Viktor Bout et les USA, ou Mickey dans Fantasia (8) Un petit détour par Lille
Et puis, dans mes recherches sur Viktor Bout, au détour d’un livre hélas bien trop méconnu, je suis tombé sur un épisode nordiste de la saga du vendeur d’armes. Un épisode qui s’est passé à l’aéroport de Lille-Lesquin, en 1985, au plus fort du conflit Iran-Irak, qui, par bien des côtés va ressembler à la guerre 1914-1918, les deux armées, assez dépourvues de moyens aériens se retrouvant à se faire une guerre de tranchées effroyable ; ou tout a été essayé, ou réutilisé, tel le « fameux » gaz moutarde ! Pour approvisionner les deux belligérants, tout un système quasi-mafieux de vente d’armes va se mettre en place avec ce qu’on va appeler « le Cartel des Poudres », la réunion des plus grands producteurs européens de poudre à canon, dans lequel la France va avoir une part prépondérante. C’est ainsi qu’un jour un vieux Boeing va faire son apparition à Lesquin. Un avion de Santa Lucia, société où la CIA est plus que présente et qui bénéficie du soutien de de bon Viktor... ce transport incongru, en prime, n’aurait pas eu lieu si en Europe les mois de juillet et août n’avaient pas été des mois de congés payés : c’est l’autre aberration de cet épisode.
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Le conflit est un gouffre financier pour les deux pays comme notent si justement Walter de Bock et Jean Charles Deniau dans leur formidable livre "Des armes pour l’Iran". Ils vont s’y ruiner tous deux. Une vraie mine, ce livre, un des rares ouvrages sur la question des livraisons européennes d’armes pendant le conflit dévastateur Iran-Irak. Une mine de révélations, aussi. Car c’est un conflit qui nous concerne, au premier chef, car la France, via la SNPE fera partie du "cartel des poudres" unissant divers pays créé par Karl-Eric Schmitz pour vendre au mieux de la poudre noire aux deux bélligérants. Cette poudre et des armes sont passées par Zaventem, Ostende mais aussi par Lille, comme le décrivent les deux auteurs.. Enorme révélation ! Nous allons emprunter de larges pans à l’ouvrage, tant il décrit avec brio le système que l’on vous explique depuis cinq épisodes déjà : tout d’abord la scène hallucinante du conflit.
"Lorsqu’en 1983, les experts occidentaux parlent d’enlisement de la guerre, ils ne croient pas si bien dire. Trois ans après le déclenchement des hostilités, à quelques modifications territoriales près, le conflit Iran-Irak stagne (...) Malgré ses efforts Rouollah Khomeyni ne pourra reconquérir les lieux saints de l’islam chiite que sont Nadjaf et Kerbala en Irak. Les attaques « Aurore » se déroulent selon un scénario immuable. L’artillerie lourde lance un tir de barrage en préparation pendant que les avant-postes cisaillent les barbelés et font sauter les mines pour faciliter la progression des fantassins qui arrivent ensuite. Peu de blindés, pas d’aviation, des cohortes d’hommes à pied montant à l’assaut de citadelles de sable en traversant des champs de mines. Les Irakiens, enterrés, attendent et repoussent la plupart du temps l’attaque. Les deux armées utilisent du matériel des années 80 pour mener une guerre qui ne dépayserait pas les poilus de la Somme (...) Petit à petit la tactique des « vagues d’assaut humaines », aussi meurtrières que vaines, va faire place à des « opérations ponctuelles limitées ». Cela veut dire que l’Iran renonce aux grandes offensives qui devaient abattre le régime de Saddam Hussein « comme un château de cartes ».
Face à cet enfer, les deux bélligérants achètent des quantités astronomiques de poudre et d’obus. "Le rapport du SiPRI suédois (institut international de recherches sur la paix) fait état pour les années 1983 et 1984 d’un accroissement considérable du nombre des pays fournisseurs d’armes et de munitions aux deux belligérants. L’Irak a reçu en 1984 ses approvisionnements de dix-huit pays différents contre trois en 1979 et l’Iran est alimenté par dix-sept pays contre cinq auparavant. Les experts du SiPRI remarquent que l’Iran reçoit ses armes aussi bien d’Israël que de Libye, de Syrie et de Corée du Nord. Ce qu’ils ignorent sans doute, c’est que ces trois pays ne servent que de transitaires, moyennant finance, à de l’armement occidental, principalement européen." A noter les livraisons israéliennes, notamment en missiles sophistiqués et en roquettes Grad... les mêmes, datant du même âge, montrées récemment sur un port israélien (nous y reviendrons également).
