Vol à la tire !
La ligne n'est pas coupée ...

Maintenir le lien …
Cette histoire est à peine croyable et pourtant elle m'a été contée par celui-là même qui en a été l'acteur tout autant que la victime. J'étais à attendre désespérément les représentants des médias pour le lancement de mon livre quand, à deux pas de là, se déroulaient deux scènes fort différentes et qui me laissaient toutes deux sans voix.
Sur la Loire, un bateau faisait des ronds dans l'eau, voulant sans doute montrer par sa présence son indifférence et la rupture d'une expérience qui m'avait conduit là où j'étais. Le message était limpide : beaucoup trop d'eau avait coulé sous les ponts, les girouets tournent avec le vent et celui-ci venait de l'amer .... Voilà un lien qui se rompt, c'est ainsi que va la vie !
Sur le parking des terrasses de Loire, un autre curieux manège. Un jeune homme allait à la rencontre d'un père et de son rejeton. Celui qui était seul avait choisi un endroit public pour se prémunir contre d'éventuels risques ; il avait sollicité également une présence féminine : témoin qui assistait à distance à la scène, prête à intervenir si elle ne s'était pas mise à discuter avec votre serviteur. J'allais bientôt savoir le fin mot de l'histoire …
Pour plus de sûreté, le héros en personne revint vers nous pour me donner sa version. L'anecdote prenant alors la dimension d'une épopée ; les détails succédant aux détails, j'avoue qu'il m'aurait fallu prendre des notes pour vous restituer fidèlement cette extraordinaire saga urbaine. Je compte sur votre mansuétude pour accepter cette modeste version qui servira sans doute de synopsis au prochain grand succès du cinéma français.
Notre personnage principal que nous appellerons Renaud par facilité, vit dans une belle résidence qui donne sur la Loire. Il vit en couple ; chacun d'entre eux disposant d'une voiture. Celle de Renaud, plus récente, bénéficie du garage fermé, Madame devant se contenter d'une place extérieure. Leur jeunesse n'empêche pas le respect des répartitions traditionnelles des tâches …
Renaud, ce jour-là est fort occupé à une activité intestine qui limite son champ d'action. Madame sort pour s'en aller au travail. Elle revient précipitamment, Renaud étant toujours à son poste. Elle lui annonce une mauvaise nouvelle : « La porte du garage a été fracturée ! ». Renaud émet un bruit de mécontentement explicite ! Après six mois d'attente du réparateur, cette maudite porte venait d'être réparée la veille. C'est vraiment pas de chance …
Renaud, fort affairé, envoie son épouse juger si sa belle voiture n'a pas subi d'outrages. Madame revient ; elle lui annonce que rien d'anormal n' est à déplorer. Renaud, soulagé, en termine avec ce qui l'occupait tant. Sa femme a tourné le dos pour vaquer à ses occupations. Soudain, elle revient à la charge : il y a quelque chose de plus, un autre problème à déplorer.
Renaud s'attend au pire.C'est la voiture de sa femme qui a été visitée. La porte du garage n'étant qu'une adroite diversion pour un forfait pire encore. L'auto-radio de madame s'est fait la valise. C'est ainsi qu'on découvre qu'il y a encore quelques petits malfaisants qui dérobent ce qui, de nos jours, n'a plus aucune valeur. Il faudrait des sessions de formation continue chez les délinquants en herbe !
Renaud, en état de se déplacer, descend à son tour pour examiner les dégâts. Seul l'auto-radio a trouvé grâce à la convoitise du visiteur du soir. Le travail a été fait à l'ancienne : un peu à l'arrache, diront les spécialistes de la chose. Renaud ne s'en formalise pas trop : l'appareil ne valait pas tripette. Seul le désagrément de l'intrusion agace justement ce brave garçon.
Sa femme qui est venue s'inquiéter de l'état de sa vieille voiture, découvre alors, sur la banquette arrière, un téléphone portable. Le visiteur a souhaité laisser une carte de visite, quelle délicate attention ! Renaud s'empare de l'appareil pour examiner la liste des contacts. Il découvre une série de surnoms, des noms aux consonances slaves, des approximations orthographiques et même un avocat en bonne place. Le propriétaire de cet objet a sans doute souvent besoin de ses services.
Renaud a la déduction rapide. Il découvre un « Pepe » et suppose que c'est le père de son visiteur. Il appelle. À l'autre bout, une voix au fort accent l'appelle par un prénom se terminant en « an ». Une conversation délicate s'engage. Le père manifestement est à côté du propriétaire supposé du téléphone. Celui-ci affirme que son téléphone lui a été volé il y a quatre jours. On ne peut vraiment plus avoir confiance …
Renaud ne s'en formalise pas. Il déclare que compte tenu des circonstances, il n'a plus qu'à prévenir la police et lui fournir le téléphone, porteur de bien de numéros intéressants. Il raccroche ; on ne tarde pas à le rappeler. La police ouvre beaucoup de portes rien qu'à son évocation. Le fils a reconnu sa faute, le père réclame l'indulgence, précise qu'il s'agit d'une faute de jeunesse, un malencontreux dérapage ; Renaud n'est pas dupe, mais bonne poire, accepte de ne pas dénoncer contre la récupération de l'auto-radio.
Le rendez-vous est fixé là où vous savez. La conversation a été surréaliste. Le père voulait inviter Renaud et son épouse à sa table pour prouver que le fils de la maison était un bon petit. Renaud a eu comme un doute devant l'allure renfrognée et méprisante du lascar. Le père n'en finit plus de s'excuser. La plainte est sans doute pour lui une redoutable perspective. Le gamin n'a rien d'un premier communiant ! Il a quelques casseroles aux fesses de l'aveu même de son éducateur défaillant.
Renaud a récupéré son auto-radio et un goût amer dans la bouche. Il est persuadé que ne pas dénoncer ce gamin c'est l'encourager à agir ainsi. Une plainte n'aurait servi à rien non plus. Elle n'aurait pas eu de suite. L'impuissance devant ce gamin qui grandit dans la petite délinquance est évidente ; celle du père tout autant. Après le ton badin du récit, ces questions laissent en suspens un curieux sentiment …
Infractionnement sien.
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