Viktor Bout et les USA, ou Mickey dans Fantasia (17) : sous la protection des émirs
Il est impossible d’imaginer la longue carrière de Viktor Bout sans que ce dernier n’ait pu bénéficier de soutiens importants. Nous avons vu qu’il avait travaillé en accord avec la CIA à plusieurs reprises. Mais un autre soutien important est venu lorsqu’il a décidé de recentrer son activité d’Ostende à Sharjah, où il a bénéficié de protections supplémentaires et d’une plateforme sans égale pour trafiquer. L’aéroport est en effet hors-normes en tout : le droit qui s’y exerce n’a aucune mesure avec ce qui se passe ailleurs dans le monde. En résumé, une fois la taxe d’aéroport payé, vous y avez le droit de tout y faire et aucun contrôle ne s’y exerce. Et de cela, tout le monde en a profité. Les américains surtout, et l’OTAN, qui en ont fait une pièce essentielle de leur déploiement au Moyen-Orient. L’invasion de l’Irak décidée dans l’urgence manquait de tout ; d’aéroports de relais et d’avions. La base de Sharjah de Viktor bout allait leur offrir les deux.
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Victor Bout, dont les avions ont amené la majeure partie de ces engins de mort était donc déjà repérés depuis longtemps, bien avant même 2001. Mais on l’avait utilisé, alors on a du faire avec la découverte de ses autres trafics, sur lesquels ont a fermé les yeux. C’est devenu très vite hypocrite : "Au Conseil de Sécurité National, Gayle Smith, une voix officielle, fera plus tard un commentaire : « Vous voulez parler de menaces transnationales ? Nous avons eu l’Afrique de l’Est ( avec le bombardement d’al-Qaïda), le réchauffement climatique, et Victor Bout. " Pas un seul marchand d’armes organise des opérations de la taille de Bout, et ses liens avec les talibans et Al-Qaida sont préoccupantes. Mais Bout n’a pas d’entreprise aux États-Unis et ne brise donc pas les lois des États-Unis, alors l’équipe ne peut pas recueillir suffisamment de preuves pour émettre un mandat d’arrêt contre lui". Quel aveu : on sait qu’il fournit les armes aux talibans, mais on ne fait rien ? Le parcours de la dame, qui est toujours aujourd’hui à ce poste, est capable d’expliquer son faible empressement envers Victor Bout : "pendant l’administration Clinton, Mme Smith a été l’assistante du spécial du Président et le Directeur principal pour les Affaires africaines au NSC, en qualité d’administrateur principal et de chef d’état-major de l’Agence américaine pour le Développement international (l’USAID !)". Autrement dit quelqu’un qui n’a cessé elle-même d’avoir recours aux avions de Victor Bout !
Ce que disait Gayle, en prime était faux : Bout avait bien des actifs sur le territoire US, via une énième société écran". "Phoenix Aviation ausi connue sous le nom Phoenix Avia. Là encore un société à risques :"basée à Sharjah, Phoenix Avia aurait été « réorganisée en 2002 comme filiale de Phoenix Avia Gulf Ltd., proposant des services de location aux compagnies africaines (...) Elle dispose de cinq avions. Jusqu’au 28 mars 2006, elle en disposait de six. Quelques minutes après son décollage de Téhéran, son Antonov 12BK (EK-46741) tente un atterrissage d’urgence, et s’embrase. Pas moins de trois de ses moteurs étaient tombés en panne". Phoenix Avia, ou Aviation, rebaptisée sous le nom d’Aero Asia et ses avions numérotés 22632 et 21960, connus sous les intitulés EX-632 et EX-006". Tout a déjà été écrit à ce sujet, comme l’a si bien raconté Arnaud Labrousse : "Phoenix Aviation, elle, est le Phoenix toujours taxé de Bout pur jus. Elle aurait importé de la cocaïne et de l’héroïne en Angleterre en 1993, et envoyé armes et munitions aux rebelles yéménites et angolais en 1994. Depuis lors, ses gros-porteurs ont été loués à la KAM Air du seigneur de la guerre afghan Abdul Rashid Dostum. Ils ont également fait surface dans la flotte de Santa Cruz Imperial, écran de fumée que Bout gérait avec un des chouchous des milices du bois libérien Sanjivan Ruprah. En août 2003, un trafic d’armes Téhéran-Taylor est assuré par un Boeing utilisant le code ICAO d’une petite affaire, Astral Aviation, qui par hasard compte un appareil Phoenix dans son hangar." Phoenix Aviation, société américaine, appartenait à Victor Bout et à un associé américain. Il y en avait assez pour l’arrêter : on ne l’a pas fait.