On va même aller plus loin : "Il a été montré que la Grande-Bretagne avait exporté du thiodiglycol, le précurseur du gaz moutarde et du chlorure de thionyle, le précurseur des gaz neurotoxiques, qui ont été tous deux utilisés dans une attaque chimique à grande échelle contre l’Iran pendant la guerre Iran-Irak par le régime de Saddam Hussein (...) Le 21 Mars 1986, le Conseil de sécurité des Nations Unies a reconnu que "des Armes chimiques ont été utilisées à de nombreuses reprises par les forces irakiennes contre les forces iraniennes, mais le Royaume-Uni est resté inébranlable et s’est abstenu de voter ou de condamner les d’armes chimiques du programme Irakien. Ironiquement, en 2003, le Royaume-Uni a utilisé cette excuse pour envahir l’Irak".
"En 1985, ce conflit est devenu le plus long conflit conventionnel depuis la Seconde Guerre mondiale. Bloquées à terre, les deux armées déclenchent l’escalade dans les airs, c’est la"guerre des villes", ou sur mer en essayant à tout prix d’internationaliser le conflit d’où la "guerre des pétroliers "au cours de laquelle trente-huit navires seront détruits ou endommagés en 1985. Enfin durant l’été 1985, l’Irak va attaquer le terminal pétrolier de Kharg, par où transite 90 % des exportations de pétrole iranien. L’objectif, qui est d’asphyxier économiquement l’ennemi, ne se réalisera pas, bien que les dégâts causés soient importants. Le SIPRI note pour cette année 1985 l’apparition massive de nouveaux fournisseurs sur le marché lucratif du conflit Iran-Irak : le Brésil, l’Argentine, Taiwan. Ces pays, déjà remarqués les années précédentes, se taillent cette fois une place de choix au box office des marchands d’armes officiels. Ils sont moins chers, acceptent des conditions commerciales moins rigides et ne posent pas de questions. Les pays industrialisés ont-ils joué les apprentis sorciers en transférant leurs technologies dans ces pays qui produisentmaintenant à moindre prix les mêmes produits qu’eux ?"...
Et les stocks, il faut bien les acheminer. Bizarrement, c’est en Europe du Nord que ça va se passer :)-à Ostende, on l’a vu, mais aussi à... Lille. "Dans l’après-midi du 24 juillet 1985, un Boeing 707 décolle de l’aéroport de Lesquin près de Lille, dans le Nord de la France. Quelques heures plus tard, en pleine nuit, il touche la piste de l’aéroport iranien de Chahbahar près de Téhéran. Les services de sécurité y sont aux aguets. Cela fait plusieurs jours qu’ils attendent l’atterrissage de cet avion et ses numéros, NI4AZ et 9G-ACX, leur sont connus depuis une semaine grâce au ministère iranien de la défense. A peine arrêté en bout de piste, l’appareil est entouré par des militaires. Près de 25 tonnes de poudre sortent du Boeing qui est loué par la société Santa Lucia Airways. Les Iraniens recensent notamment près de 11 tonnes de poudre-propulseur pour munitions de calibre 35 mm. Il y a aussi près de 7 tonnes de poudre pour balles et quelques autres composants pour la fabrication de munitions diverses.Au même moment, à Anvers en Belgique, André Bract, l’administrateur-délégué de la sdciété Transammo, spécialisée dans le transport de munitions et d’explosifs, établit la facture de l’opération. C’est lui qui a organisé l’acheminement vers Lille, en camions, de la poudre, depuis les usines PRB, en Belgique, et Muiden-Chemie aux Pays-Bas. Cette facture doit être envoyée à une société suédoise du nom de Scanco appartenant à Karl-Eric Schmitz, un homme d’affaires qu’il connaît fort bien. André Bract sait parfaitement que la poudre était destinée à l’Iran. Et il n’a pas été troublé non plus quand il a jeté un coup d’oeil aux documents qui l’accompagnaient".
Le numéro cité par les auteurs prêtera aussi à confusion : le 9G-AXC (et non 9G-ACX !) est un DC8, mais on le trouvait cet été 2010 encore à Ostende, aux couleurs de Meridian Airways, et juste aux côtés d’un Boeing en cours de démontage final. Meridian Airways, une firme ghanéenne sise à Ostende et qui ne trompe personne... c’est l’ancienne Air Charter Express, (ACE) fondée en 2005 (vu ici à Ostende en 2008 et en vol ici) avec ses deux DC-8 employés par le British Ministry of Defence sur la base de RAF Lyneham.. pour ravitailler l’Irak ! Les deux DC-8, depuis cet été, sont blacklistés et interdits de vol en Belgique pour défauts de maintenance répétés ! Or, à bien regarder, les fameux "Meridian" (bien entretenus pourtant !) ne sont autres que les non moins fameux "Ace Cargos" ceux d’une firme dont le siège est dans l’Arkansas... sur le Little Rock Municipal Airport. En fait, on trouve pourtant bien un 707 au même indicatif donné par les auteurs : l’ancien de la "West Africa Airline", photographié ici à Mulhouse. C’est bien un cargo. Que l’on retrouvera sous les noms de Seagreen en 1994, et d’une firme "inconnue" des Caraïbes en 1987... on ne lui avait repeint alors que la queue : c’est pour y couvrir le logo de Santa Lucia Airways ! A Bruxelles, en 1986, sous on numéro de NI4AZ, il arborait le bon encore de Santa Lucia... Seagreen, la firme de David Paul Tokoph et son frère Gary ! Que tout cela est bien imbriqué ! Jonglages de numéros et de logos, avions dont on ne repeint que la queue ou dont on efface le sigle sur le fuselage : du grand Bout !
Selon beaucoup, Rossignol est un trafiquant bien protégé, comme je vous le disait déjà il y a deux ans : "ex-avocat et pilote issu des milieux d’extrême-droite – mais dire de mercenaires et de trafiquants d’armes qu’ils sont issus de l’extrême droite, c’est souvent un pléonasme". Ronald Rossignol a été arrêté en France en 1984, accusé d’une banqueroute frauduleuse de quelque 130 millions de FF. Il était en affaires avec Mobutu. Et pourtant il disposait du plus vaste hangar de l’aéroport d’Ostende, à côté de la tour de contrôle ; sa cause était ardemment défendue par un haut respon sable de l’aéroport, Paul Waterlot. Son père était un proche collaborateur du ministre de la Défense belge, Paul Van den Boeynants ». » Une commission d’enquête du Sénat belge avait expliqué la difficulté de l’enquête sur les trafics de Rossignol par l’opacité des diverses contributions : le Boeing était loué par la branche ostendaise de la firme britannique ACS, soit Air Charter Service. L’avion, parti à vide d’Ostende, était piloté par un Américain et un Britannique et la transaction fut organisée par la compagnie Trans Balkan Cargo Service, basée à Amsterdam et utilisant les locaux ostendais d’ACS. ACS déclara avoir été trompée par la firme néerlandaise et, selon des experts militaires, le matériel exporté pourrait être un système bulgare de missiles portables Igla". Nous allons les retrouver, ces fameux missiles...
Le système est rodé et c’est tout un montage sophistiqué, et cela passe par la fabrication de fausses commandes, nécessaires pour leurrer les douanes : "sur ces papiers il a. vu que la poudre venue de PRB était prétendument envoyée à une société près d’Athènes du nom d’Elviemek. Et que la marchandise qu’il est allé chercher chez Muiden-Chemie aux Pays-Bas était, apparemment, destinée au ministère de la défense de Belgrade. Curieuses cargaisons pour un• avion qui part de l’Iran ? Certainement pas pour André Braet qui jouit en Belgique, depuis de longues années, d’une sorte de monopole pour le transport de munitions. Le Belge est un homme-fige du Cartel dont les membres, aussi bien en Belgique, en Grande-Bretagne qu’aux Pays-Bas, apprécient la discrétion. Chaque fois que leur marchandise passe par la Belgique, à Zeebrugge, à Anvers et vers Lille ou Cherbourg, ils font appel à la Transammo. Ce qu’il fait aujourd’hui avec l’Iran, André Braet le faisait déjà dans les années 70 pour l’Afrique du Sud : remplir des docu-ments, régler les formalités douanières, puis envoyer la acture et, surtout, se taire. Avec lui, au moins, Karl-Eric Schmitz n’a pas besoin de faire semblant. Dans leur correspondance, ils parlent ouvertement de l’Iran, ce que les membres du Cartel évitent soigneusement. Ce rapport de confiance entre les deux hommes repose sur un petit secret : André Bract fabrique aussi, sous les ordres du Suédois, des faux en écriture pour duper les autorités belges, françaiseset espagnoles sur la destination réelle des fournitures du Cartel."
Karl-Eric Schmitz ne l’a pas inventée, la poudre, mais il en a été le roi ! Comme le raconte ici ean-Philippe Miginiac : "Les Douanes suédoises ont très bien expliqué le fonctionnement du Cartel. Y participaient les plus grands fabricants européens de " poudre ", Nobel en Suède, PRB en Belgique, SNPE en France, Nobel Explosives en Ecosse, Muiden Chemie en Hollande, Forcit et Kemira en Finlande, Rio Tinto et Snia Bdp en Italie, Vinnis en Suisse, Vass en Allemagne... qui, durant leurs repas d’affaire à Paris, Madrid, Genève ou Brugges, se partageaient les marchés. Au centre était Karl Erich Schmitz, l’organisateur, dont la tâche consistait à assurer les paiements et la logistique des livraisons afin de ne pas attirer l’attention des autorités. Comme l’expliqua lui-même Karl Erich Schmitz aux Douaniers suédois, la compagnie d’Etat Yougoslave, FDSP, acheta par exemple les quantité non-livrées par l’Afrique du Sud à des membres du cartel pour les livrer elle même à l’Iran... et pour ne pas attirer l’attention des autorités égyptiennes lors du passage du Canal de Suez, les cargaisons étaient sensées avoir pour destination le Kenya grâce à des faux certificats fournis par Karl Erich Schmitz. Les affaires étaient florissantes car Iran et Irak consommaient chacun à peu près, d’après les experts, dix fois la consommation des principales armées européennes en munitions d’artillerie lourde".
Dans ce livre étonnant encore, on découvre que le transport de poudre, un produit lourd, est passé aux avions après les containers pour une raison très étonnante : la subite pénurie de containers due aux... congés d"été des fournisseurs habituels ! "C’est la première fois que Karl-Eric Schmitz fait appel à une compagnie aérienne pour ses livraisons à l’Iran. En raison des congés annuels dans le secteur maritime, il a pris cette décision, à la demande insistante de Téhéran qui veut à tout prix éviter l’interruption des livraisons. La guerre, elle, ne prend pas de congés. Au cours de l’été 1985, il y aura en tout, à partir de la France, deux vols pour assurerla continuité du trafic avec le régime de l’imam Khomeyni. personnes qui l’ont fréquenté en Belgique. Entre mars et mai 1986, la Santa Lucia a transporté des armes, pour le compte de la CIA, jusqu’à la base militaire de Kamina au Zaire. Elles étaient, selon le New York Times, destinées aux rebelles angolais de 1’UNITA. Le 23 mai 1986, un Boeing de cette même compagnie a emmené Robert McFarlane, l’un des hommes clé de l’Irangate, au Proche-Orient. Un autre Boeing de la Santa Lucia a servi, en novembre 1985, puis deux fois en février 1987, à des transports d’armes vers l’Iran à partir de bases militaires américaines." Robert Mac Farlane, alors déjà en retraite, à bord d’un avion de la nébuleuse Victor Bout ? Les américains auraient donc déjà il y a 23 ans été complices, pour l’oublier 23 ans plus tard ?
Oui, et sans beaucoup de surprise, car les activités de ce dernier sont elles aussi au cœur du scandale des Contras. "McFarlane servait en qualité d’assistant au secrétaire d’État Alexander Haig, en 1981, comme il l’a écrit lui-même dans son livre "Taking the War to Nicaragua" et a dirigé la Restreint Inter-Agency Group (RIG) qui a formulé et exécuté les ordres de l’administration centrale de la politique américaine. Plus tard, en tant que National Security Adviser, McFarlane a exhorté Reagan à négocier un contrat d’armement avec des intermédiaires iraniens contre l’avis du secrétaire à la Défense Caspar Weinberger et le secrétaire d’État George Shultz. En mai 1986, après sa retraite, il a agi comme responsable de l’envoi de deux avions remplis de pièces d’armes livrées aux Iraniens. Lorsque le premier plan a échoué à gagner la coopération iranienne pour relâcher tous les otages, McFarlane a refusé d’effectuer le second plan et est retourné à les États-Unis où il a conseillé au président d’arrêter les livraisons. Quand les nouvelles de la mission secrète échouée a été publiée au Liban dans l’hebdomadaire Shiraa Al, avec des détails peu flatteurs et la confirmation de hauts responsables iraniens, le chef d’état-major de Donald Regan a tenté de raconter des histoires. McFarlane refusé de parler à la presse, mais a été secoué par l’accusation Reagan comme quoi il avait été l’agent unique derrière les transferts d’armes. McFarlane a rapidement envoyé un courriel à Poindexter le menaçant d’une poursuite en diffamation et avertissant qu’il "ne tolérerait pas les menaces de Don Reagan". Mac Farlane, lâché par Reagan aura une triste fin de carrière : Découragé, et plutôt lâché et injurié par ses anciens collègues, McFarlane a tenté de se suicider avec une surdose de Valium le 9 Février 1987, disant qu’il avait failli à son pays. En 1988, il a plaidé coupable à quatre chefs d’accusation, dont celui de délit d’avoir caché des sources au Congrès pour son rôle dans le cover-up de l’Iran-Contra. Il a été condamné à deux ans de probation et une amende de 20 000 dollars, mais a été gracié par le président George H.W. Bush la veille de Noël 1992 avec les autres acteurs clés dans le scandale, au cours de la période "tordue" de la présidence de Bush (père). Ah, grâcier les vieux amis, le privilège présidentiel préféré semble-t-il...
