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Accueil du site > Tribune Libre > « VSD », au service de Mme Dati en campagne électorale sur un refrain de (...)

« VSD », au service de Mme Dati en campagne électorale sur un refrain de Julio Iglesias : Non ! « Je n’ai pas changé ! »

Mme Dati, on le sait, est en campagne. Sur ordre de son mentor, le président Sarkozy, elle a dû se résigner à bientôt quitter son prestigieux poste de ministre de la justice pour figurer plus humblement sur la liste UMP de la région Ile-de-France aux élections européennes. Quand on a été habitué à monter en ascenseur, on a du mal à se faire à la chute libre même en parachute.

 
Un des journaux officiels vient, cependant, une fois de plus, de lui offrir ses colonnes pour démarcher ses électeurs. VSD, en couverture comme en pages intérieures, la montre en famille. La partition jouée est le retour de Cosette à l’humble logis paternel avec pour message à l’intention des naïfs dont elle guigne les voix, le refrain de Julio Iglésias : « Je n’ai pas changé ».

Des photos soigneusement banales 

La photo de couverture et une autre en pages intérieures obéissent aux même règles. Ce sont des plans d’ensemble du groupe familial où Mme Dati est entourée de ceux qu’on devine être son père, ses sœurs, frère ou beau-frère, neveux et nièces. Le photographe s’est appliqué à livrer les photos les plus banales possibles, telles que celles qu’ à l’occasion de retrouvailles, toute famille modeste prend d’elle-même pour en garder souvenir, mais qui n’intéressent qu’elle seule et personne d’autre. Mme Dati pense, au contraire, que les siennes doivent intéresser ses électeurs. Les personnages sont assis alignés sans façon, serrés les uns contre les autres ; soit ils regardent l’objectif en posant contents d’eux-mêmes et de se retrouver ; il manque un gamin pour faire le pitre et planter ses doigts en V cornu derrière une tête. Soit ils feignent d’ignorer qu’on les photographie : ça fait plus naturel ! C’est le leurre où l’ information donnée se déguise en information extorquée pour paraître plus fiable.

Les métonymies de la modestie sociale

Deux canapés qui se font face, suffisent au décor, sans autre contexte, devant un mur ocré impersonnel de HLM, nu de toute décoration. Ils en disent assez comme effets d’une métonymie de l’intérieur modeste d’une famille nombreuse qu’on sent à l’étroit. Pas même une tablette où poser verres ou journaux, pas une lampe, rien ! Il n’y a pas de place. Peut-être reconnaît-on un tapis de laine écrue au sol, ce n’est pas sûr. Tout juste des couvertures à rayures colorées, jetées sur les canapés-lits où est assise la famille, rappellent-elles, par intericonicité, une provenance probablement maghrébine. Les vêtements de chacun, eux, sont des plus ordinaires : un garçon est même en chaussettes, et Mme Dati, en pantalon, pull et bottines noirs. Pas de bijou pour étinceler. Le contraste avec ses précédentes exhibitions est vertigineux. On est loin, très loin des robes Dior dans lesquelles Mme Dati paradait sur Paris-Match.

Le symbole de la ministre de la justice redevenue petite fille

La photo de couverture la place comme il se doit au centre de la page, mais c’est celle en pages intérieures qui retient davantage l’attention. Elle sent affreusement le négligé-apprêté, tant elle donne l’impression d’avoir été soigneusement ratée. L’objectif paraît avoir saisi, en effet, un moment à l’improviste, comme à l’insu des sujets : ils ont tous les yeux ailleurs et sont apparemment muets. Si une jeune femme consulte son portable, les autres personnages ont le regard perdu, ils s’ennuient, on dirait ; ils s’ignorent même les uns et les autres à l’exception de deux gamins jouant assis par terre. On y verrait bien une autre métonymie qui trahirait le vide sidéral relationnel qui sévit entre les membres d’une même famille qui n’ont pas grand chose à se dire.

Mais il semble que ce soit plutôt le thème « Je n’ai pas changé  » qui soit magistralement joué. Le père, tête chenue, grave, voire lugubre, trône à l’extrémité droite du canapé, dominant de la tête tout son petit monde, son « clan », selon le mot employé par le titre en couverture, dont on se demande s’il convient pour nommer un groupe si peu nombreux et si féminisé ? Et dans la diagonale que paraît suivre son regard hagard, se trouve, à l’autre extrémité, Mme Dati, Mme la ministre de la justice, non pas assise par terre, mais écroulée contre le canapé, une jambe écartée et repliée à la manière des enfants. Son regard est tout aussi absent, la main ouverte inexpressive, au bout d’un bras tendu échoué sur la cuisse : mesure-t-elle secrètement le chemin parcouru, entre la place Vendôme et ses ors qu’elle vient de quitter et le triste HLM de ses origines où elle se retrouve ? En tout cas, le symbole de la posture de la fille en dessous du père dominateur suffit à évoquer la structure patriarcale traditionnelle de la famille, dans laquelle vient se réinsérer tout naturellement la ministre de la justice comme autrefois.