Malgré tout cela, on ne l’arrêtera pas, en effet. La raison est simple : on a besoin de ces avions pour l’offensive de 2003 en Irak et l’approvisionnement les mois suivants, et l’arrêter signifie la crainte qu’il révèle la livraison des Stingers, et l’imbroglio qui a suivi. Le "tsar" de la lutte contre le terrorisme, Richard Clarke Lutte estimait qu’il fallait se saisir de Bout, ce qui était une pratique très rare avant 9 / 11 (en raison de la loi Church de 1976). "Mais quand l’administration Bush prend le pouvoir au début de 2001, Bout est considéré comme une priorité moins importante, et, finalement, aucune mesure efficace sera prise contre lui avant le 11 septembre". Autrement dit, on va minimiser son rôle, car si on veut faire la guerre, il faut transporter énormément de matériel, et le transport aérien de l’Air Force ne suffit pas : entre les Galaxy en réparation constante, aile à changer, et les C-17 trop gros pour de petits trajets ou trop courts pour traverser l’Atantique, le panel offert sur place par les avions de Bout est idéal. Et beaucoup plus.. discret. A partir de 2001, donc, Bout n’est plus autant recherché... même plus du tout (ou tout autant que Ben Laden, si l’on peut dire !) : ces avions croisent à Bagdad ceux de l’Air Force, et parfois même, les militaires présents pour les charger ou les décharger se trompent d’appareil !
Une vidéo en date de 2004 montre l’arrivée à Bagdad d’un Ill-76 en provenance de Sharjah, avec à bord "45 tonnes de vivres et d’équipements militaires pour le camp Victory" nous dit un bloggeur. On s’arrange pour couper la vidéo avant de voir son numéro, censure oblige. L’engin, qui possède la particularité d’avoir son moteur gauche extérieur blanc ou gris clair est vite cerné : c’est celui de Coyne Airways. Une société qui se targue de délivrer "Baghdad, Erbil, Sulaimaniyah et Balad, avec Bassorah, Mosoul et Kirkouk sur demande" , qui possède toujours des Antonov 12. A Dubaï, la firme est dirigée par Darrin Quern, qui vient de TNT. Lors de sa nomination la firme se flatte de son CV : "Son expérience de l’armée et du gouvernement seront particulièrement bénéfique pour aider à étendre nos activités à travers le monde via Dubaï en Irak et en Afghanistan". Les américains ont besoin de Victor Bout, et quand les avions manquent, se retrouvent à diriger à distance d’autres sociétés de livraison, via d’anciens militaires reconvertis.
Ne pas l’arrêter, donc, car les ramifications de ses entreprises intègrent des gens gênants, tel le Cheikh Abdullah Bin Zayed al Saqr al Nahyan, ancien ambassadeur aux USA, nommé dans un rapport"associé en affaire avec Victor Bout", sans doute, selon le détective Bill Warner. "Dolphin Air est une compagnie aérienne charter basée à Dubaï, Emirats Arabes Unis. Elle exploite des services d’affrètement dans le Moyen-Orient et le Pakistan. Sa base principale est l’aéroport international de Dubaï. La "nouvelle" entreprise de transport aérien, Air Dolphin, a commencé ses opérations en 2002. Elle était auparavant connu sous le nom Flying Dolphin Airlines et de Santa Cruz Imperial Airlines, et appartient à Cheikh Abdullah Bin Zayed. Elle a été réorganisée par Arabian Trading Devt qui a repris les actifs de Santa Cruz Imperial, détenue par le cheikh Abdullah Bin Zayed. Santa Cruz Imperial a été identifié par des sources diverses comme étant détenues ou contrôlées par Viktor Bout, Cheikh Abdullah Bin Zayed et / ou Sanjivan Ruprah (également déjà cité par le Comité sur les sanctions à infliger au Libéria). Cependant, il ya eu un certain désaccord quant à savoir si Viktor Bout avait de fait la propriété véritable de cette société. Néanmoins, les avions de Santa Cruz ont fonctionné de manière interchangeable avec les avion du réseau de Victor Bout. Par exemple, Viktor Bout a utilisé des avions Santa Cruz pour vendre des armes à l’UNITA en Angola et pour vendre des avions aux talibans en Afghanistan. En conséquence, Bout a au moins indirectement le contrôle de Santa Cruz".