Pour transporter, ce sera donc parfois aussi des avions : Mais Karl Erich Schmitz était surtout un organisateur génial qui savait résoudre au mieux tous les problèmes de transport. Ainsi c’est le Wall Street Journal qui révélait en 1987 que pour assurer deux transports d’explosifs vers l’Iran en 1985, Karl Erich Schmitz avait utilisé les services de la compagnie aérienne " Santa Lucia Airways ". Le premier vol eut lieu le 24 Juillet 1985, transportant des explosifs de Muiden Chemie et PRB avec de faux certificats yougoslaves et grecs. Le second vol eut lieu le 14 Août de la même année, d’Israël vers Lille et de Lille vers l’Iran. Une commission d’enquête parlementaire belge confirmera en 1989 que Santa Lucia Airways, sous-traitant de la compagnie Belge Sabena, était bien connectée à des transports illégaux d’armes vers l’Iran et l’Angola.Santa Lucia Airways, aujourd’hui disparue, est une des compagnies aérienne connue pour ses liens étroits avec la CIA. Trois mois après Karl Erich Schmitz, d’ailleurs, Olivier North, le célèbre officier américain organisateur de l’affaire Iran-Contra avait en effet utilisé le même Boeing 707 de Santa Lucia Airways, immatriculé J6-SLF, pour livrer des missiles américains à l’Iran". C’est celui-là qui décollera de Lille-Lesquin ! Ici photographié à Ostende en avril 85, et à Bruxelles en mars 1987... avec sa peinture queue de Tradewinds, son propriétaire précédent en train de ressortir. A noter déjà la technique consistant à ne faire que reprendre une déco existante : ici, seule la queue avait été repeinte ! Viktor Bout n’a rien inventé et a appliqué les techniques de masquage de la CIA !
L’avion lillois utilisait le procédé de dissimulation en fausse facture décrit : son trajet indiqué n’est pas celui de la réalité. Et cela donne des choses rocambolesques devant les pandores de la République : "Selon les documents officiels, les deux appareils partis de Lille auraient atterri à Athènes. Mais le prix de la facture correspond exactement à celui d’un vol Lille-Téhéran, le quintuple du prix habituel pour la capitale grecque. Ces deux expéditions ont d’ailleurs causé des soucis à André Bract. Le 24 juillet, quand ses camions ont voulu franchir la frontière franco-belge à Ménin-Est, les douaniers français ont bien laissé passer les trois premiers véhicules, chargés de poudre, mais ils en ont stoppé un quatrième qui transportait quelques centaines de milliers de détonateurs destinés, eux aussi, à l’Iran. André. Bract a eu beau plaider qu’un avion attendait, les braves fonctionnaires sont restés sur leur position : en France des détonateurs ne peuvent être transportés que par train. Et comme il n’y a pas de liaison ferroviaire entre la frontière belge et l’aéroport de Lille-Lesquin.." Des douaniers qui participent aux transferts d’armes on aura tout vu dans cette affaire, comme le précisent un peu plus loin les auteurs...
Mais continuons ce savoureux récit :"le premier Boeing de la Santa Lucia est finalement parti avec la poudre du Cartel mais sans les détonateurs. Lors du second voyage vers Lille, les camions de la Transammo auraient été escortés par cinq gendarmes français, de la frontière à l’aéroport de Lesquin. André Bract mentionne ce fait sur la facture destinée à la Scanco. Le coût, explique-t-il, est de près de 100 dollars par gendarme. Ces serviteurs de la loi ne se sont certainement pas rendu compte qu’ils couvraient, ce jour-là, une opération de contrebande. Qui a fait appel à eux et pourquoi ? André Bract ment-il ? Mystère.La direction nationale des enquêtes douanières à Paris pourrait sans doute dire d’où venaient et où partaient réellement la poudre et les accessoires pour munitions qui ont été chargés dans ces avions mais elle s’est toujours montrée évasive, malgré les demandes officielles, des douanes belges en particulier. Et pourtant des conventions obligent les pays européens à coopérer dans de tels cas." Des avions de trafiquants escortés par la police nationale, avouez que c’est un comble !
