Victoire des Gilets Jaunes par chaos ?
La situation engendrée par la survenue de la pandémie du Covid-19 a mis le pouvoir en situation difficile. Il doit désormais composer avec la population qu’il refusait d’entendre jusqu’ici. Cela apparaît comme une victoire par chaos des Gilets jaunes confinés.
Victoire des Gilets Jaunes par chaos ?
Plongés que nous sommes dans ce bain médiatique anxiogène de la pandémie du Covid-19, nous perdons sans doute un peu de notre capacité à remettre les évènements à leur juste place.
J’éprouve tout à coup le besoin de faire un pas de côté, et je ne peux m’empêcher de sourire…
Nous sommes un certain nombre de Français, certes jusqu’ici ni majoritaires, ni unanimes (j’en ai parfaitement conscience), à dire depuis des années que ça ne va pas pouvoir durer... et pourtant !
Souvenez-vous ce que nous avons déjà vécu :
Le dernier mandat de Chirac qui, lui, laissait les choses aller en pente douce…
Puis la sidération provoquée par l’avalanche des réformes, lois, décisions, déclarations sous Sarkozy.
L’espérance déçue du mandat Hollande, qui a poursuivi le mouvement de destruction de la classe moyenne.
Et enfin l’arrivée par effraction de Macron, promu par le média et élu par défaut (pour ne pas dire par absence d’opposition, voire par abstention), qui lui, accomplit les derniers gestes en effectuant un bradage en règle de notre richesse nationale, une destruction des institutions les plus protectrices du peuple, qui méprise et même insulte le peuple laborieux et entend le convertir de force à l’hyper-libéralisme voulu par ses maîtres.
Au fil du temps, Il y a bien eu de nombreuses protestations, grèves, manifestations, mais elles n’ont jamais été prises en considération par le pouvoir, et le peuple a dû, à chaque fois ravaler sa colère et subir.
Tout au long de ces mandats, les protestations, pourtant presque quotidiennes, ont souvent été parcellaires, corporatistes ou professionnelles, fragmentées, parisiennes, etc., tant le gouvernement a pris soin de diviser la population pour éviter un effet de masse qui l’aurait contraint à reculer.
Dans le même temps, et avec un machiavélisme soutenu par les gouvernements successifs, le patronat, acquis aux idées hyper-libérales, a depuis plus d’une quinzaine d’années, déplacé systématiquement le curseur du profit des entreprises en faveur de l’augmentation des dividendes et des hauts salaires au détriment des autres salariés, si bien que les salaires faibles à moyens ont stagné. Conséquence une course effrénée des familles à bas salaire pour « remplir leur frigo », une baisse de la préoccupation politique, et surtout de la combativité à défendre ce qui lui était consciencieusement enlevé morceau par morceau.
Ceci sans parler de la hausse progressive du chômage et de l’emploi, désormais précarisé dans la même période, pour ne pas dire « en même temps ».
Pendant ce temps, toutes les manifestations et mobilisations qui ont eu lieu ont non seulement été vaines, mais aussi très décourageantes, car sans résultat et dédaigneusement ignorées du gouvernement, amoindrissant progressivement la combativité populaire.
Le peuple a finalement bien compris que le pouvoir avait décidé de se passer de son avis.
Au passage, il est frappant de constater que dans la Constitution, telle qu’elle est aujourd’hui, le peuple ne dispose d’aucun moyen d’action pour exprimer ses volontés au pouvoir en place. Il a progressivement été verrouillé, bâillonné, sauf à faire passer ses volontés par ses représentants, les députés et dans une moindre mesure, les sénateurs.
La composition de l’Assemblée Nationale, en origine professionnelle et en compétences, comme en répartition majoritaire suffit pour démontrer l’inefficacité de ce canal pour assurer une communication fluide et harmonieuse entre l’exécutif et le peuple.
Dès lors, que reste-t-il au peuple pour se faire entendre (un comble dans un régime qui n’a que le mot « démocratie » à la bouche, ce qui constitue d’ailleurs un aveu de tromperie délibérée…) ? : la révolte, la révolution ou la guerre civile.
