« Vous entrez en territoire Taliban : péage, veuillez préparer votre monnaie »
L’italie aurait payé les talibans, apprend-on ce jour : ouh là, l’accusation est gravissime ! Celle formulée hier par le très sérieux Times est en effet lourde de conséquences, car on le rappelle si besoin est, à l’endroit où les troupes italiennes auraient « négocié » financièrement une paix relative avec les talibans, dix soldats français sont tombés. L’information secoue en ce moment toutes les rédactions et les sites Internet. L’information avance, donc, car si l’on avait été un peu attentif, ces derniers mois, on se serait rendu compte qu’avoir des contacts, avec nos fameux talibans, tout le monde a tenté de le faire. Y compris les français, via leurs journalistes, (suivis de près, on s’en doute, par les services secrets français, ou alors c’est à désespérer), comme j’ai déjà tenté ici de vous le dire en novembre dernier sans que l’idée ne soit retenue : trop sulfureux, comme dossier. Alors, comme les infos du jour nous confortent dans ce qu’on avait dit, on va reprendre ces infos et à nouveau vous les délivrer, agrémentées des infos nouvelles bien entendu. Ces talibans réputés inaccessibles ont pignon sur rue depuis longtemps, au Pakistan, et il serait temps d’ouvrir les yeux sur les diverses compromissions auxquelles les Etats sur place se sont accordées afin de les ménager, ou de ménager leurs propres troupes. Retour sur ces étranges relations dans les alentours de Saroubi.

La séquence remonte avant Noël dernier. Une "brève" venue d’Angleterre du 18 novembre clamait avec un ton alarmiste que "les talibans menaçaient Paris" : affolement général dans les rédactions, chez 20 Minutes Web, on va un peu vite en besogne et on met en une la rame de Madrid éventrée comme illustration.... Or, dès le premier coup d’œil, les images montrées dans la vidéo jointe à la revendication des talibans laissaient un goût de déjà vu... Très vite en effet, on s’apercevait que les images avaient déjà été proposées ailleurs. Visibles donc une nouvelle fois dans un bien étrange montage commenté en anglais, (et en français), diffusé sur France 24. Avec un contraste étonnant entre les images de guerre prises en plein été et un leader religieux lisant calmement une revendication, bien au chaud dans sa maison. Il y avait bien manipulation quelque part en effet : le commentaire original en anglais affirmait qu’il a été impossible de savoir quand et où les images des talibans montrées avaient été tournées (*1) .("impossible de savoir à quelle date cette vidéo a été filmée ni d’en évaluer la crédibilité" traduisait le commentateur français).
Or cette affirmation était fausse. C’était totalement faux, puisque nous avions retrouvé à l’époque facilement l’endroit et la date où avaient été prises ces images !!! Tout cela avait été filmé le 11 Septembre 2008, par un appareil numérique Fujifilm Finepix F480, les premières vues prises à 5H47 (17 heures locales) à Saroubi, près du lieu de l’attaque des français. Et tout ceci avait été noté et reporté par un photographe... américain. Et corroboré plus tard par une journaliste française du Nouvel Observateur, qui détient toujours les vidéos d’origine, visibles en ligne encore aujourd’hui sur le site du journal !!! Par quelle étrange magie des images anciennes avaient pu être labellisées neuves, c’est intéressant à découvrir, car cela démontre en même temps une certaine collusion, d’un côté et de l’autre une tentative de manipulation de l’opinion. Mais ce n’est pas tout : cela démontre aussi la facilité à entrer en contact avec ces talibans amplement diabolisés, qui, une foi interviewés se montrent fort différents de l’image qu’on avait dressée d’eux.
En regardant plus attentivement les photos du reportage, on découvrait que l’homme au centre du reportage, le fameux "Farouk" avait déjà été interviewé plusieurs fois, notamment par les reporters de Paris Match après l’attaque sanglante, et qu’il était donc très facilement accessible... D’autant plus que ce taliban, aux mains si propres, habitait (et habite toujours) dans une confortable maison, chez lui ... au Pakistan. C’est la révélation qu’avait faite Sarah Daniel, du Nouvel Observateur, et qui n’était pas sans intriguer ! Si elle avait aussi facilement réussi à le voir, comme l’avaient fait aussi les journalistes de Paris-Match, on peut facilement supposer que des services secrets avaient pu faire de même bien avant.
