Victor Hugo : « A en croire les religions, Dieu est né rôtisseur »
A certains moments de faiblesse, l’homme, du moins certains hommes, ont besoin de soutien et d’aide ; ont besoin de quelque chose sur quoi s’appuyer. Les religions, magnanimes et plein de bonté (divine, sans jeu de mots !) surviennent alors pour réconforter les impétrants ! Elles promettent bien évidemment le paradis (mais, après la mort), la plénitude (mais, après le vide sidéral dans lequel les hommes en question se trouvent), la richesse intellectuelle et physique (mais, après le marasme quotidien dans lequel ils se baignent).
Si l’intéressé cède aux sirènes et aux mirages promis, c’est parfait ! Un fidèle de plus (fidèle au sens canin du terme !) à essorer pour le bien de son âme dans le paradis de dieu, de tous les dieux !
Si par malheur, le fidèle en question se révèle infidèle, alors les problèmes commencent : Enfer, éternelle damnation, exclusion du corps des fidèles (même Spinoza en a fait les frais en son temps), punition divine, eau bouillante et sel sur les plaies purulentes, écorchures de l’âme et du corps… je pourrais continuer longtemps l’énumération des supplices et autres tortures de l’esprit et du corps auxquels sont soumis les récalcitrants à l’autorité religieuse, que dis-je, divine !
Bien évidemment, ce qui précède n’est pas nouveau ; plein de gens de toutes cultures et origines, l’ont déjà dit et développé. Cependant, quand on voit la tournure que prennent les conflits aujourd’hui, il me semble plus que nécessaire de le rappeler et de le placer dans le contexte historique. Car, le fait religieux est pratiquement toujours présent et instrumentalisé jusqu’à saturation. Même les religions à un moment de leur évolution ont fait leur aggiornamento (forcées le plus souvent), redeviennent inflexibles, dogmatiques et exclusives…
Me vient ici à l’esprit une brève pensée de Victor Hugo, qui résume parfaitement la situation : « Enfer chrétien, du feu. Enfer païen, du feu. Enfer mahométan, du feu. Enfer indou, des flammes. A en croire les religions, Dieu est né rôtisseur. »
Reprenons brièvement l’histoire. L'enfer, du latin infernus (« qui est en dessous »), est, selon de nombreuses religions, un lieu de souffrance pour les morts, souffrance aussi bien du corps que de l'esprit. Cette souffrance résulte des « crimes » que la personne a commis durant sa vie terrestre.
Si la définition de l'enfer et ses caractéristiques sont variables d'une religion à l'autre et sont parfois sujettes à différentes interprétations au sein d'une même religion, les principales d’entre elles s’accordent sur le fait que l’élément fondamental de cette souffrance provient du feu.
L’enfer donc, est lié au feu destructeur. Il est situé à un endroit terrible, placé généralement sous terre.
Les premières traces de l'enfer sont mésopotamiennes et datent d’environ 2 000 ans av. J.-C.[1]. Du coup, tous les peuples mésopotamiens avaient leur enfer !
Ensuite, le premier philosophe grec à avoir décrit l’enfer fut Platon[2]. Dans La République, il décrivait l’enfer, le purgatoire et le paradis. Ce mythe a exercé une influence considérable sur la culture après avoir été intégré par l'église au dogme chrétien, dont il contribuera à consolider le pouvoir temporaire, car, au fond, la véritable histoire de l’enfer et du paradis réside dans cette notion : les élites dirigeantes instrumentalisent cette notion pour maintenir et perpétuer les rapports sociaux et économiques (en leur faveur) faisant planer sur la tête des gens la menace de tourments éternels pour les récalcitrants. Ces élites, politico-économico-religieuses, promettaient le paradis éternel, mais…dans l’au-delà, à ceux qui acceptaient l’état des faits et leur exploitation. Je ne crois pas qu’il ait été trouvé meilleur slogan publicitaire depuis !
Le judaïsme, lui aussi, sous l’influence d’autres cultures, dont principalement la grecque, a évolué vers une conception de l’enfer ressemblant à celle décrite plus haut. De même, le Coran évoque ce feu comme un châtiment avant tout corporel. Le Coran, comme différentes sources juives, évoque également une obscurité. Il évoque aussi d'autres tourments comme l'eau bouillante dans laquelle sont jetés les damnés ou les vents pestilentiels.
Ces ressemblances sont expliquées par le fait que toutes les religions monothéistes ont emprunté aux précédentes de nombreux faits afin de mieux s’imposer auprès des fidèles qu’elles souhaitaient enrôler.
Dans cette évolution, les croyances préexistantes, le chamanisme, le paganisme, le polythéisme, ont été pillées, d’où la réminiscence et la constance de cet héritage dans les nouvelles religions (Les prophètes, saints et martyrs, par exemple ayant les mêmes caractéristiques - ou presque - que leurs prédécesseurs d’autres religions).
Au-delà même du syncrétisme qui s’est opéré entre les différentes religions et courants de pensée sur lesquels sont fondées toutes les religions - qu’elles soient monothéistes ou polythéistes - pour maintenir l’homme dans le droit chemin (d’aucuns diront celui de la loi de la classe dominante), possèdent la même pratique : Le mariage du pouvoir et de l’idéologie dominante a toujours été primordial pour le maintien de ce pouvoir et la pérennisation des relations socioéconomiques en vigueur.
De nombreux exemples historiques, nous montrent que le chef suprême est également le grand-prêtre ou le pontife. En tous cas, il est toujours le régulateur du religieux. De l’Égypte où le Pharaon était le chef religieux suprême, à Rome où l’empereur était également le Pontifex maximus jusqu’à Byzance où l’empereur était le régulateur de la religion, les exemples ne manquent pas.
Je me répète : je pense profondément qu’il faut rappeler ces faits constamment, afin de ne pas oublier que si « Dieu est né rôtisseur », c’est pour mieux cuisiner les exploités de tous les pays…
21 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON