Virus : établir une frontière entre ce qui est sain et ce qui ne l’est pas
Le critère pour bien agir ne repose pas sur ce qui est dit "raisonnable", ni sur la seule logique ni sur le bon sens. La seule frontière à poser, c'est la distinction entre ce qu'il est sain de faire et ce qui ne l'est pas. Il n'est pas sain de céder à la peur ou de la propager. La peur vous transforme, l'inquiétude au contraire vous préserve et même vous renforce en aiguisant la vigilance et en maintenant votre conscience éveillée, laquelle peut alors anticiper ("un homme averti en vaut deux"). Par ailleurs, la peur est égoïste ("chacun pour soi et dieu pour tous !") alors que l'inquiétude est aussi altruiste.
Pourquoi le "raisonnable" n'est pas la voie infaillible
Le "raisonnable" est ce que le Pouvoir veut imposer, C'est la vision descendante des choses. La voie du raisonnable n'est pas à négliger mais elle n'est pas la voie la plus pertinente et elle n'est pas sans défaut.
Pourquoi la logique ne suffit pas
D'abord, parce que l'ignorance du sujet (ici, le coronavirus) ne permet pas d'appliquer la logique pure avec une totale certitude. De plus, la logique est une notion qui varie selon les individus, les groupes sociaux, les appartenances idéologiques.
Ainsi, par exemple, un partisan de la sécurité trouvera extrêmement logique de barricader le pays, de confiner des centaines de milliers de personnes et de faire passer le test de dépistage à la totalité de population par des militaires surprotégés par des équipements complets.
Un partisan de la liberté individuelle (ou du libéralisme) trouvera que la bonne logique est tout le contraire et qu'il faut laisser tout loisi aux personnes de circuler.
L'Etat protecteur dira que la logique est de prioriser la préserver les plus faibles de la contamination et de les traiter en premier.
Et le bon sens ?
René Descartes a excellemment exprimé les choses à propos du bon sens dont chacun, intimement, en toute bonne foi, se croit le mieux pourvu.
Alors, on n'est pas sorti de l'auberge. C'est ici que je reprends une notion que des Anciens (des Grecs) aimaient employer : la notion du sain.
Il est sain d'avertir et d'éveiller la vigilance et les bons réflexes, de responsabiliser. Il n'est pas sain de prendre des mesures excessives ou dangereusement contre-productives.
La frontière entre ce qui est sain et ce qui n'est pas sain
Ceci n'est pas à prendre au sens strictement médical.
Certaines prises de conscience ont émergé avec la crise du coronavirus. A titre d'exemple, beaucoup reconnaissent désormais qu'il n'est pas sain d'avoir dépossédé totalement notre pays de la fabrication des médicaments vitaux et des produits d'hygiène de première nécessité. Tout délocaliser en Chine n'est pas sain. Nous semblons l'avoir compris. De même, nous avons bien vu qu'il n'est pas sain de sous informer, de minimiser les phénomènes pour rassurer les citoyens en traitant les gens de façon infantilisante.
Il est de bonne politique de prendre les mesures saines (dans toutes les dimensions que le mot "sain" revêt : social, humaine, économique, éducative...). Trouver la bonne distance et le bon équilibre.
Il est sain d'entretenir la "bonne inquiétude", celle qui crée des personnes avisées, responsables d'elles-mêmes et des autres. Il est malsain d'entretenir la peur (sauf cas très exceptionnels où le recours à la peur est l'ultime recours possible). La "bonne inquiétude" permet de développer des habitudes de solidarité, d'hygiène personnelle et collective, de gérer l'incertitude sans céder à la panique.
La peur n'est saine que dans les cas extrêmes, en présence d'un danger grave et imminent. La peur est un affolement voire une folie. L'inquiétude convient le mieux, la plupart du temps. Elle est mère de la plus grande sûreté car elle préserve la personne ainsi que les capacités de maîtrise et de jugement. L'inquiétude tient à distance les passions ; elle fait le choix de la vigilance proportionnée.
Les passions sont à tenir à l'écart de l'esprit sain. Il en va de même pour les émotions pathologiques. Sont des émotions pathologiques les émotions qui ne sont pas des dons de la nature, qui ne sont pas des moyens naturels créées au fils des générations comme autant de capacités à la survie et au bien-être. Chaque émotion est une alerte, une information que le corps adresse à notre conscience. Ce n'est pas le cas de l'angoisse et de la paranoïa, qui sont des maladies de la conscience et non des outils émotionnels de la nature. Elles n'aident en rien. Elles sont forgées par les déformations de la conscience, l'ignorance et les passions négatives mal maîtrisées.
Pour finir, c'est avec un jugement sain que nous devons prendre nos décisions et ainsi nous penserons au mieux pour faire face aux aléas et aux incertitudes de l'existence.
Les Grecs disaient aussi (cela est gravé au fronton du temple d'Apollon à Delphes) : "connais-toi toi-même" et "rien de trop". Cette devise - en deux parties mais qui participent d'une seule idée - résume une sage conception de ce qui est sain.
"Connais-toi toi-même" veut dire : fais la balance entre les émotions naturelles et utiles et les émotions pathologiques. Et trouve en toi les ressources et les moyens pour gérer tes émotions et tes passions.
Le "rien de trop" t'invite à ne pas aller à l'excès, à garder tempérance et modération en toutes choses. Se préserver de l'excès - qui est cause de bien des maux - c'est garder la frontière du sain et tenir éloigné ce qui est malsain. Prendre des mesures proportionnées ne suffit même pas. Et d'ailleurs, que signifie cette méthode quand elle doit être appliquée à un fléau à développement exponentiel. Peut-on réellement traiter ce qui est exponentiel par des moyens proportionnés ? Je l'ignore et je suis perplexe...
Selon moi, la vraie sagesse est celle qui s'attache à l'idée de ce qui est sain, dans toutes les dimensions de l'idée du "sain".
A vous d'en discuter.
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