Les noms cités se résument parfois à un seul appareil, tant les avions de Bout sont des avions caméléons : "Juste pour finir, l’A6-ZYB de Dolphin Air a été acheté à une société appelée Trans Air Congo au Kinshasa. Où avons-nous entendu parler d’eux avant ? Eh bien, vous souvenez peut-être une photo d’un Antonov 12, enregistré 9L-LEC, s / n 4341803, sur le terrain de Bagdad en Janvier 2004 portant le nom de « Skylink ». Ce qu’un autre site corrobore : "Un Antonov 12BP (9L-LEC) de Skylink aurait été utilisé pour acheminer des munitions aux GIs, avant d’être redéployé au Congo démocratique début 2004, sous les couleurs de Trans Air Congo. L’épave semble avoir été louée à Jetline - jumelle de la boîte de Bout chassée de Moldavie, Aérocom. Dans un passé plus lointain, elle aurait servi « un opérateur privé » en Sierre Leone. Un autre Antonov Skylink (RA-11114) aurait fait des missions pour les Space Cargo et GST Aero de Bout.". Le 9L-Lec ayant été utilisé par des mercenaires. "Plus tard, l’information a démontré qu’il avait servi à apporter la nouvelle monnaie irakienne - un emploi, il me semble me rappeler, son l’agence de Tim Spicer, Aegis Defence Services, s’était chargé. Cet aéronef de Trans Air Congo a été photographié à Kinshasa, avant d’être détruit dans un accident quelque part dans l’est de la RDC. Et d’où TAC a obtenu un autre An-12, n °de série. 4342404, provenant de où je vous le demande ? De Santa Cruz Imperial à Dubaï. Et comment et où a-t-il fini Quelque chose appelé « Inter Transavia » enregistré au Kirghizistan". Il finira en fait par s’écraser entre Goma et Kindu sous le numéro 9Q-CVG et sous le nom de Victoria Air... il travaillait alors pour Maniema Union, un club de football congolais ! Victoria Air était une société créé en Ouganda par le Lt-General Saleh et le Major-General Kazini, la femme de Saleh et... Viktor Bout ! Quant à l’Antonov 9L-LEC, il emplafonnera,et découpera en tranches, tous freins cassés un Boeing 727 de Teebah Airlines à Pointe-Noire le 25 janvier 2008. Les deux appareils étant déclarés détruits "written off").
Il est évident que ces soutiens, et l’intelligence d’avoir déplacé sa base à Sharjah, l’ont énormément aidé et ont fortement freiné les velléités de vouloir le jeter en prison : "le fait est que ces marchands d’armes ne sont que la façade du commerce qui est tenu sous le contrôle d’instances bien plus hautes. Ce n’est pas un hasard si l’associé de Victor Bout dans la compagnie Flying Dolphin (qui trafiquait directement avec Ben Laden et avait un siège légal à Sharjha et à Bucarest) est le cheik Abdullah bin Zayed bin Saqr al Nayan, membre de la famille régnante, qui, par ailleurs a été ambassadeur des Emirats arabes unis aux Etats-Unis. Un autre protecteur de Bout était le sultan Hamad Said al Suwaidi, conseiller du sultan du Sharhja. Mais après le 11 septembre, malgré tous ces appuis, les Emirats durent concéder l’extradition, en 2002, et la femme de Bout, ferma la boutique de mode qu’elle y gérait".
Au total, pas plus Bout que Chichakli, qui se prétend neveu de l’ex-président de la Syrie et fils d’un ancien sous-secrétaire à la défense syrien, ne seront donc inquiétés avant 2005, où tout à coup on se réveille et on découvre subitement leurs malversations ! "Toutefois, aucune mesure ne sera prise contre lui jusqu’au 26 avril 2005, lorsque le Trésor américain et les agents du FBI effectuent un raid dans son domicile et son bureau au Texas. Ils saisiront son ordinateur, des documents, et plus de 1 million de dollars d’actifs dans le cadre d’une enquête sur l’empire financier de Victor Bout, mais ils ne l’arrêteront pas pour autant. Chichakli ne sera pas non plus arrêté quand il quittera quelques jours plus tard les États-Unis Il se rend alors en Syrie, où il plus tard on soupçonnera Viktor Bout d’approvisionner le Hezbollah en armes". Bout et Chichakli utilisent Sharjah pour livrer Bagdad, où on se bouscule pour livrer : "A Bagdad, à l’aéroport d’Al-Muthanna, celui utilisé par l’armée américaine et la coalition, on pouvait voir régulièrement les vieux 727 d’African Express. Les 5Y-AXB, N° de série 19565, et le 5Y-AXE, N° de série 21611. Ce dernier loué à Ishtar Airlines, qui louait aussi le 737, A6-ZYC, N° série 22679 (Ishtar possède deux autres 737, achetés à Phoenix Aviation). Le 5Y-AXE était d’origine espagnole (Ibéria) et avait été décoré d’un étrange logo jordanien d’HA Airlines, devenu Star Air en 2004, société dont le siège est à Damas et Bahrain. Son dirigeant n’est pas une surprise : c’est Paddy McKay, le fondateur d’Air Leone, firme de Guinée Equatoriale après avoir été installée à Freetown, pour y être interdite fin 2004". Viktor Bout, on le sait n’est pas seul au sein de la nébuleuse des vendeurs d’armes dans le monde, où on se refile des coups de main entre personnes du même "métier".
Une seule journée à Sharjah, et on peut se rendre compte du trafic intense des avions de Viktor Bout : A compulser les arrivées et les départs du 18 mars 2009, note le site spécialisé, on note des opérations de vols de Click Airways, Gomel Avia, Eastern Express Air Company, South Airlines, Asia Continental et Sakavia Services. Toutes des firmes lui appartenant ! La dernière avec son 4L-GLR, notamment, qui sera photographié lors de sa maintenance le 11 mars 2010 encore (ou son démantèlement ?). Sakavia, enregistrée comme une firme... Georgienne ! Créé en 1998, et disposant de deux Antonov An-12BK (4L-GN L et 4L-GLT, un Illiioushine 76T, IL-76T (4L-GLM) ; et quatre Ill-76 modèle TD : IL-7(4L-GNI, 4L-GLL, 4L-GLK, 4L-GLR). Le 4L-GNi de Sakavia deviendra "Sky Georgia" et sera photographié sous ce nom en janvier 2010 à Sharjah. Or le 11 décembre 2009, un Ill-76 de Sky Georgia, déjà rebaptisée East Wings, se rendait célèbre sous le numéro 4L-AWA à Bangkok, arrêté après s’être posé bourré d’armes à bord. Des missiles, appelés sur le bon d’exportation "Equipement pour forage pétrolier", la même excuse que pour l’envoi le 22 novembre 1985 des 18 missiles Hawk et de leurs pièces détachées des Etats-Unis vers l’Iran, via Israël et le vieux 707 J6-SLF de Santa Lucia. Il y assez peu d’imagination chez les vendeurs de mort. Sky Georgia venait juste en novembre de louer à la société ukrainienne SP Transport Limited (dont le siège est au Vanuatu !), un appareil GST Aero enregistré UN-76007, croisé à Vatry. L’avion avait ravitaillé en essence à Gostomel en Ukraine le 8 décembre, et était parti de... Sharjah. Sous le nom de Buraq Transport, en septembre 2009, il était parti de Zurich apporter de l’aide humanitaire aux victimes du Tsunami ! GST Aero étant bien entendu une société... Viktor Bout !
Documents joints à cet article
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