Même si la contestation est assez générale, La révolution n’est pas à l’ordre du jour, et c’est heureux, car ce n’est jamais une promenade de santé. Il faut tout de même espérer que les besoins d’évolution manifestés par le peuple fassent l’objet d’une prise en compte sans qu’il soit besoin de passer par une phase d’affrontement.
La guerre civile ? L’attitude particulièrement solidaire des Français autour des travailleurs dans la récente crise du coronavirus, semble en écarter le spectre, on peut s’en féliciter car la menace montait.
La révolte ? Elle a eu cours sur plus d’un an, chaque samedi, avec l’action de Gilets Jaunes, même si elle continue de gronder en sourdine. Une révolte non violente (malgré les mutilations infligées par les forces de l’ordre), inventive et semble-t-il majoritairement soutenue par les Français, en dépit des inévitables inconvénients qu’ils subissent (commerces fermés, dégradations...).
Le pouvoir s’est ingénié à vouloir la rendre impopulaire sans y parvenir, par des provocations, des infiltrations, etc. Parallèlement, il a choisi l’intimidation allant jusqu’aux mutilations, recourant à l’usage d’armes létales.
Au bout du compte, le gouvernement a seulement lâché quelques mesures, ne répondant que très partiellement aux besoins exprimés par les Gilets jaunes, puisque le mouvement s’est poursuivi jusqu’ici.
Parvenu à ce stade, et vue du pouvoir, la partie semblait gagnée.
Le peuple, éborgné, mutilé, ignoré, paraissait mûr pour la phase autoritaire : application de l’article 49-3 pour imposer aux salariés une réforme des retraites majoritairement rejetée, instauration d’une dictature molle…
Malgré les revendications de la population dans toutes ses composantes, y compris non exclusivement salariées, ce qui est notable, puisque la précarité atteint désormais aussi des couches sociales autrefois plus privilégiées, voire des petits patrons, aucune réaction suffisamment puissante ne se dessinait pour faire reculer le pouvoir.
Le mouvement des Gilets Jaunes, bien que toujours populaire, opiniâtre et soutenu, commençait à s’épuiser.
Pas de convergence des luttes en vue, la division bourgeoise savamment appliquée faisait son œuvre, le ciel semblait serein…
Et soudain, le coup de tonnerre de la pandémie a éclaté. La « grippette » négligemment considérée par les autorités a renversé la table…
Je ne reviendrai pas sur les souffrances que nombreux de nos concitoyens endurent, la douleur que la maladie et la perte d’êtres chers occasionne. Je m’incline sincèrement devant la souffrance des familles.
Mon propos n’est pas de les ignorer car les dégâts sont lourds, mais je voudrais me centrer sur les conséquences politiques de l’apparition du Covid-19
En effet, l’ironie de l’histoire, c’est que ce grain de sable a grippé (c’est bien le terme !) toute la machine en marche.
Sans avoir eu à sortir du confinement, il se pourrait que ce soit les Gilets Jaunes qui aient gagné.
Aucune action revendicatrice du pays n’en est à l’origine. Le gouvernement s’est piégé tout seul, par imprévoyance, mépris, incompétence… dans le traitement de cette épreuve imposée par l’extérieur.
Il a été contrait finalement de réaliser la seule action efficace que les mouvements de protestation ne pouvaient imaginer mettre en place pour gagner : le blocage économique du pays, au travers du « confinement », ce qui obligera in-fine à des révisions drastiques dans de nombreux domaines.
Pourtant, au départ, le confinement paraissait une aubaine pour l’exécutif : en cantonnant toute la population à domicile, on provoquait la disparition des mouvements sociaux, c’était la situation rêvée.
Ce qui n’était pas prévu, c’est que les choses ont tourné progressivement au cauchemar. Pas seulement sur un plan intérieur, mais plus largement aussi jusqu’au niveau mondial.