Dans les deux Boeing de Lesquin il y a bien tout ce qu’il faut au final. "Une première partie des deux cargaisons a été officiellement fournie, comme on l’a dit, par la société belge PRB. Ils’agit, essentiellement, en dehors d’une tonne de poudre CBI, d’accessoires pour la fabrication de munitions, des détonateurs en particulier. Ce matériel a notamment pour origine un sous-traitant ouest-allemand, la Dynamit Nobel. La plus grande part des deux cargaisons était cependant composée de 28 tonnes de poudre venant de la société néerlandaise affiliée au Cartel, la Muiden-Chemie. Selon les factures de cette firme, il y avait dans’ le premier avion 6,9 tonnes de poudre Ml 155 mm et 11,9 tonnes de poudre 105 mm. Le solde a été transporté dans le second Boeing. Comme on l’a vu, ces 28 tonnes de poudre étaient prétendument destinées au ministère yougoslave de la défense à Belgrade qui a fourni, une fois de plus, un certificat de destination finale fictif. Cette filière yougoslave risque cependant d’être découverte à tout moment. Le 16 août 1985, Karl-Eric Schmitz s’en inquiète auprès de ses amis de Belgrade : "Les autorités belges ont demandé une confirmation que les marchandises, citées dans nos contrats, sont bien destinées à vous. Puisque nous venons de solliciter une licence d’exportation, il est important que vous apportiez cette confirmation. Sinon, on donnerait l’impression d’avoir, dès le début, préparé une opération de réexportation. Faites-nous savoir si vous pouvez nous fournir une déclaration dans ce sens". Le trafiquant s’affole. L’ingénieux système, celui d’un cartel des fournisseurs de poudre européens est éventé... quant à Karl Erich Schmitz, il ne sera pas perdu pour tout le monde, et surtout pas pour Jean-Louis Gergorin (? ??)... KES, et sa fameuse "European Association for the Study of Safety Problems in the Production of Propellant Powder" (EASSP)..."
Dans l’affaire de Lesquin, Bout, via la société écran Santa Lucia Airways de son ami Roy Reagan n’a joué qu’au transporteur : c’est Karl-Eric Schmitz le vendeur d’armes. Les profits faramineux qu’il engrange donnent envie à Victor Bout de faire de même : dès 1987, il est déjà tenté de ne plus être simple transporteur : il devient comme Karl-Eric Schmitz vendeur et livreur. L’occasion de faire davantage de profits encore : ce qu’il apporte est une solution clés en mains. A l’époque, une fois Schmitz grillé, il devient le seul à pouvoir le faire. Et comme Schmitz... "Santa Lucia Airways, aujourd’hui disparue, est une des compagnies aérienne connue pour ses liens étroits avec la CIA. Trois mois après Karl Erich Schmitz, d’ailleurs, Olivier North, le célèbre officier américain organisateur de l’affaire Iran-Contra avait en effet utilisé le même Boeing 707 de Santa Lucia Airways, immatriculé J6-SLF, pour livrer des missiles américains à l’Iran".
Claude Moniquet ne dit rien d’autre en définitive, même s’il se trompe sur l’Artic Sea : "les iraniens ont cherché à diversifier leurs approvisionnements dès 1984 : Le recours au trafic et aux achats illicites est né durant la guerre avec l’Irak et a été pratiqué de manière récurrente par Téhéran depuis les années 80 ainsi qu’en témoignent les quelques dossiers suivants ... 1984 : le Suédois Karl-Erik Schmitz organise un vaste réseau d’approvisionnement de l’Iran, en passant notamment par l’Italie et la France" .. suit la liste des fournisseurs, dans laquelle on retrouve des gens tels que Jacques Monsieur, arrêté aussi depuis aux USA. La France, citée dans le conflit, nous ramène au Rwanda, où les avions de Bout font des rotations pour l’armée française.... Avec les profits réalisés, Bout peut songer à moderniser sa flotte... mais cela nous le verrons plus tard...
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