La stimulation des réflexes d’identification et du classisme

Ainsi « l’intimité du clan Dati », selon le titre de VSD pour stimuler un réflexe de voyeurisme, montre-t-elle qu’elle a beau être ministre et vivre désormais parmi les grands sous les lustres des palais lambrissés de la République, quand elle revient parmi les siens, Mme Dati redevient la petite fille modeste d’autrefois, retrouvant instinctivement ses anciennes habitudes dans l’étroit appartement familial.

C’est pour ses électeurs qu’elle s’exhibe de façon aussi ridicule. Qu’ils puissent se dire : « Elle est bien, Mme Dati, elle n’est pas fière, elle au moins ! », à condition qu’ils n’aient pas gardé les couvertures de magazines où elle s’est longtemps pavanée en arriviste ravie de montrer jusqu’où elle était parvenue ! Mais l’arrivisme, a-t-elle dû cette fois calculer, commande aujourd’hui, si elle veut être élue, qu’elle exhibe ses origines modestes aux électeurs modestes, pour leur dire qu’elle est des leurs. Vont-ils se laisser prendre à ce leurre grotesque qui vise à stimuler à la fois un réflexe d’identification et un réflexe classiste de solidarité entre dominés au profit d’une ancienne dominée passée corps et biens chez les dominants ? C’est bien possible !


Si on mesure, en tout cas, à la qualité de l’ information qu’on lui livre, la considération que l’on témoigne à son interlocuteur, celle de Mme Dati envers les lecteurs de VSD n’est pas bien grande. Pendant qu’étaient prises, en effet, ces photos misérabilistes montrant que Cosette, parvenue chez les riches, n’a pas du tout changé, on l’imagine, la limousine de Mme la ministre avec chauffeur et garde du corps devait stationner devant la cage d’escalier. On suppose aussi qu’un cordon de policiers retenait une masse de badauds venue voir la princesse descendue sur les lieux de sa jeunesse, du temps qu’elle était encore bergère. Et après ça, on prétend encore que l’ascenseur social est en panne ? Paul Villach

Documents joints à cet article

« VSD », au service de Mme Dati en campagne électorale sur un refrain de Julio Iglesias : Non ! « Je n'ai pas changé ! »

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10 réactions à cet article    


  • french_car 31 mars 2009 10:23

    Villach, c’est terrible cette haine contre les enfants que l’on dit issus de la diversité. Vous avez aimé l’Année de la Jupe parce-que ce film en donne une image haineuse, par contre lorsque VSD en donne une image à l’eau de rose cela ne vous convient pas.
    On s’accordera sur l’incompétence de Rachida Dati - principe de Peter oblige et son gout du luxe mais qui n’aime pas le luxe dans ce gouvernement ? Bien-sûr que le cordon de CRS était au pied de l’immeuble, il ne s’agit pas de laisser un ministre sans protection au milieu d’une cité.
    Rachida Dati et ses soeurs, son frère Lhouari, tels que présentés lors d’une émission hier soir sont d’authentiques enfants de l’immigration intégrés à la force du poignet. Elle reconnait qu’elle a dû aider son père à gérer certains frères "à problème".
    Encore une fois Rachida Dati n’est pas ma tasse de thé mais force est de constater que sa famille ne cadre pas avec l’image que vous aimeriez en avoir.
    Delenda administratio smiley


    • Cher Paul Villach,
      Reste qu’au delà de cette campagne électorale qui s’annonce insipide au denier degré...il y aura au moins quelques heureux à savoir les magistrats, qui se prennent à espérer que cette fois ils auront ....un vrai Ministre de la Justice et non une barbie royalement incompétente et ...dit-on insupportable.


      • cathy30 cathy30 31 mars 2009 13:31

        Paul Villach comme vous êtes facetieux
        j’adore le coup des chaussettes et l’humilité de mme dati tout de noir vetu en bas de ce canapé. Mais où à t"elle mis sa petite robe rose léopard ? comme vous le soulignez. Ils sortent le fantôme du placard, ça se vend encore ? merci, j’ai bien ri, il nous reste au moins ça, pour l’instant.


