Vers une autre civilisation. Et si cette crise était une aubaine...
Ne voyez pas dans ce titre une éventuelle provocation mais plutôt une suite logique à mes précédents billets, "Quelle civilisation pour quel destin ?" et la "Théorie du complot enfin démystifiée" dans lesquels je dénonçais l’utopie de la croissance infinie et oû j’amorçais une réflexion sur l’exigence de créer une nouvelle civilisation immatérielle, l’Humanisme, fondée sur l’intérêt général. J’en profite pour saluer les "Agoravoxiens" qui par leurs commentaires ont enrichi et fait vivre le débat.
Ultimes convulsions de la civilisation du "G2", Goinfrerie-Gabegie, les conséquences économiques de cette crise constituent déjà une rude épreuve pour des millions d’hommes hier encore consommateurs/emprunteurs providentiels, aujourd’hui articles sacrifiés de la grande braderie. Futurs naufragés si tout se déroule "normalement"...
Mais si cette crise au contraire et malgré les apparences était une aubaine : la salutaire montée d’adrenaline face à notre plus redoutable ennemie, l’illusion. Ce qui ne constitue encore qu’une pensée abstraite pour la plupart d’entre-nous - c’est aussi difficile d’imaginer un monde sans ressources naturelles (qui, faut-il le rappeler, constituent la base de toute production) que le néant avant le big-bang originel tellement elles nous sont consubstantielles - deviendra pourtant, dans un futur relativement proche, une réalité. Rupture de stock ! Jamais l’humanité n’aura été confronté à un tel défi. Mais comme me dit mon coiffeur touché par le bon sens : "Vous bilez pas M’sieu Danjou ! Y vont bien trouver aut’ chose !"
Stimulés par tant d’optimisme nous fonçons donc à grands coups de rame vers le récif qui nous désintégrera. "Ici gît la race des pillards", brutal mais juste hommage posthume. Le choeur des goélands s’entraine déjà pour la messe de requiem. Il faudrait même, nous dit -on, accélérer la cadence. Exhortations, roulement de tambour : croissance, productivité, création de valeur ! Ramez, mais ramez nom de Dieu !
Or selon l’USGS (US Geological survey), nous disposons encore d’à peu près 30 ans d’argent, d’or, de zinc, d’étain, de plomb, de cuivre et d’uranium ; 50 ans de pétrole ; 60 ans de gaz ; 70 ans de fer. Combien d’années pour les réserves d’eau potable ? Le nombre d’individus soumis à un stress hydrique devrait passer de 400 millions à 4 milliards en 2025 (Forum Mondial de l’eau). Est-il nécessaire d’être un vieux loup de mer pour comprendre que nous devons de toute urgence changer de cap et jeter par dessus bord nos valeurs mercantiles, consuméristes et productivistes ? Redonner du sens à notre "traversée" par un coup de barre à 180° ou le récif ? La décision nous appartient.
180°, un angle plat, la route opposée, surtout une prodigieuse pression sur le gouvernail car d’implacables forces s’y opposent : nos superstitions, nos inhibitions, nos peurs, l’habitude, nos préjugés, le poids des traditions, l’inertie... Affronter la houle monumentale des conventions et des valeurs qui nous ont formatés représente un préalable quasi "surhumain". Mais dans les jumelles de la vigie déjà apparait ce qui n’est encore qu’un minuscule point à l’horizon...
Si nous surmontons cette première épreuve, la seconde ne devrait être qu’une simple formalité : distinguer le naturel (lois physiques irréfutables) et l’artificiel (fabriqué de toutes pièces). Dans la pratique c’est moins évident car il nous arrive souvent d’estimer comme lois physiques des principes pourtant d’origine artificielle. Nous nous privons ainsi, par confusion, de l’infini potentiel de certaines matières artificielles telle que l’économie. A méditer pour éviter l’épitaphe, "ici reposent pour toujours des regrets éternels !"
Après ces petits exercices de mise en condition plus doctement nommés "introduction à la révolution copernicienne", je vous invite à mettre résolument le cap vers un nouveau paradigme : la civilisation Humaniste immatérielle basée sur l’interêt général et d’en découvrir les dix articles fondateurs.
