Vers une politique de centre-gauche en Allemagne ?
Toute la presse française (et allemande) parle du « Triomphe » de Madame Merkel, réélue, comme nul(le) autre en Europe depuis la crise, pour la troisième fois, avec une majorité relative renforcée. Il n y a aucun doute : son habileté politique est exceptionnelle en particulier pour éliminer, sous un faux air maternel, ses meilleurs amis ou alliés qui pourraient lui faire concurrence ou gêner sa politique, comme on vient de le voir dans le cas du FDP (parti ultra-libéral sur le plan économique, mais « progressiste » sur le plan sociétal) éliminé du parlement, et dont elle avait fait en parole son allié privilégié pour ensuite ordonner à ses troupes de ne pas voter pour lui lors du deuxième scrutin concernant le vote proportionnel.
Il faut rappeler en effet que chaque citoyen a, en Allemagne, deux voix à exprimer lors des élections parlementaires : une voix pour un candidat à élire à la majorité et une voix pour une liste de parti à élire à la proportionnelle. Cette double élection permet à chaque citoyen de panacher son vote par exemple de voter pour la liste d'un parti (ex : FDP), mais aussi de voter pour un candidat d'un autre parti(ex : CDU). Or Madame Merkel, contrairement aux dernières élections législatives et dernièrement à celles du Lander de Basse-Saxe (ce qui avait permis aux sociaux-démocrates et aux verts de gagner cette élection) a demandé expressément et publiquement aux membres de son parti (CDU) et à ses sympathisants de ne plus voter pour le FDP. Le score exceptionnel de son élection exprime donc logiquement la glissement des voix du vote à la proportionnelle d'électeurs qui avait l'habitude de voter à ce scrutin pour le FDP pour provoquer un coalition CDU-CSU-FDP. Il faut donc comprendre que triomphe de Madame Merkel est la conséquence d'une défaite annoncée de la FDP par Madame Merkel en personne. Cette défaite a donc été provoquée par elle pour mettre fin, sans le dire mais en le faisant, à la coalition antérieure et rendre ainsi possible une nouvelle coalition plus au centre- gauche de l'échiquier politique. Quelles sont les raisons qui l'ont conduite à opérer une telle manœuvre, laquelle est en grande partie à l'origine de son succès ?
La première raison est qu'elle a été pendant 4 ans paralysée par sa collision avec les deux partis alliés plus à droite, mais moins adroits, qu'elle, le FDP et La CSU bavaroise, sur les questions familiales et sur celle du SMIG et des retraites. Ce qui fait qu'elle n'a pas pu gouverner à sa mesure pendant la dernière législature, toujours empêchée de prendre des décisions dans le domaines social et sociétal. La seule décision qu'elle a imposée a été est l'abandon du nucléaire en accord avec les verts !
La deuxième raison, plus profonde, est qu'elle sait, car elle l'a appris par l'expérience de ses législatures précédentes, que l'Allemagne est un pays à la fois social-démocrate et fédéral dans son fonctionnement. La codécision syndicat-patronat dans les grandes entreprises et les négociations rituelles obligatoires dans toutes les branche, ainsi que le besoin de protection sociale, elle qui vient de l'est, de la majorité des allemands font que l'Allemagne ne peut pas se permettre une politique ultra-libérale, sauf à briser le consensus social qui fait une grande partie force du soi-disant modèle allemand dans le domaine industriel. Enfin le fédéralisme impose un consensus pour la plupart des toutes décisions à caractère social entre les lander, c'est à dire le Bundesrat et le parlement fédéral (le Bundestag). La question de la social-démocratie en Allemagne n'est donc pas seulement politique, dont l'enjeu serait de savoir quel parti doit gouverner le pays, mais (car) elle s'inscrit dans les structures sociales allemandes elles-même let es rapports idéologiques qu'elles génèrent, profondément sociaux-démocrate . Ainsi les électeurs allemands ont voulu par leur vote imposer une grande coalition à la chancelière d'abord en élisant un Bundesrat, issu des élections dans différents lander, gauchisant afin de limiter le pouvoir d'une majorité CDU-CSU/FDP au parlement fédéral .trop à droite et qui plus est, impuissante à gouverner du fait des bisbilles incessantes entre les alliès de droite de la précédente législature.
La troisième raison est donc que si madame Merkel et son parti sont de centre-droit, ils ne sont pas de droite comme peut l'être par exemple l'UMP dans sa majorité en France. Son parti reste dans la majorité de ses membres et militants un grand parti populaire inspiré par le « socialisme chrétien » et les églises qui se réclament de lui, y compris l'église catholique en Allemagne dont le pape François, après l'église luthérienne, se fait aujourd'hui un défenseur explicite(« je n'ai jamais été de droite ». S'ils ne sont pas de droite ou ultra-libéral sur le plan économique, c'est qu'ils ne peuvent pas l'être en tant que grand parti populaire de gouvernement en Allemagne (si tant qu'ils puissent l'être en France).
Pour toutes ces bonnes raisons madame Merkel a eu raison de renverser la table afin de retrouver une majorité de centre gauche plus conforme à ses vœux mais surtout à ceux de la grande majorité des allemands comme l'ont montré toutes les élections locales et les sondages précédant les dernières élections . Son triomphe lui impose d'imposer sa propre voie, avec l'appui des membres et responsables gauchisants de son propre parti (ex : Madame von der Leyne, ex ministre du travail ), à savoir de composer avec le SPD et les verts pour gouverner en cette période de crise et de déchirement de la société allemande dont il fait rappeler qu'elle compteplus de 3 Millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Ainsi Madame Merkel, et elle l'a sans doute voulu, n'a plus de majorité à droite pour gouverner ni au parlement fédéral (Bundestag), ni au sénat et dans les régions (Bundesrat). Or, ne l'oublions pas, le régime allemand n'est pas présidentiel, mais parlementaire, (ce qui sans cesse rappelé par la cour constitutionnelle allemande), elle a dorénavant toute légitimité de gouverner au centre-gauche.
Ce n'est pas forcément une mauvaise nouvelle pour François Hollande et son gouvernement de centre-gauche.
Article envoyé de Hildesheim (Basse-Saxe, Allemagne)
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