Vincent Peillon ou comment achever l’école de la république...
La technique de l'enfumage est un procédé pratique en politique pour faire oublier les vrais problèmes. Les maux qui rongent les écoles publiques (et privées) sont connus : ghéttoisation des quartiers populaires, violences, incivilités, immaturité de beaucoup de parents issus de la génération post-soixantuitarde qui n'ont pas d'exemples à transmettre, institutrices (le métier est féminisé à 95%) issues de la même génération dont l'autorité n'est plus reconnue etc. La France se paupérise, économiquement et culturellement... Coluche nous le rappelait dans un de ses sketchs "la différence entre les riches et les pauvres ? Les uns ont de la place, les autres ont des gosses"... les comiques satiriques ne font qu'énoncer de tristes réalités.
Pourtant la santé d'une société dépend de celle de ses écoles... apprendre à lire, écrire, compter puis à raisonner permet de former des citoyens maitres de leur destin. A supposer bien sûr que l'école conserve ce rôle de transmission des savoirs, ce que remet en cause la réforme de M.Peillon, ministre autoproclamé spécialiste en ce domaine. Car en regardant de plus près sa réforme des rythmes scolaires plusieurs réalités apparaissent : le côté garderie "sociale" prend le pas sur celui de transmission des connaissances. Au fait, savez-vous pourquoi la semaine de quatre jours est appliquée dans beaucoup de communes depuis quinze ans ? Parce que cela fonctionnait et surtout les résultats des enfants aux évaluations (CE1, CM2 et d'entrée en 6ème) étaient bien meilleurs ! des rapports de l'IGEN le démontraient, d'où la généralisation du principe avec les décrets Darcos. Ceux-ci commettaient toutefois deux erreurs : ils ne touchaient pas aux vacances d'été et allégeaient la prise en charge des élèves en difficulté par les RASED (réseaux d'aide... souvent composés d'enseignants non-volontaires et non-qualifiés pour la tâche il est vrai). Mais au moins cela simplifiait les choses. Donc M.Peillon a décrété, avec l'aide des syndicats et des associations proches de son parti, que la semaine de quatre jours et demi c'était mieux. Mieux ? Pour éviter de voir trainer le mardi soir les mômes au pied de leur barre HLM dans certains quartiers ? pour décharger la clientèle électorale du PS de ses charges éducatives le mercredi ? Mais pour ce qui est de la transmission des savoirs, aucun intérêt.
Ah j'oubliais... les communes passés sur quatre jours étaient toutes de "droite", mais il s'agit sûrement d'une coincidence. Plus sérieusement les décrets Peillon, rejetés par ailleurs par le conseil de l'éducation, ne feront qu'aggraver le manque d'attention des enfants et surtout engendrer des tensions malvenues. Quid de cette commission paritaire à Rennes où les différents protagonistes en seraient venus aux insultes ? De ces parents d'élèves lucides qui ne veulent pas voir leurs enfants trainés dans la cour 45 minutes de plus par jour et qui pétitionnent ? On n'abordera même pas la question de la fables des "chronobiologistes", escrocs et autres charlatans chargés de donner un pseudo-crédit scientifique à la mesure phare de Peillon. Cerise sur le gâteau : en plus de désorganiser les écoles la réforme ne pourra qu'aggraver les crises de vocation à la fonction de directeur d'école. Les instits ne veulent plus occuper cette fonction (temps de travail moyen d'un dirlo : 60 heures par semaine pour une école de dix classes...).
Mais tout cela a une logique. L'école républicaine dérange. Former des citoyens instruits va à l'encontre des intérêts du système libéral. Un cancre fera toujours un bon consommateur qui ne se posera pas de questions. Il volera et trafiquera ? Pour s'acheter des fringues et une Golf TDI dès qu'il aura la somme de côté (en général les lascars arrivent à compter jusqu'à 20000)... les princes qui nous dirigent n'attendent rien de plus. L'école est une charge pour eux, leurs propres enfants ne fréquentent que des écoles privées "selects" souvent à l'étranger. Mais au moins elle conservera le rôle de garder ces gosses de pauvres qui ne doivent plus trainer dehors sur les passages cloûtés et obliger les BMW des beaux messieurs de piler devant eux... retour aux garderies du second empire. Les instituteurs ? Dégoûtons-les par des emplois du temps idiots qui les obligeront à faire des aller-retours et à gueuler après les mômes l'après-midi... il faut les remplacer par des contractuels moins onéreux et plus dociles... payer des impôts pour renflouer les banques passe encore, mais pour apprendre à lire aux gueux, quelle infâmie madame la baronne !
Donc Vincent Peillon applique sa logique, sans transiger. J'ai eu l'occasion de manifester avec des profs et des parents d'élèves contre sa réforme en février-mars dernier à Paris. Rue de Grenelle nous avons eu droit à un gazage en règle de la part des CRS qui répliquaient à nos "Peillon démission". Seuls Sud-éducation et FO ont relayé l'info censurée par les medias (BFM-TV était pourtant sur place !) ; car il ne fallait choquer l'opinion publique, quel courage que de brûler les yeux des participants d'une manif composée à 90% de nanas ! cette répétition de la "manif pour tous" côté force de l'ordre est révélateur d'un mépris du pouvoir pour le petit peuple. Les instituteurs, autrefois marqués très à "gauche" (mais ce mot a-t-il encore un sens ?), sauront s'en souvenir tout comme les parents sensés qui suivent de près la scolarité de leurs enfants (positivons, je sais qu'ils sont encore nombreux heureusement). Tous ont toutefois compris une chose : Vincent Peillon et ses mentors ne sont pas là pour défendre l'école de la république et les enfants, cela n'entre pas dans leurs plans de carrière. Alors ils pratiquent l'enfumage, au propre comme au figuré... mais ils oublient une chose : le peuple français qui aime ses enfants va fatalement se réveiller en constatant le naufrage programmé des réformes Peillon (ah oui j'oubliais : Seules 20% des écoles l'appliqueront cette année !)... et si c'était la carrière de cet ambitieux ministre qui partait en fumée l'année prochaine ? C'est le plus vraisemblable...
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