Premier article : La Planète Terre est élevée au rang de patrimoine unique de l’humanité et l’Homme est nommé conservateur universel.
Deuxième article : L’Homme est au centre. Il est informé, responsabilisé, impliqué dans la plus gigantesque et formidable "opération de sauvetage" jamais conçue. Il n’est plus producteur/consommateur mais d’abord Citoyen conservateur du patrimoine oeuvrant, selon ses compétences, ses moyens et son activité, à sa pérennité. Le travail n’est pas un privilège mais un droit et un devoir. Chaque homme en âge et en capacité de travailler participe activement à l’édification, selon sa qualification, de cette nouvelle civilisation. Le travailler utile pour vivre mieux remplace le stupide travailler plus pour gagner plus. Le partage du travail est une règle afin d’une part qu’il reste à chacun le temps suffisant pour se cultiver, se former ou participer à toute autre forme d’épanouissement personnel, et d’autre part pour que l’effort soit équitablement réparti.
Troisième article : La création monétaire est rendue à l’Etat, c’est à dire au peuple. Ce 3° article mérite un minimum de développement. Vous vous souvenez bien sûr de ce bateau ivre qui fonce droit sur le récif, grâce à notre énergie soit dit en passant, mais vous ignoriez que ses cales étaient bourrées de dollars et d’euros. Des milliards de dollars et d’euros ! Pensez-vous que cette opulente cargaison changera quelque chose au funeste destin de ses passagers ? Trop tard, il sera bien trop tard pour réfléchir à une meilleure répartition et à une utilisation optimale de tous ces milliards. Excepté pour les hippocampes qui s’en serviront pour jouer au Monopoly !
Ce troisième principe représente donc le renoncement à un dogme : l’attribution de monnaie est égale à une production. Ensuite à l’adoption d’un nouvelle règle de survie : l’attribution de monnaie est égale à un besoin vital. Aucune loi physique irréfutable, aucun obstacle d’origine naturelle ne s’opposent à cette évolution. D’ailleurs c’est ce que les Etats-Unis sont entrain de faire avec leur "assouplissement quantitatif". Sauf que les destinataires ne sont pas exactement les mêmes. Concrètement, cela implique que l’Etat fournit la monnaie nécessaire, gratuitement, au développement ou à la satisfaction des besoins suivants :
- Financement sans limite de la recherche de nouvelles énergies alternatives telles que la nucléosynthèse qui constituerait selon AEBIUS 320 (voir ses commentaires) un réel espoir, l’hydrogène et l’énergie solaire ;
- Financement sans limite de la dépollution, de la prévention contre la pollution et la préservation de l’environnement (écosystème, biodiversité) ;
- Attribution à chaque citoyen d’un revenu universel destiné à satisfaire exclusivement ses besoins élémentaires : alimentation, logement, éducation, santé. Ce revenu serait dégressif selon le niveau de rémunération atteint par chaque individu. Il remplacerait toutes les allocations diverses et variées.
Pire que le naufrage, la planche à billets ! Je vois déjà Oligarques S.A. s’étrangler ! Je les comprends volontiers. Ils sont persuadés que sans leurs conventions, leurs combines, leurs prérogatives et privilèges, la terre cesserait subitement de tourner. Autant périr ! A moins qu’en loucedé ils n’aient déjà prévu deux rafiots : la Méduse et la "Dérogation"... Mais loin de moi toute pensée subversive.
J’entends donc déjà les slogans et revendications fuser en saccades lors de leur prochaine assemblée générale : "Humaniste utopiste, Humaniste anarchiste, Humaniste terroriste ! A bas l’inflation, vive mes actifs mes dividendes et mon pognon, l’Humanisme on aura ta peau !" On reconnait là la grande tradition financière, le pognon et les actifs d’abord. Ceci dit, il me semble qu’un paramètre essentiel aurait échappé à la sagacité de l’honorable assemblée. Juste un moment de distraction ! Je crains en effet, lorsque les mouettes commenceront à ricaner en nous voyant suffoquer dans l’écume des vagues se brisant sur le récif, que toutes ces valeurs n’aient un caractère...disons un peu futile... Est-il nécessaire de préciser que la parité euro/dollar à cette minute précise n’aura plus guère d’importance ?
Quatrième article : L’environnement et la biodiversité sont sanctifiés. Les sols, les cours d’eau (du fleuve au ruisseau), le littoral et les forêts sont dépollués. Le reboisements des forêts primaires est entrepris. La captation du CO² dégagé par les usines et centrales à charbon est généralisée. Les eaux usées (80% des maladies seraient liées à l’eau dans les pays du Sud) et les déchets industriels sont captés et traités. Le recyclage est institutionnalisé. La prédation (pêche par exemple) est prohibée.
Cinquième article : L’agriculture s’engage dans un processus vertueux. Elle abandonne le traitement chimique des sols et des cultures (préservation de la santé et de l’eau). La polyculture et les cultures vivrières sont multipliées. Les plantes sobres remplacent les plantes gourmandes en eau (l’agriculture représente 70% de la consommation d’eau potable). Le cheptel est fortement réduit afin de consacrer les sols disponibles à la production de végétaux destinés à l’alimentation humaine (16000 litres d’eau sont nécessaires pour produire 1 kg de boeuf, 1000 litres pour 1 kg de pain).
Sixième article : L’économie est au service des Hommes et de ses besoins vitaux. La désintoxication à la croissance et au profit est institutionnalisée. Les activités sont hiérarchisées : l’environnement, l’énergie, l’agriculture, la santé, l’éducation, le bâtiment, les transports non polluant constituent les priorités absolues. L’artisanat, les petites et moyennes entreprises, le commerce de proximité sont soutenus et développés. Les activités essentielles sont relocalisées (économies d’énergie).
Septième article : Gestion de l’énergie et des matières premières. Les stocks résiduels sont gérés avec la plus grande parcimonie et leur utilisation est optimisée. L’énergie est surtaxée (économies). La recherche consacrée aux énergies alternatives est surintensifiée.
Huitième article : L’éducation. La protection de l’environnement est considérée comme matière essentielle au même titre que les mathématiques. Intégrée aux programmes dès le cours élémentaire
Neuvième article : La coopération. La compétition exacerbée, la grande prédation, la mondialisation libre échangiste sont remplacées par la coopération et le libre échange équitable entre les pays.
Dixième article : La démocratie. En tant que régime politique et en tant que mode d’existence collective où les mêmes avantages sont accordés à tous.
Utopique ? J’en conviens, ce projet très imparfait et non exhaustif est utopique. Non pas utopique parce qu’inaccessible, mais utopique car contraire à de puissants intérêts catégoriels et à de puissantes habitudes. Utopique parce que l’oligarchie préfère le désastre à toute remise en cause et à toute concession. Les seules options invoquées pour conjurer la crise consistent, primo à reproduire les mêmes politiques avec les mêmes constituants, deuxio à remettre toujours à plus tard les décisions vitales (Le forum de l’eau par exemple). Après le "G2" nous aurons le "G3" : Gabegie, Goinfrerie, Guerre. Inévitables guerres de l’eau et de contrôle des stocks résiduels de matières premières. Le prochain G20 de Londres présenté comme "une renaissance" ne sera qu’un numéro grotesque d’illusionnistes. Une exhortation à repartir à fond puis à accélérer progressivement, dernière orgie avant le naufrage. Aucun sens, non aucun sens, juste une illusion.
Tic tac, tic tac... Le temps ne nous fera plus crédit. "Le domaine dont nous disposons n’est pas ou n’est plus à la mesure de nos exigences. Il n’y a que deux issues, changer de domaine ou modifier nos exigences." Albert Jacquard. Il reste sûrement une toute petite chance, une ultime occasion d’entendre la sagesse : "Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson capturé, alors seulement vous vous apercevrez que l’argent ne se mange pas." Proverbe Cri, Indiens du Canada. Et si cette crise nous permettait de recouvrer notre conscience ? Mais quoi que nous fassions, sans nous ou avec nous et
nos conventions, nos inventions et nos valeurs, la terre continuera de tourner.
Je vous conseille les lectures suivantes :
C’est maintenant ! 3 ans pour sauver le monde (Jean-Marc Jancovici - Alain Grandjean)
Le compte à rebours a-t-il commencé ? (Albert Jacquard)
Cesser d’émettre du CO² ou aller à la catastrophe (Georges Monbiot)
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