        • souklaye 31 mars 2009 16:50

          le prototype rachida

          Si j’étais directeur de casting institutionnel, connaissant l’avis volatile voire contre-productif de vox populi et la vulgarité consubstantielle des bénévoles humanistes, il faudrait anticiper les modes savamment marquetées et les mœurs faussement transgressives en promotionnant…

          … des protagonistes en forme de logo ou de statistiques, correspondant au bruit du folklore et à l’odeur du groupe, le niveau de compétence et l’expérience sont accessoires dans cette affaire si les critères de fantasmes, de représentation puis de personnification sont remplis, ne pas s’inquiéter des dommages putatifs, l’arrière-boutique n’intéresse personne tant que la vitrine est belle.


          Ou
… des produits voués à l’échec, que la concurrence laisse en jachère car ils ne sont pas conformes au standard de vente, mais leur mise en marché plus symbolique que mercantile permet à la fois d’organiser la panique chez l’outsider et de diversifier son offre thématique, tout en fidélisant des consommateurs sans avoir à les éduquer.

          Ou
… le naturel national, les fondamentaux patriotiques et le collectif docile, les pratiquants professionnels de l’hymne font de bons VRP républicains, le dirigisme empirique d’un entraîneur ou le volontarisme conditionné d’un sportif séduit les futurs licenciés comme les masochistes en manque d’autorité.

          La suite :

          http://souklaye.wordpress.com/2009/03/25/le-subjectif-au-conditionnel-si-j’etais-directeur-de-casting-institutionnel/

           

           


          • morice morice 31 mars 2009 22:07

             un météore ça peut atterrir dans un salon ?? ah ouais ?


            • morice morice 31 mars 2009 22:08

               marrant : on nous vante l’intégration... et on parle du CLAN DATI.. ah ah ah !!!


              • docdory docdory 1er avril 2009 00:37

                 Cher Paul Villach
                Curieux , cet emploi du mot " clan " à la place du mot " famille " . Ce mot a en général une connotation archaïque assez négative . Quand on entend le mot " clan " , ce qui vient immédiatement à l’esprit , c’est quelque chose de vaguement mafieux : le clan des siciliens , le clan Corléone , les " systèmes claniques " , les combines gangstéro-indépendantiste corses, le "clan Colonna " ( en tout cas avant que la culpabilité de celui-ci ne ressemble à un conte des mille et une nuits ! ). Patriarcat et omerta sont les deux mamelles du mot clan. D’autres images , encore plus négatives , viennent à l’esprit , images de sociétés secrètes malfaisantes comme le " ku klux klan " .
                 A vrai dire , la seule image positive qui vient à l’esprit serait celle du " clan Kennedy " , encore que cette image évoque également des morts violentes , et une présidence Kennedy qui a connu sa part d’ombre ( après tout , le début de la guerre du Vietnam, c’est Kennedy .
                 Etrange, donc , pour un article qui se veut hagiographique , d’employer un terme aussi connoté négativement que celui de " clan" . S’agirait-il d’un lapsus inconscient d’un journaliste qui aurait pu être obligé faire cet article sans en avoir réellement envie ?


                • Paul Villach Paul Villach 1er avril 2009 11:04

                  @ Docdory

                  Excellent complément à mon article. Je m’en veux de n’avoir pas développé moi-même cette analyse du mot clan. Merci, cher Docdory ! Paul Villach


                • sisyphe sisyphe 1er avril 2009 03:53

                  Tiens... 

                  On a supprimé mon post, où je demandais pourquoi il n’y avait pas également les photos des frères de la mère Dati en prison, et celle de l’anonyme père de l’enfant naturel, remarquant qu’elle avait le "clan" sélectif, l’arriviste "issue de la diversité"... 

                  C’était politiquement incorrect ? 

                  Curieux.... 


                  • linus20024 linus20024 1er avril 2009 09:03

                    Le cas Rachida Dati est la quintessence de ce qui cloche dans la république française et ses institutions. Le livre "belle amie" vaut ce qu’il vaut, n’empêche qu’il est édifiant sur la façon dont une arriviste peut avec un culôt monstre accéder aux plus hautes fonctions de l’état.
                    La prestation de Rachida Dati dans "vie privée/vie publique" ajoutée aux photos parues dans VSD illustrent bien le fait qu’elle n’a définitivement rien compris au comportement qu’impliquait sa fonction.
                    On ne peut que s’étonner d’ailleurs de la condescendance des journalistes à l’époque où elle posait aux côtés de John galliano et consorts en robe de soirée, comportement totalement innaproprié pour une ministre de la justice.
                    Comme l’a fait remarqué tristement un internaute sur le site "libération.fr", le nombre de suicides entre janvier 2008 et 2009 a atteint des sommets et manifestement, elle continue à s’en foutre éperdumment.
                    Je plains les députés européens qui vont devoir se la coltiner à longueur de journée...

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