une monnaie qui a un équivalent métal. Que j’ai des dollars ou des pesos (peso= poids) ne change rien, ils ont un cours fixé sur une marchandise identique.

    Deuxième cas. Les monnaies sont déconnectées d’une référence commune (une anti mondialisation en quelque sorte  smiley ) et s’échangent comme des marchandises à des cours variables.
    Il apparait alors un risque dû au change. La suite est connu : des produits assuranciels apparaissent, des « dérivés », l’importance de la finance et de la spéculation augmente.

    Morale : les décisions politiques créent des marchés. Marchés qui ne sont peut-être pas très utiles, voire nuisibles, mais c’est une autre question.


    • Charles Martel Charles Martel 11 novembre 2009 12:57

      héhé, pas mal en effet. bel exemple.


      • zelectron zelectron 11 novembre 2009 13:53

        Hypothèse plaisante, et je suis sûr que si elle est diffusée, les probabilistes politiques (mathématiciens français en général) risquent d’en faire une nouvelle théorie économique qui comme chacun sait poussée jusque dans ses retranchements tombera au point de bascule en « Absurdie » et là ce sera dommage car l’intention d’origine est plutôt généreuse.


        • fooogooo 16 novembre 2009 13:41

          "On peut imaginer qu’à l’extrême le nombre de spéculateurs devienne plus important que le nombre de réels usagers, et qu’un nombre plus important d’emprunt de vélo le soit pour des raisons spéculatives que par un réel besoin de transport."

          Parcequ’il y a vraiment des gens qui les utilisent ces vélos ? Ils ne sont pas tous déjà volés ou détruits, ou revendu dans des endroits exotiques ?

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