Oui, les français sont majoritairement attachés à leurs services publics et s’inquiètent légitimement des projets gouvernementaux concernant l’avenir de la Poste.
Mais fallait-il pour cela organiser cette « gesticulation » ?
Même si certains appellent cela « faire de la politique », le procédé apparaît manipulatoire pour deux raisons :
- sur la forme
La votation citoyenne (terme utilisé par nos voisins suisses pour le référendum) n’est pas un hochet qu’on agite quand le thème est favorable et qu’on cache quand on craint que le résultat ne soit pas conforme à ses souhaits.
Il est d’ailleurs amusant de constater que les initiateurs de cette opération ne manquent pas de s’indigner à l’occasion des résultats des votations en Suisse (quand ils ne correspondent pas à leurs idées) alors que ce pays dispose du système le plus démocratique d’Europe.
De manière générale, cette attitude est foncièrement méprisante vis-à-vis du peuple souverain et on retrouve bien là l’état d’esprit bien-pensant qui a sévi à nouveau dernièrement en Irlande lors du second référendum (d’ailleurs sur ce sujet, à quand la belle ?).
Ce type de démarche est également dans la droite ligne du nouvel avatar très à la mode depuis quelques années dans notre pays et qui a nom « démocratie participative » ou autrement dit l’infantilisation des électeurs si le choix final ne découle pas d’un processus référendaire.
Soit les citoyens de ce pays sont majoritairement incapables (et c’est une question qui ne peut être éludée quand on voit le fonctionnement consumériste et versatile d’une partie de l’électorat) et il convient d’en prendre acte en affirmant un système « paternaliste » mais qui dans ce cas doit être exemplaire et plus juste : non-cumul des mandats en nombre et dans le temps, inéligibilité à vie si condamnation dans le cadre d’un mandat, représentation proportionnelle, reconnaissance du vote blanc, véritable statut de l’élu permettant une réelle représentation socioprofessionnelle diversifiée, etc.
Soit au contraire, une majorité des citoyens est en capacité de prendre son destin en main et l’institutionnalisation du référendum doit être à l’ordre du jour pour de nombreuses questions de société ou locales (afin de définir les choix et orientations que les élus seront chargés de mettre en œuvre).
Les castes politique et médiatique de notre pays n’arrêtent pas de gloser sur le désintérêt grandissant des Français pour les élections mais il est à parier que la fréquentation des urnes connaîtrait un essor considérable dans le second cas.
- sur le fond
La focalisation incantatoire sur la Poste ne facilite pas la nécessaire réflexion à mener sur la notion même de services publics et sur leurs fonctionnements.
Tout en étant très loin d’être une liste exhaustive, les quelques pistes déclinées ci-dessous mériteraient certainement d’être approfondies :
- dissocier clairement les services régaliens (défense, impôts, police, système judiciaire) des autres services publics qui pourraient être assurés par des entreprises de droit privé non marchandes
- imaginer des structures juridiques dont le capital appartiendrait uniquement aux pouvoirs publics et aux usagers et dans lesquelles ces derniers seraient fortement représentés dans les instances dirigeantes
- redéfinir quels sont les services qui doivent être publics : doit-on garder l’acheminement du courrier et le transport ferroviaire ? Ne faut-il pas plutôt mettre l’accent sur la gestion de l’eau ou sur le monde paysan fondamentalement vitaux pour notre espèce sans oublier évidemment l’instruction et la santé ?
- recentrer le discours sur le fait que le service public est au service de l’usager et non pas au service d’une corporation (cela pose d’ailleurs plus largement la question de la multitude des statuts professionnels dans notre beau pays source de réactions corporatives à tout niveau)
Pour terminer de manière anecdotique sur la Poste, comment peut faire une personne qui habite en milieu rural et qui travaille pour s’y rendre quand on sait que les horaires des bureaux de poste existants sont généralement de 8H30 à 11H30 (au mieux 12 H) le matin et 14H à 16H (au mieux 17H) l’après-midi…