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Accueil du site > Tribune Libre > Vivre en France et mourir à l’étranger

Vivre en France et mourir à l’étranger

 Parmi les "marronniers" de l'automne 2013 figure l'expatriation des Français dont l'usage intensif ne semble pas tout à fait innocent, même s'il n'est pas nécessairement aussi pertinent et fondé qu'on veut nous le donner à croire. Les chiffres montrent, en effet, que l'accroissement du pourcentage d'expatriés français a déjà eu lieu, pour une bonne part, entre 2007 et 2012, c'est-à-dire avant l'arrivée aux affaires de ce pauvre Monsieur Hollande à qui on fait porter ce chapeau un peu vaste pour sa tête.

Je n'en parle pas davantage quoique j'aie entendu, l'autre jour, sur ce sujet de l'exil français, les sottises habituelles qu'on égrène dans nos médias ; il y était question, en particulier, de toutes les raisons de cette expatriation, toutes plus marginales les unes que les autres, alors qu'on n'a fait aucune mention de la principale qui est évidemment le fric. Il est toujours la raison majeure, qu'il s'agisse de fonctionnaires (payés deux ou trois fois au tarif français, selon les zones où ils se trouvent) ou du privé ou assimilé où il en est à peu près de même et auquel s'ajoutent, plus facilement encore dans ces cas, les avantages fiscaux sans parler des transferts, directs ou indirects, d'une partie de ces copieux salaires dans les paradis fiscaux.

Même si, en France, les perspectives d'avenir plus ou moins lointain ne sont pas très roses (en dépit de la présence aux affaires du parti socialiste), les conditions de vie ne sont pas les plus mauvaises ; pour ceux qui comme moi approchent du terme de leur existence, il est frappant de voir que nombre de gens qu'on considère comme de condition modeste, voire comme des pauvres, vivent plutôt mieux que les riches du milieu du siècle précédent. Je voyais, il y a quelque temps, à la télévision, une émission où l'on mettait en scène une famille de condition manifestement modeste et même dans une misère censée apitoyer le téléspectateur. J'y ai observé que les enfants jouaient sur des jeux électroniques coûteux ou avec leur iPad ou leur iPhone (je sais pas trop la différence) qui ne le sont pas moins, que la cuisine y était meublée fort joliment et comportait tous les appareils électroménagers modernes, tandis que trônait dans le fond un magnifique écran plat de grande dimension. Tout cela n'indiquait pas une condition trop misérable, me semble-t-il.

Mais comme toujours je m'écarte de mon sujet.

Une expérience familiale douloureuse m'a inspiré toutefois une réflexion et ce blog qui choqueront sans doute beaucoup de lecteurs (s'il y en a). Je pense en effet qu'il vaut mieux vivre en France et mourir à l'étranger !

J'ai eu à subir récemment l'épreuve qui consiste à assumer le deuil d'un proche et j'ai pu constater quelques points qui m'avaient jusqu'à présent largement échappé.

Alors qu'il vous est possible et même indispensable d'aller à la mairie faire la déclaration de la naissance de vos enfants, il vous est impossible de faire de même dans le cas du décès d'un proche parent. Vous devez passer d'abord sous les fourches caudines (qui prennent alors la forme d'un tiroir-caisse) des Pompes Funèbres dont le nom même prend alors doublement sa signification. La "pompe funèbre" est, en effet aussi et avant tout (on vous propose le recours tarifé bien sûr à un "maître de cérémonie") une "pompe à phynances" ! Cet indispensable recours administratif vise uniquement à vous alpaguer de sorte à vous infliger ensuite le supplice ignoble d'un parcours mercantile à travers toutes les prestations qu'on est en mesure de vous vendre.

Dans le cas d'une crémation qui était, celui que j'ai dû subir (non pas la crémation hélas, mais les épreuves commerciales), on vous proposera le choix entre divers cercueils dont le plus modeste coûte 1000 €, alors que ce cercueil sera brûlé dans la demi-heure qui suit la mise en bière. Vous serez amené ainsi à choisir entre le pitchpin polychrome du Zambèze (...comme disait Pierre Dac) et l'acajou du Gabon, avec ou sans moulures, comme entre les diverses nuances du capitonnage qui naturellement constitue un choix tout à fait indépendant et aussi indispensable, tant dans les coloris que dans la matière. J'ai d'ailleurs appris dans la suite que, vu la fréquence des crémations existe maintenant des cercueils en carton, mais naturellement cet article ne figure pas sur les catalogues de l'officine où j'ai été reçu.

Je dois dire d'ailleurs que le prix n'était pas pour moi une raison de choix impératif, mais j'aurais infiniment préféré qu'on m'épargnât cette épreuve immonde et qu'on me demandât tout bêtement et tout simplement un chèque de 4000 € plutôt que de m'infliger ces deux heures de mercantilisme autour de ce deuil. Je dois dire qu'ayant assisté à une cérémonie du même ordre à Tokyo, j'ai infiniment préféré les usages japonais à ceux de la France et c'est là précisément la raison qui m'a conduit à suggérer à ceux qui veulent partir vivre à l'étranger d'aller plutôt y mourir.

