Xi/vs/Trudeau, deuxième round
Ce 15 Novembre, un clip enregistré au sommet du G20 qui a lieu en Indonésie, repris par des medias du monde entier, montre le président chinois Xi Jinping tancer d'importance Justin Trudeau en lui reprochant d'être à l'origine de "fuites" sur les relations entre le Canada et la Chine à la suite d'une conversation précédente, et de manquer de « sincérité » dans son approche :
"Tout ce dont nous discutons a été divulgué dans les journaux, ce n'est pas approprié, et ce n'est pas ainsi que la conversation a été menée".En français : "je cause pas aux rapporteurs, surtout quand c'est des menteurs !".
Xi n'a pourtant pas l'habitude de sortir de ses gonds et s'en tient d'ordinaire au scenario et à la mise en scène élaborés par les services spécialisés de la RPC. Il faut quand même dire que, dans la conversation à laquelle fait référence Xi, le premier ministre canadien avait un peu énervé le maitre de "l'Empire Céleste"en lui faisant part de « sérieuses inquiétudes concernant les « activités d'ingérence » de plus en plus agressives de la Chine."
Quelles "activités d'ingérence" ?
La Chine aurait tout simplemt tenté de "saper la démocratie canadienne", rien de moins. Les responsables du renseignement canadien avaient informé les parlementaires en janvier dernier qu'ils pensaient que la Chine était intervenue dans les élections fédérales de 2019 , et les médias avaient publié début novembre des articles affirmant que Pékin avait financé la campagne d'un réseau de candidats illégitimes. Et lundi dernier, la police canadienne avait accusé un ingénieur de la compagnie d'électricité québécoise d'espionnage pour avoir prétendument envoyé des secrets commerciaux en Chine. Mais ce n'est pas tout : après l'entretien incriminé, un "conseiller" de Trudeau avait déclaré que lui et Xi avaient également discuté de l'invasion russe de l'Ukraine, etde la Corée du Nord ».
Mais Trudeau ne s'est pas démonté, et il a interrompu l'interprète au milieu de la traduction en disant : "Au Canada, nous croyons au dialogue libre, ouvert et franc et c'est ce que nous continuerons à faire. Nous continuerons à chercher à travailler ensemble de manière constructive, mais il y aura des choses sur lesquelles nous ne serons pas d'accord."
Du coup, le président chinois a vu rouge et a porté l'estocade en ponctuant ses propos par une gestuelle inhabituelle et sans équivoque : "Alors, les deux doivent d'abord créer les conditions", et, après une poignée de mains diplomatique mais contraire aux gestes barrière qu'on pourrait attendre de la part du promoteur du slogan "zéro covid", il est parti en tournant le dos à Trudeau qui avait l'air tout penaud.
S'adressant aux journalistes après l'"incident", Trudeau a déclaré que les conversations avec les dirigeants chinois n'allaient pas "être faciles", mais il a ajouté que le Canada devait être en mesure de "s'engager de manière constructive et directe tout en étant là pour défendre les droits de l'homme et les valeurs qui comptent pour les Canadiens ».
Il faut dire aussi que les relations entre les deux pays avaient déjà été mises à rude épreuve après l' arrestation en 2018 au Canada du dirigeant de Huawei, Meng Wanzhou, en vertu d'un mandat d'extradition américain , et par la détention consécutive par la Chine de Michael Spavor (un businessman), et de Michael Kovrig (un expert de l'International Crisis Group) qui étaient accusés d'espionnage. Comme par hasard, les deux derniers ont été libérés en septembre de 2021, après la libération de Meng. Dernièrement, le Canada avait enjoint trois entreprises chinoises de "reprendre" leurs investissements dans les "terres rares" canadiennes, en invoquant la sécurité nationale.
M. Guy Saint-Jacques, un ancien ambassadeur du Canada en Chine, a déclaré à l'agence de presse Associated Press que Xi voulait sans doute envoyer à Trudeau un message signifiant qu'il ne laisserait pas le Canada dicter les termes de la relation entre les deux pays et que Trudeau ferait bien de tenir compte de l'avertissement, un peu comme s'il lui avait dit : "Si vous voulez maintenir une quelconque relation avec nous, vous devez agir plus intelligement". Et l'ancien ambassadeur a ajouté : "C'est très inhabituel de voir Xi Jinping se livrer à ce genre d'exercice public pour critiquer quelqu'un".
Il faut un début à tout ! Ce n'est paut-être pas la dernière fois.
16 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON