VIVA NABILA
Il ne se passe plus un jour sans que l'hallucinante prestation oratoire d'une malheureuse jeune fille ne suscite moqueries et sarcasmes et pourtant personne ne semble mesurer la portée véritable de cette obscure et capillaire histoire.
Pourquoi ne pas rendre hommage à Nabila pour le triomphe qu'elle incarne, la fabuleuse avancée de la civilisation humaine dont elle est devenue le témoignage vivant et frémissant.
L'élitisme culturel et la tyrannie de l'encyclopédisme enfin vaincus après des décennies de combat acharné de nos plus brillants pédagogues, une génération enfin libérée de Racine et Flaubert, le socle commun de connaissance enfin révélé dans toute sa gloire.
Certes, quelques irréductibles rebelles à l'Empire s'obstinent encore à parler à nos enfants des soleils d'Austerlitz ou d'une madeleine trempée dans une tasse de thé, mais leur traque se poursuit impitoyablement et bientôt nos enfants seront libérés de leur encombrante et anachronique présence.
Les bonnes nouvelles ne venant jamais seules, la performance nabilesque annonce une autre victoire, celle de l'école et l'entreprise enfin réconciliées,comme si par un miracle de la science Jack Lang et Martin Bouygues étaient enfin parvenus à faire un bébé.
Il faut voir dans les shows de télé réalité dont nos enfants sont matraqués pour leur plus grand bien, l’avènement d'un monde nouveau,la symbiose heureuse entre l'éthique berlusconienne et les exigences des lois du marché.
Aux quelques jeunes et à leurs familles qui enfermés dans une vision ancienne et dépassée cherchent la réussite sociale par l'obtention d'un diplôme et d'un travail rémunéré nos médias nationaux offrent enfin une alternative bien moins déprimante.
Le triomphe de l'ignorance et de la bêtise la plus obscène est une bonne leçon donnée aux fanatiques qui veulent défendre le Baccalauréat contre le génie réformateur de nos gouvernants, une réponse cinglante à ceux qui croient que l'école doit transmettre des connaissances et pas transformée en garderie géante.
12 mots de vocabulaire, quelques grognements articulés, des compétences rebondissantes, de la fesse, du nichon, une capuche ou une casquette et chacun au terme d'un parcours personnel pourra devenir footballeur, trafiquant ou livreur de pizzas et le monde du travail enfin délivré de tout ce qui peut encore assurer des droits, un statut ou une dignité.
Pour revenir à notre nouvelle héroïne nationale, je lui trouve au moins le mérite de s'exprimer avec une exquise douceur et une grande politesse, ce qui la met moralement bien au dessus d'une grande partie de notre public scolaire.
N'exagérons pas les choses et reconnaissons que seuls les plus facétieux de ces garnements poignardent leurs camarades ou s'amusent à attaquer les trains comme les diligences, les autres se contentant de concours de pets, de rôts et autres turbulences ou flatulences qui plongent beaucoup de nos classes dans le chaos le plus total.
Léo Ferré disait dans une de ces chansons 'on peut me rire au nez, mais ça dépend de quel rire' et il y a quelque chose d'insupportable dans certains des rires qui accablent notre pauvre lolita, ce côté que l'on appelle la branchitude ou l'esprit Canal, ceux qui se gaussent de ceux qu'ils appellent les Deschiens ou les enfants perdus de nos banlieues.
VIVA NABILA !!
Elle est douce et gentille, avec une paire de lolos qui me font tout lui pardonner, plus sexy que Christine Boutin et largement moins conne que nos bling-bling socialistes, qui nous amuse avec la guerre mondiale de 78 mais n'enverrait pas des égorgeurs en Syrie et qui s'inquiète pour les cheveux de ses copines quand d'autres vont finir par même nous taxer nos poils de cul.
La mondialisation est une dictature sous un masque de Carnaval, ce cortège bariolé, festif et chatoyant que l'on demande d'intégrer n'est qu'un cortège funèbre qui accompagne la civilisation européenne au tombeau et voudrait lui faire prendre cela pour une fête.
Se gausser des victimes qu'elle engendre n'est sans doute pas son plus grand crime, mais le plus minable et le plus sordide.
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