Y en a Mare Nostrum
On le voit donc : on retourne le problème dans tous les sens et on retombe toujours sur le même point de départ. Celui des inexorables grandes évasions vers l’eldorado européen. Franchement qu’est-ce qui a vraiment changé entre hier et aujourd’hui en matière des causes objectives des flux migratoires Sud-Nord et aussi Sud-Sud (2) ? Pas grand-chose en fait. Depuis la nuit des temps l’homme migre d’un endroit à un autre, d’une terre à une autre.
Si la fin de vie des accords de Sykes-Picot s’est soldée par la résurgence des sentiments communautaires et claniques au Moyen-Orient avec leur cortèges de guerres civiles et ethniques meurtrières, après un siècle de leur étouffement ou mise en sourdine par les puissances impliquées dans ce partage secret des territoires jusqu’alors sous domination ottomane, l’agonie d’un autre partage territorial en Afrique cette fois, qu’on appelle communément The Scramble of Africa, débouche sur l’instabilité de plus en plus grandissante des pouvoirs dictatoriaux et féodaux en place avec comme résultante dominante une grande ruée sans précédent d’Africains sans le sou, ni espoir vers l’eldorado européen. En fait ces guerres civiles en Syrie, Irak, Yémen…ne sont que la conséquence logique, directe et naturelle d’une mise à jour négative du système Ordre Mondial depuis Sykes-Picot au Moyen-Orient (1916) et The Scramble of Africa depuis la conférence de Yalta ? (février 1947). Une mise à jour vers le chaos (1). Dès lors croire qu’il est facile de mettre fin à cette déferlante meurtrière moyen-orientale avec son summum nommé Daesh, et migratoire Sud-Nord avec ses points culminants que sont les gros navires à bétail qui ont remplacé les petites pateras d’il y a 10 ans est un fourvoiement pour ne pas dire grande illusion. Ni les frappes aériennes sur Daesh, fussent-elles des dizaines de milliers, ni le blocus maritime autour des côtes libyennes, fut-il des plus étanches, ne pourront changer durablement la donne. Et même si les marines européennes tirent à balles réelles sur les navires des clandestins cela ne changera rien non plus sauf enfoncer un clou de plus dans le corps d’une vieille Europe qui s’est auto-crucifiée par ses contradictions. De même les voix qui répètent chaque fois qu’elles en ont l’occasion le même discours qu’il y a 20 ans - à savoir il faut que l’Europe investisse dans le développement en Afrique pour donner du travail chez eux à ces immigrés désespérés-, se trompent jusqu’au cou. Connaissant l’Afrique et ses réalités, d’aucuns conviennent que dès qu’un pays africain, grand émetteur de candidats à la traversée de la « Y en a » Mare Nostrum commencera à voir son économie reprendre vie que déjà des milliers de personnes qui auront profité de l’aubaine ou mis un peu d’argent de côté chercheront à changer d’air notamment par un petit voyage touristique en Europe, lequel tour a de grandes chances d’être sans retour… Un droit de voyager que toutes les chartes des droits de l’Homme et les constitutions mêmes les plus rétrogrades garantissent. Sans perdre de vue que toute amélioration des conditions de vie dans un de ces pays africains pourvoyeurs de boat-peoples risque fort de ne pas plaire à une frange de la société qui jusqu’à-là vivait du statu quo et donc de la contraindre à plier bagages vers des « cieux plus cléments » des mallettes bien bourrées de frics dans les mains.
Même si les marines européennes tirent à balles réelles sur les navires des clandestins cela ne changera rien non plus sauf enfoncer un clou de plus dans le corps d’une vieille Europe qui s’est auto- crucifiée par ses contradictions
On le voit donc : on retourne le problème dans tous les sens et on retombe toujours sur le même point de départ. Celui des inexorables grandes évasions vers l’eldorado européen. Franchement qu’est-ce qui a vraiment changé entre hier et aujourd’hui en matière des causes objectives des flux migratoires Sud-Nord et aussi Sud-Sud (2) ? Pas grand-chose en fait. Depuis la nuit des temps l’homme migre d’un endroit à un autre, d’une terre à une autre. Les Amériques actuelles se sont construites par vagues migratoires successives d’Européens hispaniques ou anglo-saxons mais aussi par vagues d’Africains que les colons-immigrés blancs avaient ramenés dans leurs bagages. Des esclaves qui arrivaient en terres promises ou soumises les poings et les chevilles enchaînés alors qu’aujourd’hui leurs descendants, à la merci des mafias du nouveau commerce triangulaire, débarquent les mains vides même d’un passeport comme ce fut encore le cas il y a 20 ans. Oui pas grand-chose n’a changé ! Sauf que l’aire de la migration est devenue depuis une sorte de vaste réserve naturelle, où de pauvres humains trahis par le temps et leurs semblables plus chanceux évoluent comme des troupeaux de buffles fatigués par le manque de pâturages et qui croient avoir changé de partie alors qu’en réalité il n’ont fait que passer d’un territoire aride peuplé d’hyènes à un autre plus fertile infesté de loups. Pauvre d’eux ! Et de nous tous !
(1) Le chaos pour les vulnérables, ça s’entend.
(2) Passage entre l’Afrique et l’Europe, le Maroc a obtenu lui aussi sa part dans cette vague migratoire.
http://chankou.over-blog.com/2015/07/y-en-a-mare-nostrum.html
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