Vers un régime présidentiel ?
Ce mercredi 20 juin 2007, le président de la République française, M. Nicolas Sarkozy, devant les parlementaires UMP réunis à l’Elysée, a fixé les grands objectifs de son mandat, estimant que « les Français nous [parlant de sa majorité présidentielle] ont confié pour cinq ans la responsabilité d’écrire l’Histoire de France ». « Tout ce que j’ai promis de changer, je le changerai, tout ce j’ai promis de réformer, je le réformerai », a-t-il lancé. Un tel type de discours concernant un programme gouvernemental est habituellement tenu par le Premier ministre, chef du gouvernement, devant l’Assemblée nationale au palais Bourbon. M. Sarkozy a bien répété à plusieurs reprises qu’il a « été élu pour faire, et non pour faire faire ». Une nouvelle definition du statut presidentiel ?
Nicolas Sarkozy, fort de ses 53 % des suffrages obtenus lors du scrutin du 6 mai 2007, se serait-il métamorphosé en "homme à tout faire" ? Que penser de l’omniprésence du chef de l’Etat au sein de tous les débats politiques tenus au quotidien ? Ne sommes-nous pas dans un cadre rappelant fortement le statut présidentiel à l’américaine ?
Il convient de souligner qu’au sein de l’Etat fédéral américain, dont le régime politique est présidentiel, le gouvernement est placé sous l’autorité directe du chef de l’État et n’est pas responsable devant le Parlement. En effet, un régime présidentiel est dépourvu de Premier ministre à la française. La Constitution de la Ve République française, en vigueur depuis 1958, prévoyait la mise en place d’un régime parlementaire. Force est de constater que la pratique politique a tôt fait de muer notre régime vers un présidentialisme qui semble par moment devenir irrémédiable tant la présence du chef de l’Etat au sein de la vie politique est de plus en plus omniprésente.
Dès son élection et son arrivée à l’Elysée, Nicolas Sarkozy a immédiatement mis en chantier une dizaine de réformes de façon simultanée. Un meeting par ci, un match de football par là, un enterrement, des cérémonies, des voyages... il semble partout à la fois. Il s’affiche véritablement comme le patron de sa majorité et il convient de se demander, tenant compte de cet état de fait, quelle place est finalement réservée à François Fillon et de quelle marge de manoeuvre ce dernier dispose. Lorsque l’on regarde l’histoire constitutionnelle et politique française, le Premier ministre a souvent joué le rôle du fusible jetable. L’avantage de disposer d’un Premier ministre, c’est qu’on peut le sacrifier sur l’autel du mécontentement social.
Après son éviction du gouvernement en 2005, à l’arrivée de Dominique de Villepin, François Fillon joue à nouveau gros. Cependant, sa place n’est certainement pas due au hasard. « En me virant, ils ont fait de moi le directeur de campagne de Sarko » a-t-il déclaré amèrement en 2005. Le sénateur de la Sarthe s’est clairement mis au service de Sarkozy avec une idée derrière la tête, l’actuel président de la République étant à l’époque le plus grand rival de Dominique de Villepin au sein de l’UMP. Il s’avère aujourd’hui être un Premier ministre parfaitement "Sarko compatible" et ne sera donc pas pris au dépourvu, sachant pertinemment que travailler avec Nicolas Sarkozy sous-entend de disposer d’une faible marge de manoeuvre du fait de l’omniprésence du chef de l’Etat. Ce dernier semble s’imposer en véritable chef de l’exécutif et empiéter très fortement sur les compétences de son bras droit. Il entend conduire lui-même la politique générale du pays.
M. Sarkozy n’a cessé d’affirmer tout au long de la campagne des présidentielles : "Je veux être un président de la République qui prend ses responsabilités et s’engage sur des résultats." Il entend donc soumettre chaque année son bilan auprès des locataires du palais Bourbon. Cependant, la Constitution de 1958 interdit aujourd’hui à un chef d’État de pénétrer dans l’hémicycle de l’Assemblée, en vertu de la séparation des pouvoirs. Réforme constitutionnelle à l’horizon ? L’article 18 de la loi fondamentale n’autorise le chef de l’Etat qu’à adresser des messages au Parlement, lui interdisant de se présenter dans les hémicycles du palais Bourbon ou du palais du Luxembourg. Cependant, n’est-ce pas au Premier ministre de mettre sa responsabilité à l’épreuve devant les parlementaires ? On sent dans le discours de Sarkozy une tentation d’aller vers un régime présidentiel.
La présidentialisation du régime politique français a été amorcée lors de l’adoption par référendum de la réforme du quinquennat. Récemment on a député le chantier de la réforme du statut pénal du chef de l’Etat. Force est de constater les ressemblances de plus en plus nettes avec le système américain et notamment des réminiscences de la procédure de l’empeachment (procédure de destitution qui a pour but de permettre d’engager des poursuites judiciaires pénales à l’encontre des hauts fonctionnaires, un exemple connu étant celui du président Nixon suite au scandale du Watergate). Si de futures réformes constitutionnelles suppriment le droit de dissolution de la chambre basse du Parlement et facilitent la destitution du gouvernement par l’Assemblée, notre régime politique n’aura plus de parlementaire que le nom.
Cependant, un régime présidentiel digne de ce nom dispose de contre-pouvoirs et de lobbies extrêmement importants. Les médias aux Etats-Unis constituent un lobbying extrêmement puissant, témoin de l’action prépondérante du Washington Post révélant le scandale du Watergate et ayant conduit à la destitution du président. Je vous invite à consulter l’article intitulé Dans les médias, les grandes manœuvres ont commencé publié sur Agoravox.
Il est clair que les grandes manoeuvres opérées dans un but de neutralisation de la presse en tant que contre-pouvoir ont de quoi inquiéter et susciter bien des questions.
Vers quel régime politique nous dirigeons-nous ?
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