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Vote et affairisme

Jamais, depuis les législatives de 1992, survenue en pleine Opération Mains propres, l’Italie n’avait connu de campagne électorale à ce point marquée par le sceau des affaires politico-judiciaires. Et pour preuve que les leçons de l’histoire sont aussi légères que des aigrettes de pissenlits, la semaine écoulée, la dernière avant le scrutin de ces 24 et 25 février, a probablement établi de nouveaux records en la matière. Leaders politiques, top managers, banquiers, magnat de l’audiovisuel, dirigeants sportifs, pas un secteur n’a été épargné par la pluie de mandats d’arrêts et de mises en accusation de ces derniers jours. 

Jamais, depuis les législatives de 1992, survenue en pleine Opération Mains propres, l’Italie n’avait connu de campagne électorale à ce point marquée par le sceau des affaires politico-judiciaires. Et pour preuve que les leçons de l’histoire sont aussi légères que des aigrettes de pissenlits, la semaine écoulée, la dernière avant le scrutin de ces 24 et 25 février, a probablement établi de nouveaux records en la matière. Leaders politiques, top managers, banquiers, magnat de l’audiovisuel, dirigeants sportifs, pas un secteur n’a été épargné par la pluie de mandats d’arrêts et de mises en accusation de ces derniers jours.

Le cas le plus éclatant est probablement celui de Giuseppe Orsi, administrateur délégué et président de Finmeccanica, le cœur technologique de l’industrie italienne. L’entreprise, contrôlée à hauteur de 30 % de son capital par le Trésor public, emploie près de 70 000 salariés pour un chiffre d’affaire avoisinant, en recettes, les dix-huit milliards d’euros. Ses activités se déploient dans une multitude de secteurs clés tels l’aéronautique, l’énergie, les transports, ou, encore, la défense. Giuseppe Orsi, nommé sur indication de la Ligue du Nord, vient de se voir décerner un mandat d’arrêt pour corruption internationale. Selon les enquêteurs, afin de vendre au gouvernement indien 12 hélicoptères Agusta Westland (un marché de 560 millions d’euros), filiale de Finmeccanica, il aurait versé 28 millions d’euros à des intermédiaires qui, en son nom, auraient soudoyé des membres de l’exécutif local. L’Inde vient d’ailleurs de geler officiellement le contrat.

Mais il est hautement probable, toujours d’après les juges, qu’une partie de ces 28 millions ait également servi à financer des campagnes électorales de la Ligue du Nord. Pour couronner le tout, M. Orsi aurait menti aux organes de vigilances internes du groupe et tenté de déloger, par le biais de ses amitiés dans la magistrature, le procureur en charge de l’enquête. Cas de figure similaire : l’arrestation du président de Finmeccanica fait suite à l’ouverture d’une information judiciaire à l’encontre de Paolo Scaroni, administrateur délégué de l’autre colosse industriel italien, l’ENI, actif lui aussi dans le secteur énergétique. Il lui est reproché d’avoir versé un pot-de-vin de 197 millions d’euros à des membres du gouvernement algérien. 

Ce n’est pas tout : deux autres personnages de premier plan viennent également de connaître les joies de l’emprisonnement. Chronologiquement, le premier fut Giuseppe Mussari, ex-président de la Monte dei Paschi de Sienne, la troisième banque d’Italie. Bien que mise récemment sur la place publique, l’affaire démarre en 2007, avec l’achat surpayé (et présumé truqué) de la banque Antonveneta, que son concurrent espagnol Santander avait acquis trois mois plus tôt pour une somme nettement moindre. Dans la foulée de cette opération financière suicide, Giuseppe Mussari est accusé, entre autres délits connexes, d’escroquerie vis-à-vis de ses actionnaires. Ce jeudi, le dossier a toutefois connu un nouveau rebondissement avec l’emprisonnement de Gianluca Baldassarri. Le responsable du service financier de la Monte dei Paschi est accusé de chapeauter ladite « bande des 5% », groupe d’individus prélevant systématiquement une dîme personnelle sur les placements de produits dérivés. Mentionnons que Messieurs Mussari et Baldassarri gravitent depuis des années dans l’orbite du Parti démocrate, principale écurie de la coalition de centre-gauche.

Venons-en maintenant à Angelo Rizzoli, fils de bonne famille, placé en détention ce lundi pour banqueroutes frauduleuses (4 en moins d’un an). Rizzoli est un des papes de la production télévisée transalpine, ami intime de Silvio Berlusconi, et tout comme lui membre de la funeste loge P2. Une instruction a également été ouverte à l’encontre de son épouse, Melania De Nichilo, parlementaire du Peuple de la Liberté. Ce qui nous amène, par solidarité de parti, à Mauro Contini, collègue de Mme De Nichilo, détenu depuis trois jours pour avoir détouné des fonds publics destinés à la sauvegarde de zones d’intérêt écologique afin de restaurer le stade du club de football de Cagliari, appartenant à son ami Massimo Cellino, familier de longue date des geôles sardes.