Non seulement ce mercantilisme est ignoble (et je pèse mes mots) mais il est en plus pesant jusqu'au grotesque par l'accumulation des procédures administratives, qui n'ont sans doute pas d'autres causes réelles que de fournir de modestes revenus aux municipalités et de substantielles prébendes aux Pompes Funèbres (majuscules de rigueur) ; cela permet aussi d'occuper quelques milliers de ces fonctionnaires dont nous ne savons que faire et que nous avons en nombre infiniment plus grand que tous les autres Etats d'Europe et du monde.

Ces quelques jours m'ont aussi inspiré une idée simple à ce sujet. Puisque, selon la Cour des Comptes, il y a en France 200.000 fonctionnaires de trop, pourquoi ne pas les mettre dès maintenant tous en retraite, puisque, de toute façon, il faudra les entretenir, sinon dans l'oisiveté du moins dans l'inutilité, en leur offrant entretien, gite et matériel jusqu'au moment de leur retraite, pour continuer les payer ensuite en leur versant ce qui d'ailleurs pour eux n'est pas une retraite mais une pension. La retraite impliquant une diminution de salaire, sur 20 ou 30 ans, l'Etat y gagnerait sans doute beaucoup (ça peut se calculer facilement) et Ils seraient sans doute eux-mêmes ravis d'être en retraite à 30, 40, 50 ans puisque travailler deux ou trois ans de plus fait descendre me peuple dans la rue. Conseil, gratuit comme toujours à F. Hollande !

Comme dans les jours derniers que je viens d'évoquer, les forces de police réclamaient à nouveau avec force des emplois, je terminerai par le grotesque. Les Pompes Funèbres m'avaient en effet précisé que je ne devrais pas m'étonner de la présence de policiers à la cérémonie de la mise en bière. Il s'agissait en effet pour elles de poser des scellés sur le cercueil une fois clos avant, à nouveau, de vérifier ces scellés au crématorium avant la crémation proprement dite. On ne saurait être trop prudent, car le mort pourrait tout à fait s'échapper dans les 5 km qui séparent le lieu de la mise en bière de celui de l'incinération.

Nous avons dû donc eu le privilège que se joignent à la famille et aux quelques amis présents, outre deux paires de chaussettes a clous de la police locale (ils n'avaient même pas mis, comme on le fait parfois paraît-il, leur tenue de gala) et un individu "en bourgeois", de rang et de statut manifestement supérieurs, avec leur fils de scellés, leur lumignon ; leur cirer et leur cachet. L'un d'entre eux a même jugé bon, au terme de la procédure, de gratifier le cercueil d'un salut militaire tout à fait intempestif ; à ma connaissance de seconde classe de réserve, la police municipale n'est pas composée de militaires et un tel geste de salutation est réservé exclusivement à l'armée. Pendant cette heure, il y a bien dû y avoir, dans le coin, deux ou trois agressions ou cambriolages nettement plus fréquents que les substitutions de corps qu'on s'efforce de prévenir !

Bref pour résumer et conclure, allez mourir à l'étranger plutôt que de songer à vous y expatrier pour y vivre.

 


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11 réactions à cet article    


  • In Bruges In Bruges 8 novembre 2013 17:06

    Idéalement, il faudrait :

    -vivre en Italie (bella ragazza, dolce vita et bonne cuisine)

    -une fois qu’on a chopé le crabe, partir agoniser en Belgique ( piqure finale acceptée facilement, chambres climatisées et capitonnées, paiement en liquide)

    -une fois mort, étre emmené au bord du Gange, étre poussé un peu et hop, le nave va

    Mais évidement, tout ça, ça fait de la route. Au Co2 du corps en décomposition, s’ajoute un bilan carbone à faire rougir le Dany de la méme couleur...
    Que faire ?
    Faut-il que les Dieux nous soient haineux...


    • titi titi 8 novembre 2013 18:55

      La « vacation de police » lors de la mise en bière a déjà été dénoncée en son temps par F De Closets dans « Toujours plus » ... en 1982.

      Ce que dénonçait F de Closets à l’époque :
      - Cette vacation est non imposable.
      - Elle est du au commissaire, même si ce n’est pas lui qui est présent : le commissaire peut donc déléguer des agents, mais c’est quand même lui qui touche.
      - En sortie d’école, les commissaires demandent en priorité les villes qui possèdent de grands centres gériatriques plutôt que les villes « chaudes » où ils pourraient être utiles.

       

      Je crois savoir que cette « vacation » a légèrement évolué ces dernières années.

      Mais nous voilà en 2013 et vous dénoncez les mêmes maux que F De Closets il y a 30 ans.

      Notre pays crève de sa fonction publique.


      • usbek 8 novembre 2013 19:31

        Cher Titi,

        Merci de ces intéressantes mais consternantes précisions ; le sordide s’joute à l’ignoble et au grotesque.

         


      • titi titi 8 novembre 2013 19:01

        « on vous proposera le choix entre divers cercueils dont le plus modeste coûte 1000 €, »

        Le cercueil c’est 20% du prix.

        Ensuite vous avez la cérémonie ou vous payez le personnel présent.

         

        Grosse maille je dirai que 50 % part à la mairie (funé, formalité, police, concession)
        50% part donc pour payer ce que vous payez déjà par vos impots.


        • usbek 8 novembre 2013 19:34

          Il faut donc continuer à mourir en France... comme dit Francis Blanche dans « le général à vendre » : « Pour la patrie, j’ai payé la facture ! »


          • vachefolle vachefolle 8 novembre 2013 21:23

            en tout cas en ce qui me concerne, des que je suis a la retraite (ou a la pre-pre-pre-pre retraite a 45 ans), je file au portugal ou on accueille les retraités avec plein d’avantages fiscaux, un cout de la vie 40% moins cher, et le soleil et des golfs !!!


            • fredleborgne fredleborgne 9 novembre 2013 09:33

              Comment ?
              Votre proche n’avait pas pris une assurance obsèques ?
              Le marché de la mort passe par les assurances, les maisons de retraite, les soins et médicaments inutiles qui y sont très souvent prodigués pour enfin être clôturés par les obsèques, quoique, les concessions et leur entretien, ce n’est pas rien non plus quand on veut laisser sa petite pierre apparente.
              Je retiens déjà votre douleur et vous adresse certainement tardivement mes condoléances.
              Quant à mourir à l’étranger, il y a peut-être une autre solution quand on se sait condamné : s’offrir en voyage une croisière transatlantique et sauter par dessus bord pour rejoindre les grands fonds. C’est le même prix, mais après le repas à la table du capitaine, et le bal, c’est top.


              • usbek 9 novembre 2013 10:42

                Dans cette affaire, ma réaction n’a pas été suscitée par l’argent mais par l’ignominie et l’obcénité des procédures que, dans bien des cas, le coût absurde et injustifié de l’opération doit encore accroître. Si l’on ajoute à tout ça qu’on doit aller se faire euthanasier en Belgique, comme on allait autrefois y avorter, dans quel pays vivons-nous ?


              • COLLIN 9 novembre 2013 11:09

                Que d’argent parti en fumée.... smiley

                Mais trêve de plaisanteries douteuses...

                A part votre diatribe anti-fonction publique,que pensez vous des 65 milliards d’euros qui également s’en vont du budget de la nation,en direction des poches de la finance apatride internationale,en paiement d’une soi disant dette souveraine,dette dont le principal a été créé ex-nihilo ( planche à billets privée) et dont les intérêts sont payés ( et ont été payés plusieurs fois) par vous,moi,et tous les autres travailleurs et créateurs de richesse dans l’économie réelle,et en monnaie sonnante et trébuchante...

                Où sont d’après vous les « profiteurs » du système ?

                Quant à vos pleurnicheries sur les « pompes funèbres »,sachez que de part le monde,et à part de rares exceptions,le business de la mort est un domaine réservé de la MAFIA,au même titre que la banque...

                Votre indignation est à minima déplaçée,sortez donc de votre matrice !!


                • usbek 9 novembre 2013 11:27

                  Bien que je sois d’accord avec vous sur le corps de votre commentaire, je crois que vous m’avez mal lu et surtout mal compris ; j’ai vécu le même événement au Japon et j’ai pu mesurer toute la différence ; quant à être « sorti de ma matrice » j’en suis sans doute sorti beaucoup plus que beaucoup et je vois mal en quoi « mon indignation est déplacée », remarque étrange de votre part vu ce que donne à penser votre côté mélanchonien ! M’enfin !


                • COLLIN 9 novembre 2013 12:04

                  « votre côté mélanchonien »....

                  Absolument pas...je réagis simplement à votre diatribe anti « état » et anti « fonction publique »,vraisemblablement régurgitée de cette propagande diffusée ad-nauséum,et qui suggère non seulement que vous vous égarez,mais également que votre « carte du monde » personnelle mériterait de s’enrichir de voyages et d’expériences...

                  Comme je le rappelai dans mon post précédent, la mort étant inévitable,et se répétant sans cesse,constitue une manne qui n’a pas échappé aux vautours et divers prédateurs mafieux,de même que le business de la banque,de l’eau,de la santé,et bientôt de l’air que l’on respire...

                  J’habite et travaille à presque 20000 km de la France (dans un pays bien étrange et étranger),et je ne manque pas de critiques au sujet de mon pays à l’occasion,mais le traitement de la mort n’y est ni pire ni meilleur qu’ailleurs...

                  Quant à la charge « anti-fonctionnaire » assez classique finalement,gardez la pour vous...

                  Et sachez que je ne suis ni fonctionnaire,ni « mélenchonien »....bien au contraire...

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