Malheureusement, tout a joué pour sur-aggraver les dramatiques effets de cette pandémie : La réduction continue de l’offre hospitalière dans le pays depuis des décennies, la fatigue et la surcharge déjà connues du personnel hospitalier, le manque de matériels essentiels, l’absence d’anticipation des autorités, l’incurie, l’incompétence, les lenteurs des prises de décision, la peur des conséquences, les interventions contradictoires des milieux scientifiques, médicaux et du gouvernement…
Les difficultés à surmonter ont été nombreuses.
Pourtant, nous avons assisté à une magnifique mobilisation, véritablement historique, saluée par tous, du personnel de santé.
Grace aussi à la solidarité très forte de l’ensemble des professions et aux chaleureuses initiatives individuelles ou collectives, à ce jour, le pays tient.
Le résultat, il faut malheureusement le reconnaître, c’est une situation calamiteuse pour un pays qui déclarait haut et fort disposer d’un système de santé que le monde nous enviait ! Si l’on en croît les chiffres officiels, le bilan actuel de la mortalité par millions d’habitants est un des plus lourd de la planète.[1]
Sans le reconnaître, le gouvernement a bien dû lui-même annoncer par la voix du premier ministre : « après le confinement, rien ne sera plus comme avant ».
Oui, mais encore ? Jusqu’où iront les remises en question ?
La crise sanitaire est certes jugée importante, mais aux yeux du gouvernement, il semble que cette préoccupation soit éclipsée par la crise économique, qui n’est qu’à son début, risquant d’obérer la fin du quinquennat et à plus court terme, la fin du confinement, qui s’annonce chaotique.
La population attend des changements politiques majeurs, alors que le gouvernement pourrait vouloir se limiter à des améliorations du système hospitalier et à un soutien de l’économie pour le redémarrage.
Une fenêtre d’opportunité s’est ouverte. Il faut agir sans tarder. De nouvelles et âpres discussions, voire confrontations, sont donc à prévoir.
Il ne faudra pas manquer cette opportunité historique, bien que nous soyons particulièrement mal équipés en ce moment : où sont les penseurs politiques, les intellectuels, sur les réflexions desquels s’appuyer ? Les idéologies (le mot est désormais tabou) capables de guider notre réflexion ?
Ainsi Le moment est opportun pour dresser la liste des changements majeurs souhaités par la population, et que cette crise a révélés.
Qu’en sera-t-il de la souveraineté financière du pays ?
Souveraineté sur la monnaie, sans laquelle rien n’est vraiment possible (sortie de l’Euro). Peu de chance qu’on la rétablisse, si l’on reste dans l’UE, et la sortie ne semble pas figurer dans l’agenda macronien…
Le moment est opportun pour sortir de l’UE, de l’Otan. Ces institutions sont affaiblies dans la période actuelle, et bien que la cage soit verrouillée par des traités, l’évolution catastrophique de la situation risque d’entraîner une sortie naturelle.
Et les changements politiques : nouvelle Constitution sous contrôle populaire, RIC en toute matière… pourrons-nous l’imposer, sous quelle forme ?
Le contrôle des flux financiers vers les paradis fiscaux, l’imposition des multinationales, la justice fiscale ?
La relocalisation des activités stratégiques non dé-localisables est-elle envisageable, et à quel terme ?
Et, pour l’immédiat, effort national sur le rétablissement d’un service hospitalier et médical conforme aux besoins de l’ensemble de la population.
Ces grandes questions seront désormais sur la table, comme d’autres, et tout se passe comme si les Gilets Jaunes avaient finalement gagné. Il va falloir cette fois revoir quantité de choses, y compris sans doute le choix de ceux qui pourront conduire ces changements…
Dès la sortie de la pandémie. Il faudra impérativement saisir cette opportunité car elle ne se présentera peut-être plus avant de nombreuses années et si l’occasion est manquée, la chape de plomb risque d’être bientôt plus lourde encore !!!
Reste donc au peuple à ne pas trop fêter le dé-confinement, à préparer l’après pour pouvoir imposer ses changements après avoir écouté de si jolies promesses… mais fort imprécises.
Mettons à profit le délai qui nous reste avant le décloisonnement. Après… ?
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