Vers une politique du pire
Que faire si la répression ne règle pas le problème de l’insécurité ? Si les cadeaux faits à certains et les sacrifices demandés au plus grand nombre ne permettent pas à l’économie de décoller ? Aller plus loin, toujours, demander plus, durcir et si les résultats ne sont pas au rendez-vous, évoquer les Tchétchènes, les Iroquois, ou les Patagons et, en désespoir de cause, le complot extérieur...
Pouvez-vous me rappeler quel était ce remuant ministre de l’Intérieur qui avait déclaré vouloir éliminer au karcher la racaille des banlieues, déclenchant ainsi une des vagues de violence les plus importantes de ces dernières années ?
N’est-ce pas le même qui s’était engagé à ce que plus aucune voiture ne soit brûlée ? Sa politique qui reposait sur un durcissement massif de la répression, une multiplication des contrôles de police et des fouilles aurait sans doute fini par obtenir les résultats escomptés si aujourd’hui les bandes n’en venaient à envahir le centre de Paris et à régler leurs comptes gare du Nord et sur les trottoirs de Pigalle.
Mais il est vrai qu’on nous annonce ce matin à la radio, que ce sont des bandes de « Tchétchènes », rien de moins... Bandits de Tchétchènes qui débarquent dans nos banlieues, sans doute pour « égorger nos femmes et nos enfants ».
Evidemment la politique répressive était bonne et les résultats que présentaient les statistiques gouvernementales étaient excellents, mais c’était compter sans les Tchétchènes... Au fait, pouvez-vous me rappeler quel était le ministre, qui me semble-t-il occupe maintenant d’autres fonctions, qui a durci les conditions d’immigration et multiplié les expulsions d’étrangers et les reconduites aux frontières ? Est-ce à dire que ses lois si rigoureuses ne s’appliquaient pas aux Tchétchènes ?
Je n’y comprends plus rien. Je pensais que toutes ces lois, cette surveillance, cette rigueur et parfois ces bavures nous mettaient à l’abri des combats de rues...
Pouvez-vous me dire qui était ce ministre des Finances, qui a cautionné la politique libérale des gouvernements auxquels il a participé, qui maintenant promu à une autre magistrature ne cesse d’exiger des sacrifices aux salariés, de détruire leurs conditions de travail, casse le Code du travail, donne toute latitude aux employeurs pour licencier, ouvre des brèches dans la protection sociale, veut supprimer des dizaines de milliers de postes dans la fonction publique, multiplie les avantages à l’égard des entreprises et des patrons qu’il veut mettre à l’abri des soucis judiciaires ?
L’annonce faite d’une croissance à 1,8 % ne semble pas à la mesure des cadeaux faits d’un côté et des sacrifices demandés de l’autre... Encore un coup des Tchétchènes ?
Heureusement, on a les solutions dans les deux cas. Pour les bagarres de voyous, facile, il suffit d’encore plus de répression, de contrôles de police multipliés, de plus d’emprisonnements, et de lois nouvelles dans le but d’alourdir sérieusement les peines.
Pour l’insuffisance de la croissance, je crois qu’il faut baisser drastiquement le coût de la main-d’oeuvre (saloperie de main-d’oeuvre, l’autre plaie du monde avec les Tchétchènes), multiplier les licenciements et les suppressions de postes, supprimer les charges sociales, obliger les salariés à augmenter leur temps de travail jusqu’à un âge canonique, et surtout faire des cadeaux aux riches, encore plus de cadeaux... Que diriez-vous d’un autre bouclier fiscal ?
Quand les résultats escomptés ne sont pas au rendez-vous, il faut toujours aller plus loin dans les mesures qui n’ont pas marché... Jusqu’au bout...
En fin de compte si cela ne marche pas, c’est à cause du complot extérieur.
Rappelez-vous Enver Hodja et les champs albanais truffés de blockhaus pour empêcher le débarquement de l’ennemi extérieur lequel s’ingéniait à empêcher, malgré le génie du chef, le radieux développement du pays.
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