Un autre journaliste américain Michael Yon, (*2) homme assez impressionnant de courage, aux renseignements toujours fiables, les avait aussi facilement retrouvés lui aussi à Saroubi, ces agresseurs, là même où les français avaient été attaqués. Lui aussi avait DEJA rencontré"Mohamood Farooq", ce leader afghan, qui n’est pas un taliban mais en fait un Moudjahidine, et qui posait déjà pour lui sur ces photos, en haut d’une colline de Sper Kundy, surplombant Saroubi Sur son appareil photo Samsung et ses Nikon, Yon avait enregistré les photos du groupe de Farouk posant avec des uniformes français intacts. Il avouait avoir REÇU également des vidéos provenant d’un appareil Fuji montrant les hommes de Farouk en armes (*4) .
C’est donc bien le correspondant de Fox News qui est à l’origine des séquences vidéos reçues sur clé USB décrites par les anglais comme étant d’origine inconnue : le "its unclear where the video it’s filmed" sermonné ce 18 novembre par les services d’infos anglais sonnait donc soit comme un gros, très gros mensonge soit comme une simple incompétence. On y retrouvait en effet déjà un homme en uniforme français complet, volé aux soldats morts, on suppose, à moins qu’il ne provenait de détournements achetés sur les bazars de Kaboul, (ou on trouve de tout), avec les lunettes noires... et une fort grosse bague à l’annulaire gauche... visible à la fois sur la photo numérique et dans l’extrait vidéo... Une erreur manifeste de mise en scène : les règles de la croyance musulmane stricte chère aux talibans interdisent en effet aux hommes de porter ce genre de bague !!! "Ibnou Abbas (radhia Allâhou anhou) raconte que le Prophète Mouhammad (sallâllâhou alayhi wa sallam) vit une bague en or au doigt d’un homme. Il le retira et le jeta, puis il dit : "L’un d’entre vous prendrait-il une braise pour le porter dans sa main..." nous dit-on sur le premier site musulman rencontré. On n’avait donc PAS affaire à un musulman. Et donc pas à un taliban !!! D’ou venait-il donc, cet extra-terrestre barbu ? Qui avait intérêt à jouer au faux taliban et pourquoi ? Plus loin, dans le reportage, Michael Yon précisait aussi que lors des contacts, les talibans ne cherchaient même pas à cacher leur identité (*4). A croire qu’ils se sentaient... protégés ? Des faux talibans, qui se seraient filmés eux mêmes, car comme le fait remarquer Yon, l’usage du téléphone portable pour prendre des vues est en effet très répandu chez les talibans (*5).
Yon avait reçu aussi des clès USB, on en trouvait aussi sur d’autres "talibans" morts ; comme le révèlait le gouverneur du district de Saroubi, Sayed Sulaiman, le 6 septembre dernier. Voici le contenu d’une d’entre elles révélée : "nous avons trouvé une clé USB sur lui. Elle contenait des photos de soldats français morts et de civils exécutés ou décapités par les talibans". " Les soldats pouvaient être identifiés en tant que Français "d’après leurs uniformes". "D’autres photos trouvées montraient l’homme arrêté, identifié comme étant de nationalité pakistanaise, tirant une roquette et "entraînant des candidats à l’attentat-suicide". Selon le gouverneur du district, "des documents et des indices indiquaient que cet homme envisageait un attentat-suicide". Exactement le contenu des reportages vus depuis des mois sur les talibans, en particulier ceux faits par la journaliste du Monde pour France 24. Les talibans ne se contentent donc pas d’agir mais de réaliser en même temps leur propagande. Pour des gens présentés comme des amateurs par certains, ils pourraient en remontrer question art de la propagande et la manipulation médiatique !
Les images ont donc été récupérées par le correspondant de Fox News, transmises en mains propres par le fameux Farouk, qui faisait donc bien marcher son "agence de com’ talibane" : car il n’est pas le seul à avoir été joint par notre communicateur afghan ! Si la journaliste de Match avait un peu de mal à nous dire quel moyen elle avait utilisé pour le rencontrer, une autre n’a pas eu les mêmes scrupules : dans le Nouvel Obs, Sarah Daniel elle aussi avait en effet pu l’interviewer et devenir la deuxième a posséder les fameuses vues depuis octobre et présentées la seconde fois le 18 novembre par les anglais comme inédites, et reprises comme telle par le gouvernement français.... dans un but évident de propagande anti-talibane. Une interview qui nous avait laissé une très étrange impression de notre Farouk, faite bien au chaud dans sa maison d’Islamabad, au Pakistan, "située entre un supermarché et le fast-food d’une célèbre chaîne américaine." Car Sarah Daniel avait levé un beau lièvre : autant la France, par son président et ses conseillers continuait à présenter l’ennemi qui avait attaqué les dix malheureux militaires comme étant des "barbares", des "osbscurantistes" qui "coupaient le doigt des petites filles qui se mettaient du rouge à ongles" (une belle légende urbaine sarkozienne, prononcée par lui à deux reprises) autant le "taliban" interviewé se montrait adroit et intelligent, parlant stratégie militaire et communication au même titre qu’un bon communicant de l’armée de terre française. Lisez-bien, car c’est absolument renversant et fait passer aujourd’hui Paris-Match pour de grands cachotiers :
"On les imaginait bivouaquant dans leurs campements d’Uzbin, près du lieu où ils ont tendu l’embuscade meurtrière du 18 août aux soldats français, ou allant chercher leurs ordres plus à l’est, dans les grottes du Kunar, dormant à même le sol dans leurs chadar, les châles de laine afghans, autour des feux de camp, leurs armes serrées contre eux. En guérilleros des montagnes habitués à l’altitude et à la poussière, troupe de guerriers vivant de rapines dans ces villages où ils trouvent des refuges temporaires. Comme dans les films que le « département médias » des talibans diffuse sur internet ou distribue dans toutes les bonnes librairies de la région « spécialisées » dans le djihad. La réalité, on le sait, n’a souvent rien à voir avec la propagande de guerre. Les commandants talibans et une bonne partie des hommes qui ont lancé l’assaut contre les soldats français et tué dix d’entre eux ne vivent pas en Afghanistan mais... au Pakistan. Ils habitent de confortables maisons avec leurs femmes et leurs enfants dans le centre embouteillé d’une grande ville proche de la capitale, Islamabad, entre un supermarché et le fast-food d’une célèbre chaîne américaine. C’est là que nous les avons trouvés alors que nous ne les cherchions pas, en remontant la piste d’effets très personnels ayant appartenu aux soldats français et que l’on nous a proposé d’acquérir, sans la moindre gêne, dans cette région où tout se marchande".
Sarah Daniel n’avait eu aucune difficulté à entrer en contact avec "Farouk" : "il n’était pas nécessaire d’aller loin pour les rencontrer. Ils étaient là, à quelques pas de notre hôtel, proprement mis dans leurs shalwar kamiz immaculés, la barbe bien taillée et un topi, une petite calotte blanche sur la tête. "Nous étions trois commandants talibans dans l’attaque d’Uzbin : le mollah Zabihullah Mujahed de Saroubi, le commandant Farouqi, de la région de Laghman, et moi". Lui ? C’est Omar Khattab, 25 ans, mais qui a l’air d’en avoir dix de plus, commandant taliban de la région d’Uzbin, confortablement installé dans un fauteuil de prince saoudien orné de volutes de stuc doré. L’attaque contre les Français, c’est ma onzième opération. La dernière fois, c’était contre les Italiens." Ah tiens, on est donc bien sur le même endroit et le même sujet : c’est bien exact, les italiens étaient bien les prédécesseurs des français à Saroubi, et n’avaient essuyé qu’une seule perte durant toute leur présence. Il y avait en fait une explication sournoise au fait : on sait aujourd’hui qu’en effet, après la perte d’un soldat italien (par accident !), des négociations avaient eu lieu pour éviter les heurts. Selon Giuseppe Genovese, le lieutenant italien sur place, cette zone a été très calme durant la totalité de la période où nous l’avions en charge. Nous nous sommes concentrés sur des opérations à destination de la population civile. Il n’y avait pas d’attaques, pas d’attentats suicides comme dans le reste du pays. Le seul mort que nous avons eu dans le district, en février, a eu lieu au cours d’un accident".
Un accord qui avait volé en éclats fort récemment, avec le terrible attentat qui avait fait 6 morts le 17 septembre dernier, uniquement chez les italiens : c’était donc ciblé comme intention. Comme possible explication, on peut retenir l’épisode du 3 mai qui précédait, un soldat italien ayant tué une gamine de 12 ans nommée Behnooshahr, à Farah, en tirant à l’aveuglette sur une voiture roulant trop vite : il y avait-il eu avec cette mort brutale de jeune civil, du fait d’un soldat italien affolé, une rupture de la trêve talibane ? Peut-être bien, car on ne sait sur quels termes reposait l’accord passé.
En tout cas, on sait néanmoins quand les rapprochements talibans-Italie ont commencé. Cela date d’au moins cinq années maintenant. L’histoire remonte à la capture, le 27 juillet 2004 du Mollah Abdul Latif Hakimi, le porte parole des talibans, près de Dera Ismail Khan au Nord-Est du pays. L’homme avait été arrêté par les pakistanais en pleine conférence de presse devant des télévisions (dont on ne précisait pas le nom, car il devait en avoir de tous bords, y compris américaines !), et plus tard remis au gouvernement afghan. Or une suite d’enlèvements de personnes d’origine italienne allait l’aider à recouvrer la liberté. Le 9 juin 2005, où une aide humanitaire de CARE International, Clementina Cantoni, 32 ans avait été libérée après 24 jours de détention... et avoir été détenue par le talibanTemur Shah. C’était le cinquième kidnappé italien en 12 mois, après Simona Torretta et Simona Pari, et Enzo Baldon (qui avait été tué), et la journaliste Giuliana Sgrena, dont la libération provoquera un bel imbroglio américain (les gardes US tueront son policier sauveteur, devenu depuis héros posthume en Italie !). A chaque fois, l’état italien semblait bien avoir craché au bassinet pour obtenir les libérations, comme à chaque kidnapping, de toute façon. Le 5 mars 2007 c’est au tour du journaliste italo-suisse Daniele Mastrogiacomo d’être kidnappé avecAjmal Naqshbandi, un journaliste afghan et leur chauffeur, nommé Agha. Mais cette fois, le prix monterait d’un cran encore... chez les talibans, qui ne vont plus exiger que de l’argent.
Les talibans ayant exercé un simulacre de décapitation devant les caméras (et allant même jusqu’à tuer ainsi plus tard Agha), le gouvernement italien a alors accepté de faire libérer deux, puis cinq talibans emprisonnés en échange de la liberté de Mastrogiacomo et son voisin de détention : un vidéo ou le journaliste implorait l’Italie de ne pas le laisser décapiter avait eu un rebondissement énorme. Des chefs talibans tous emprisonnés... en Afghanistan : les négociations furent donc obligatoirement tripartites, ce qui n’est pas évident et alourdit la note finale. On tombe dans le délicat domaine diplomatique. Tous talibans de haut rang, dont notre fameux Abdul Latif Hakimi, le Mollah Shah Mansoor, le frère de Dadullah Shah ainsi que Ustad Yasar, Mansoor Ahmad, Hamdullah et Abdul Ghaffar. Il va sans dire que dans tous ces cas, des liens ont donc été tissés entre le gouvernement italien, les talibans... et le gouvernement de Karzaï (qui au passage a dû aussi se servir, le connaissant !). Une libération, mais très certainement aussi à la clé une grosse somme en lires (convertis en dollars aussitôt). Et pourquoi pas également un pacte de non agression à la sortie, contre versement d’une certaine somme d’argent nous confirme aujourd’hui le Times : c’est plausible, car à l’époque les premiers morts chez les soldats et les rançons versées dont tout le monde se doute déplaisent à l’électorat italien, plutôt conversateur, on le sait. Selon certaines sources, un ancien agent du FBI, Jack Cloonan, membre du cabinet spécialisé Clayton Consultants, avait bien exprimé le fait qu’à ce stade, ce n’était plus l’armée qui négociait, mais bien directement le gouvernement italien, puisqu’il devait aussi obtenir l’accord d’un autre gouvernement pour relâcher les prisonniers (*6).
Acheter la paix, en quelque sorte... c’est donc ce qu’aurait fait l’Italie de Berlusconi en plein doute sur la question ? Sauf en cas d’interférences de dernière minute, cela pouvait se concevoir, chez un gouvernement qui n’a eu un engagement afghan que de façade. Le 19 mars 2007, le deal était scellé et les cinq dirigeants talibans relâchés. On imagine fort mal dans les jours qui allaient suivre l’armée italienne à nouveau les pourchasser ou leur tirer dessus ! L’élargissement des chefs talibans impliquait nécessairement une trêve pour suivre ! Seulement voilà, au moment où un accord de non agression semble bien avoir été conclus et fonctionnel... patatras. Le 12 mai suivant, le Mollah Dadullah, un leader historique taliban, proche du Mollah Omar, l’homme de Quetta et de Kandahar, qui avait suivi de près toutes les négociations italiennes, justement (et qui en avait certainement bénéficié financièrement, donc) était tué part un commando anglais des SBS. Le 7 juin qui suivait, les talibans échangeaient son corps contre quatre travailleurs afghans du ministère de la santé, eux aussi enlevés. Le cinquième malheureux détenu avait été décapité, au prétexte que le corps n’avait pas été renvoyé assez vite... On le voit, dans ce jeu immonde, ce sont bien les talibans qui menaient et mènent encore la danse, et les italiens se faire mener par le bout du nez ! Les services spéciaux anglais ont-il commis l’erreur à ne pas faire en supprimant Dadullah ? C’est bien possible : le manque de coordination des services secrets est un autre facette délicate du problème ! Evidemment, si on demandait alors à Sylvio Berlusconi s’il avait négocié quoi que ce soit, on avait droit à un démenti catégorique, façon Rainbow Warrior et Fabius, disons, pour donner une petite idée.
Sarah Daniel, elle, avait bien rencontré le même individu, ce Farouk si médiatique, et était revenue avec les mêmes vidéos que celles de Yon : dans son interview donnée au Nouvel Obs... que voyait-on apparaître au beau milieu, en effet ??? Les mêmes photos que celles que nous proposaient les anglais !! Le même Famas et les mêmes grenades, présentés par le même individu, à savoir Omar Khattab toujours : la phrase "on ne sait pas où cette vidéo a été filmée" des services d’information anglais s’effondrait alors totalement : nous les avions donc même déja VUES ici en France, ces images !!!! Et ce, dès le 16 octobre 2008, la vidéo ayant été mise en ligne ce jour-là à 15:05:07 sur le site de l’Obs... Mais de cela, le gouvernement français ne parla pas : ce qui comptait, à l’époque était de faire peur. Les talibans, demain, au pied de la Tour Eiffel, on n’en n’était pas loin en novembre 2008 dans les journaux !
Dans ces vidéos, on n’avait donc pas affaire à des Talibans mais en fait à des anciens Moudjahidine, dont les images avaient été détournées à des fins de propagande alarmiste !!! Des combattants nationalistes, plutôt désunis, qui n’acceptaient pas qu’un de leur ancien chef de guerre afghan revendique seul l’attaque : "Hekmatyar n’a pas participé à l’attaque contre les Français. Il a voulu tirer la couverture à lui ! ", martèle Khattab, agacé de cet excès de vanité de son cousin de djihad. Omar Khattab, le commandant taliban d’Uzbin, vit donc au Pakistan et se bat en Afghanistan comme des milliers de talibans, des dizaines de milliers de leurs sympathisants, des centaines de milliers de Pachtouns et près de 3 millions d’Afghans". La première revendication de l’accrochage avait effectivement été faite par le mouvement est le Hizb-i-Islami ou HIG (pour Hezbe Islami Gulbuddin) et par son chef lui-même, ce fameux Gulbuddin Hekmatyar, dont on vous a déjà parlé, celui qui la CIA a arrosé de dollars pendant des années. Or celui-là aussi apparaît dans la vidéo "anglaise" comme celui qui menaçait la France !
Car c’est bien lui, l’homme en turban qui parlait d’attaquer le pays dans ce montage des anglais !!! Ce dernier, ancien ministre afghan, avait déjà été approché par Amid Karzai pour faire partie de son gouvernement, comme on vous l’a déjà dit. Un Karzaï qui déclarait alors être prêt à discuter aussi avec le Mollah Omar, l’homme le plus recherché de la planète avec Ben Laden, dont il serait le second. Un Karzaï alors désireux de faire passer la pilule de la discussion envisagée avec le Mollah Omar dans l’opinion américaine et internationale : nous avions déjà dit à plusieurs reprises que Karzai serait bien forcé d’y arriver, et c’était en train de se passer, à part que deux groupes pointent désormais le bout du nez et non un seul : les talibans, mais aussi les anciens moudjahidine et leurs anciens chefs de guerre, qu’on a tendance à avoir oubliés, et qui visiblement s’en prenaient désormais aux forces de l’Otan comme ils s’en prenaient auparavant aux forces Russes. L’idée de force d’occupation a fait son chemin chez eux et dans le pays, et ça semble irréversible : ces gens là se battent depuis toujours contre des envahisseurs, et rien d’autre. Des chercheurs français l’avaient bien expliqué dans leur mise au point du 5 septembre dernier.
On a confondu plusieurs choses, en effet, comme le notaient ces chercheurs français : ce n’étaient pas obligatoirement de purs "talibans" qui étaient à l’origine de l’embuscade contre les français. Et aujourd’hui, tare supplémentaire, on apprend que cette embuscade faisait suite à un manque évident de coordination avec les armées sur place, les italiens ayant passé parait-il un accord très particulier avec ces talibans sans en prévenir les français. On les comprend, remarquez : ce faisant, ils seraient passés pour des pleutres. Ce qui rend la mort de jeunes soldats français doublement dérisoire, les pauvres ! Comme le dit en effet dès le 5 septembre dernier Mariam Abou Zahab, chercheur au CERI-Sciences Po, qui "regrette que "+Taliban+ soit devenu un terme fourre-tout qui désigne toute personne opposée au gouvernement Karzaï et à la présence militaire étrangère. Vous avez, surtout dans le Sud, des combattants extrêmement jeunes qui sont avant tout nationalistes. Leur discours est basique mais efficace : des troupes non-musulmanes (ils disent "infidèles") ont envahi mon pays. C’est mon devoir de les combattre. Point.Ce sont des gamins ruraux, illettrés", ajoute-t-elle. "Leurs seules références, c’est le mollah et le responsable tribal. C’est très local". Et d’une. Confirmation obtenue juste après de la bouche même du porte parole omniprésent : "Dans l’interview accordée à Paris-Match, le "commandant Farouki", qui affirme avoir participé lui-même à l’embuscade contre la colonne française, affirmait en effet lui aussi : "les Français ont franchi une limite en venant près d’ici. La vallée d’Uzbin nous appartient. C’est notre territoire". Et de de deux. Un territoire où parfois on négocie un droit de passage, un octroi moyen ageux comme on dû le négocier les italiens, selon l’article explosif du Times. Si vous nous payez, on ne vous attaquera pas. Une fois partis, les premiers qui repassent sans payer ou qui n’ont été mis au courant du tarif du péage... se feront tuer. Les italiens, eux, visiblement, avaient mieux compris et avaient certainement fait le voyage à Islamabad pour prendre le thé avec "Farouk" !
Le dénommé Farouk que l’on rencontre bien au chaud chez lui, autour d’une tasse de thé, n’a rien de taliban, pas plus que Omar Khattab, ce sont des chefs de guerre locaux comme l’étaient aussi les moudjahidine de... Massoud ! Pour s’en convaincre, il suffit de suivre... la courageuse journaliste du monde, Claire Billet. Car, déjà, un reportage de Billet, du Monde, dont les images fixes sont visibles ici, auraient dû nous mettre sur ce chemin. C’est celui sur le groupe "Haji Mollah, qui a trente ans d’expérience de combat : il a lutté contre les Russes et le gouvernement afghan pro-soviétique, puis aux côtés des Taliban dans la guerre civile et depuis 2001 contre les forces étrangères" nous dit ce même reportage. La vidéo a été diffusée sur France 24. Sous le titre "Exclusif : Au combat, côté Taliban". C’est visible ici, dans le magazine "Reporters". On y apprend que ce sont des Moudjahidine et non des talibans (malgré le titre du reportage !), ce qu’on retrouve encore chez un autre reportage encore. Il commence celui-là par la publicité pour un engin anti-char des années soixante d’origine russe et copié sur un modèle américain sans recul du type 75 SR. Le groupe décrit est celui d’Abou Tayeb, et est actif dans la province du Wardak. Elle l’avait déjà suivi en novembre 2007. . Et l’avait trouvé et filmé au sud vers Kandahar. On y avait vu notre homme présenter des mines anti-char mais déjà un bout d’équipement français : un pistolet et son holster neuf, bien visibles dans le reportage de Claire Billet, et ce bien avant l’embuscade française donc. Une faille dans les fournitures d’équipement des soldats français existe, à n’en point douter. Les mêmes mines qui ont tué un soldat français de plus après l’attaque principale de Saroubi, et d’autres encore depuis.
Dans le cas de la récupération talibane de l’attaque contre les français, il y avait donc plusieurs revendications de groupes différents qui voulaient tous se faire de la publicité avec cette embuscade "réussie" contre les français (*7). D’autant plus réussie que les français ne pouvaient s’y attendre : le secteur était réputé "calme", pour les raisons que l’on connaît aujourd’hui : les italiens n’y mettaient pas souvent les pieds, au nom des fameux accords passés, tout simplement. Ils étaient donc tous susceptibles d’avoir raison : il y avait au moins trois groupes différents de présents parmi la centaine de combattants réunis ce jour-là ! Et loin d’être tous des talibans. Sous la houlette du nommé Farouk, rencontré par Sarah Daniel et qui était bien ce "Farooq" (à l’américaine), et ce "Farouki" décrit dans le reportage de Paris-Match du mois d’août. Toujours le même individu. Un homme connu de beaucoup de gens, vivant tranquillement au Pakistan qui menaçait de tuer 3000 soldats français si les troupes françaises ne partaient pas (*8). Un "interlocuteur", dirions nous, à ne pas négliger. Les anglais auraient donc découvert l’hiver dernier son visage sur Al-Arabiya, sans même vérifier la provenance européenne de ces images déjà montrées en France ? Impossible à croire ! C’est un service de renseignements spécialisé, pas une boite en carton pleine de diapositives en désordre !
On a donc bien tenté, en novembre 2008, de tromper les français, en laissant croire à une menace somme toute assez floue. Dans quel but exactement que cette opération d’intoxication médiatique ? Celle de pousser à davantage d’action contre les fameux talibans "obscurantistes" qui n’en sont pas vraiment car étant des moudjahidine, encensés en France au temps de Massoud ? Ou celle des talibans/moudjahidine eux-même faisant pression sur le gouvernement français pour qu’il... paye son droit de passage à Saroubi ? Et ce faisant, avons-nous eu un gouvernement vexé, qui répondait par une campagne de peur généralisée pour provoquer un sentiment de haine encore plus profond à leur encontre ? Le problème de l’argent révélé par le Times n’est qu’une demi-surprise à vrai dire. Les américains l’ont fait pendant des années avec les moudjahidine, or ce sont justement en majorité dans le secteur des moudjahidine, habitués à voir tomber les billets verts directement des hélicoptères de la CIA (nous y reviendrons dans notre série, vous verrez, c’est fou ce qu’on a pu déverser comme millions) ! Dix mois après on peut y voir en effet un appel du pied taliban au tiroir caisse français : ça avait si bien marché avec les italiens, pourquoi ne pas le tenter avec la France ? "Sans vouloir chiffrer aussi précisément l’étendue de la pratique, un officier occidental explique que « comme ce n’est pas très valorisant et pas reconnu officiellement, on n’ose pas toujours en parler clairement, on a un peu honte... Du coup, parfois ça communique mal entre l’ancienne unité sur place et la nouvelle unité venant la relever », comme ce qui s’est peut-être passé entre les Italiens et les Français" explique-t-on dans Cyberpresse.
Dix soldats français seraient morts pour une telle stupidité ? Morts à un péage taliban, faute de monnaie ? C’est bien possible : en Afghanistan, depuis plus de vingt ans, tout est devenu fou, tout s’achète... et tout se vend. La guerre... comme la paix.
(1) "its unclear where the video it’s filmed"
(6) "ABC News consultant Jack Cloonan, a former FBI agent now with Clayton Consultants, a crisis management firm, has dealt with kidnap-for-ransom situations in both Afghanistan and Iraq. He says that while hostage trades are made all the time, they are usually for cash, not the release of captured fighters."This suggests to me that the Italian government got involved," said Cloonan. "Once that happens, everything is on the table." Cloonan said the trade is also a clear reflection of the unstable security situation there and the weakness Hamid Karzai’s government.
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