Washington s’en prend-il délibérément à la Chine ?
Je ne suis pas surpris par les propos du président américain Joe Biden sur Taïwan, qui est allé jusqu’à dire que la Chine « jouait avec le feu » à Taïwan, par sa menace sans précédent de recourir à la force pour défendre l’île en cas d’attaque chinoise, et par sa déclaration selon laquelle c’était « un engagement que nous avons pris. »
À mon avis, cela correspond au langage bourru que Washington a utilisé pour exprimer son attitude envers Pékin ces derniers temps, notamment à la suite de la crise ukrainienne.
Il semble clair que la simple comparaison par le président Biden d’une éventuelle opération militaire chinoise pour s’emparer d’une île que Pékin considère comme « partie intégrante de la mère patrie » avec ce qui s’est passé en Ukraine a provoqué la partie chinoise.
Le ministère chinois des Affaires étrangères a cherché à souligner que « la question de Taïwan est une affaire purement intérieure. » « Sur les questions touchant aux intérêts fondamentaux de la Chine, à savoir la souveraineté et l’intégrité territoriale, la Chine n’a pas de place pour le compromis, » a-t-il déclaré.
La Chine accepte une simple discussion sur la question comme une question d’affaires intérieures concernant la souveraineté de l’État, que la diplomatie chinoise défend depuis longtemps dans le cadre des principes et des lois internationales. Elle adopte une approche diplomatique pour toutes les questions et les crises.
Je ne pense pas que le président Biden lance une bombe verbale, comme certains le disent, pour couvrir d’autres échecs des États-Unis. C’est une action tout à fait mesurée et mûrement réfléchie, du moins de la part du cercle intime du président. De telles gaffes linguistiques, qui se produisent de temps en temps, sont inacceptables ici.
Mais ses objectifs nécessitent une analyse plus approfondie. Biden n’a pas mentionné l’aide à Taïwan comme dans le scénario ukrainien, mais il a été clair sur l’intervention militaire directe des États-Unis pour sa défense.
Mais surtout, Biden va diviser le monde en deux nouveaux axes, les démocraties et les régimes autoritaires, en considérant la région Asie-Pacifique comme le principal champ de bataille dans cette arène stratégique majeure. Il est important de ne pas perdre de vue que le président Biden a fait cette déclaration au Japon.
Il voulait obtenir un soutien en essayant de réaffirmer l’unité des « démocraties » face aux « régimes autoritaires, » tout en mettant la Chine et la Russie dans le même panier. Mais sans aller jusqu’à diriger une politique d’isolement ou de sanctions contre la Chine et la Russie, du moins pour l’instant.
Plus près de la vérité encore, le président Biden cherche à empêcher la Chine de copier le scénario ukrainien et de tenter de restaurer sa souveraineté sur Taïwan par une opération militaire similaire à celle que mène actuellement la Russie. Inutile de dire que Washington est pris entre deux options difficiles pour résoudre la question de Taïwan.
La première consiste à maintenir la politique d’ambiguïté stratégique qui a prévalu au cours des dernières décennies et années, alors que la Chine a toutes les chances de mal calculer la réponse américaine si elle attaque Taïwan, plaçant les États-Unis devant l’un des tests les plus difficiles de leur histoire moderne. Ils devraient alors défendre directement Taïwan.
L’alternative est la fin des États-Unis en tant que puissance mondiale. La deuxième option est de contenir la Chine par tous les moyens et d’empêcher une répétition du scénario ukrainien ou de réaliser les menaces de Pékin de rétablir la souveraineté sur Taïwan.
Dans ce contexte, on peut comprendre les motifs de l’abandon de la politique d’ambiguïté et de la révélation des intentions américaines, même en passant (en affirmant puis en niant un changement de politique et de direction des États-Unis à l’égard de Taïwan), ce qui pourrait contribuer à contenir, voire à retarder, tout projet chinois d’attaque contre Taïwan.
Les déclarations du président Biden ont une grande valeur stratégique, même si elles peuvent sembler très limitées si on les considère comme une évaluation précise des gains et des pertes stratégiques potentiels si l’« ambiguïté » est maintenue ou abandonnée pour atteindre des objectifs plus larges et plus importants.
Il s’agit toutefois d’une position américaine pleinement réfléchie, qui reflète une politique de dissuasion tactique visant à éviter une confrontation militaire directe avec la Chine. Donc, clairement, on ne peut pas nier l’influence de la crise ukrainienne dans les propos du président Biden.
Ce n’est pas seulement que les États-Unis sont dans une impasse stratégique sans précédent avec un défi simultané de deux adversaires stratégiques mondiaux, mais aussi que les murs de l’Alliance atlantique occidentale ne peuvent pas développer une position unifiée sur les sanctions contre la Russie ou son boycott économique en général.
En outre, il y a une « confusion » américaine sur l’attitude des alliés et des partenaires stratégiques américains dans d’autres parties du monde à l’égard de la crise en Ukraine.
Tout cela tire la sonnette d’alarme dans les cercles politiques américains sur toute position de ce type contre la Chine, où les intérêts stratégiques commerciaux et économiques de la Chine l’emportent sur les intérêts de la Russie dans le monde.
Il ne faut jamais parier sur l’efficacité de toute politique d’isolement, de boycott ou de sanctions contre la Chine, car c’est un pari mort avant même d’être né et il est voué à l’échec complet. Le fait est que tous les facteurs se combinent pour pousser la Maison Blanche à adopter une position proactive très dure face à un éventuel scénario d’attaque chinoise contre Taïwan.
Cela pourrait être le point de départ de négociations ou de compromis avec Pékin sur cette question (puisque ce dernier ne veut pas non plus s’engager dans des conflits militaires majeurs qui pourraient entraver son processus de développement accéléré) ou pour contenir et reporter ce scénario, permettant à l’administration actuelle d’éviter un embarras avec les conséquences de deux drames internationaux simultanément.
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