Mais c’est de plus haut dans la botte qu’est venue la véritable déflagration. Plus précisément de Lombardie, dont les instances régionales seraient, selon le parquet, aux mains d’une association de malfaiteurs, conçue et dirigée par Roberto Formigoni, gouverneur régional, homme fort de la coalition berlusconienne, avec l’appui de son secrétaire général Nicola Sanese, et de Carlo Lucchina, directeur général de l’administration lombarde des soins de santés. M. Formigoni, un moment pressenti (comme beaucoup d’autres) pour succéder au Cavaliere, aurait perçu, entre 1997 et 2011, l’équivalent de huit millions d’euros de pots-de-vin en espèces et avantages divers. Ses bienfaiteurs sont deux lobbyistes agissant au nom d’Instituts privés de soins de santé, la Maugeri et le San Raffaele, ce dernier fondé par l’ancien confesseur de Silvio Berlusconi, Don Verzè. D’après l’instruction judiciaire, les dirigeants régionaux remboursaient à ces instituts, avec les deniers des contribuables, des prestations de santé fictives. 

Mais les mandataires lombards, que chacun se plaît à citer en modèle de vertu, ne semblent cependant pas avoir pour seule qualité l’ingénierie financière. Le sens de la famille, par exemple, ne leur fait non plus pas défaut. Ainsi, Stefano Galli, chef de groupe de la Ligue du Nord au conseil régional de Lombardie, déjà sous enquête pour avoir payé le banquet de noces de sa fille (62 000 euros !) avec les deniers régionaux, prend très à cœur le parcours professionnel de son gendre. Titulaire d’un diplôme du secondaire inférieur, ouvrier de son état, ce dernier aurait exercé pour le compte de la région, entre février 2010 et décembre 2012, une mission de consultance pour « évaluer l’activité légistique relative aux relations entre la Région de Lombardie et les administrations locales, en support des activités du chef de groupe Stefano Galli. » La mission fictivement attribuée par son beau-père, d’une très haute complexité technique, surtout au vu du profil de son auteur, a rapporté au gendre du chef de groupe la bagatelle de 196 000 euros (de deniers publics), plus une compensation de 12 600 euros en février 2010 et 20 000 euros en décembre 2012 pour la qualité du travail accompli.

Après tant de gravité, nous conclurons ce tour d’horizon en évoquant une affaire mineure. Elle implique elle-aussi un mandataire lombard de tout premier plan, dont nous ne citerons cependant que les initiales, S.B., car il vient de révéler son idylle avec une demoiselle de cinquante ans sa cadette, et nous ne voudrions pas entacher un amour naissant. Relevons d’emblée, une fois n’est pas coutume, que le dénommé S.B., en pleine campagne électorale, a été convoqué par la justice en qualité de témoin. Il s’agit de l’action en divorce intentée par l’époux d’une conseillère régionale de Campanie. La jeune dame a, selon ses dires, entretenu une relation amoureuse avec ledit S.B., qu’elle considère d’ailleurs comme son mentor, avant de rencontrer son actuel époux. Pour la récompenser de ses largesses affectives, S.B, homme de grande influence, lui aurait assuré son élection par le jeu des listes électorales bloquées. À son mariage, il aurait fait don aux époux d’un chèque de 50 000 euros. Puis, un mois plus tard, car S.B. est aussi un homme de cœur, il aurait ouvert à la jeune élue un compte bancaire crédité d’1 250 000 euros. Il voulait que je m’offre l’appartement de mes rêves, dira-t-elle. C’est alors que, titillé par tant de largesses, l’époux se fait soupçonneux. Il finit par découvrir que la belle aurait repris sa liaison avec S.B. Outré, il intente alors une action en divorce. Et réclame, pour toute réparation, la moitié des sommes perçues. Il se dit, dans les milieux autorisés, que S.B. prendrait l’affaire fort à cœur.  


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2 réactions à cet article    


  • TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE 21 février 2013 10:01

    COMBIEN DE DEPUTES NON LOBBYISTES A L ASSEMBLEE...IL EST PLUS FACILE CE COMPTER CEUX QUI NE LE SONT PAS (clubs hippocrate...prometeus...du vigneron....de la truffe...du camenbert)

    IDEM POUR LES SENATEURS.....SUR 350 COMBIEN A NE PAS ETRE LOBBYISTES

    D AUTRES CONSEILLERS REGIONAUX DE CECI OU DE CELA

    CES 7127 ELUS NOUS REVIENNENT A 2500 EUROS/JOUR

    il est donc plus facile pour un gouverrnement « jacobin parisien » de taxer les familles modestes a allocs et les petits retraités

    LES PAUVRES IL Y EN A BEAUCOUP.....PLUS non defendus par des tenors du barreau ou des AFFAIRES


    • titi titi 22 février 2013 08:49

      « vendre au gouvernement indien 12 hélicoptères Agusta Westland (un marché de 560 millions d’euros), filiale de Finmeccanica, il aurait versé 28 millions d’euros à des intermédiaires qui, en son nom, auraient soudoyé des membres de l’exécutif local »

      On raille souvent la mévente du Rafale. Mais on oublit que le Rafale a été proposé à la vente après que Chirac ait interdit le versement de commissions « occultes ».
      Idem pour le char leclerc : des ventes avant 99. Et puis plus rien.

      Il faudra un jour que les bien pensants occidentaux comprennent que la corruption, c’est comme cela que l’on vend aux pays du tiers monde, parce que c’est comme cela que ces pays fonctionnent. Du petit douanier au ministre, tous ceux qui ont un moindre pouvoir le monnaye. C’est pas beau mais c’est comme ça.

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