Victoires du FN : oeuvre posthume du « mégrétisme » ?

Ainsi le Front National relooké de Marine Le Pen a réussi son pari, gagner une douzaine de communes aux élections municipales. Un record. Si l'on met de côté le contexte économique et politique favorable aux "extrêmes," force est de constater que ces victoires sont aussi le fruit d'une révolution stratégique imposée par les proches de Marine, en se basant sur un modèle qui a déjà servi par le passé...

Revenons vingt ans en arrière. Le Pen père règne sur l'entreprise familiale FN grâce notamment au travail militant réalisé par un de ses proches, transfuge du RPR et des comités d'action républicaine, Bruno Mégret. Un homme ambitieux (ce n'est pas péjoratif en politique) et pragmatique qui sait que la conquête du pouvoir est impossible sans alliés. Un fin politique qui a aussi compris que Le Pen ne vise pas le pouvoir réel mais seulement des places confortables et que les provocations à répétition, ainsi que la présence de nazillons au sein du FN, constituent un frein au développement du parti. On connait la suite : scission, partition du Front...

Il ne faut pas oublier que seuls Mégret et ses proches ont conquis des villes dans les années 90. Vitrolles, Orange, Marignane... conquises par un travail de terrain et la recherche d'alliés sur le plan local. Seule Toulon fut prise par un proche de Le Pen, un autre Jean-Marie (Le Chevallier), suite à une triangulaire. La pitoyable gestion de ce dernier allait lui coûter une descente à 8% des voix six ans plus tard. 

Pourquoi ressortir Bruno Mégret du placard où il s'est rangé ? Parce que c'est sa logique que Philippot, Collard et autres lieutenants marinistes ont appliqué. Exclusion des cinglés, intégration de déçus de tous bords et surtout recherche d'alliances. Soutien à des candidats atypiques comme Robert Ménard à Béziers. Elaboration de programmes municipaux et militantisme de terrain. On est loin, très loin de la conception purement médiatique de la politique chère à JM Le Pen... Mégret a certainement ri jaune dimanche soir devant sa télévision.

Rendons donc à César ce qui lui appartient. Il y a en outre de nombreuses différences entre Mégret et Papy Le Pen. Le premier était issu de polytechnique et fut gaulliste républicain avant de se "radicaliser". Il était capable d'élaborer un programme de gouvernement, de faire preuve de lucidité. Ainsi son éphémère parti, le MNR, était contre la sortie de l'euro par réalisme économique. Le second s'est formé à l'école Poujade, là où on rouspète à défaut d'agir concrètement, est amateur de bonne bouffe et de bonne chair, bon orateur mais limité en culture économique ; il ne faisait que vendre du nationalisme pour se faire élire à des places sympas et vivre sans travailler. Deux conceptions des choses...

Marine Le Pen est donc plus "mégrétiste" que "lepéniste". Ses amis élus feront de la réalpolitik, rien d'autre. Du divers droite, comme Jacques Bompard à Orange. Pas de quoi exciter un "antifa". Sans doute couperont-ils les subventions bidons accordées aux associations fantômes liées à leurs prédécesseurs. On ne pourra qu'approuver, à la condition qu'ils ne reversent pas l'oseille aux anciens de l'Algérie française ou aux associations anti-IVG. Il s'agit d'être cohérent...

Dernière chose : Mégret aimait s'entourer de jeunes. La jeunesse, c'est l'avenir. Rachline à Fréjus, Sanchez à Beaucaire... on est loin là-encore des anciens paras de la génération Jean-Marie. La république ne peut que s'en féliciter. Je ne vous cache pas que je pense que ce sont les hommes qui comptent, pas les idées. Que préférez-vous : un collègue qui a vos idées mais qui est fainéant et incapable ou un collègue d'un autre bord politique capable et dynamique ? J'espère pour vous que vous préférez travailler avec le second ; sinon je vous plains car vos préjugés doivent vous rendre la vie difficile au quotidien...