Zone 51/CIA : le drone oublié (ou celui caché ?)
Les avions pilotés n'en ont plus pour longtemps, voir les drones débouler partout, dans tous les domaines. Si l'on retourne un peu en arrière, et si l'on songe qu'on a pu faire voler pendant des années des engins aussi à part et aussi étranges que le "Bird of Prey" (testé à Groom Lake lui aussi) à l'abri de tous les regards, on est en droit de se demander si cette évolution n'a pas démarrée plus tôt que prévue, et que le successeur de l'A-12/SR-71 pourrait très bien être lui aussi un drone, un engin sans pilote pouvant supporter les contraintes d'un vol à Mach 7 alors que chez un avion dirigé par un être humain c'est beaucoup trop complexe, ses seuls réflexes devenant alors trop lents. C'est pourquoi il convient de se pencher sur une entreprise un peu oubliée depuis qu'elle s'est faite absornber dans le giron d'un plus grande. Car le mystère des "fast movers" entr'aperçus dans le ciel californien ou au dessus du désert du Nevada tient peut être davantage dans la réalisation d'un drone rapide... construit par une des grandes spécialistes de la question, j'ai nommé... Ryan.
La firme Ryan, on l'a oublié, a été un des acteurs majeurs de la construction de drones aux Etats-Unis, comme le montre l'une des photos les plus connues, celle d'un C-130 emportant sous ses ailes pas moins de quatre exemplaires de son modèle Firebee (ici à droite les deux modèles sous son aile gauche. L'idée qui avait prévalu chez Ryan était simple : il suffisait de possèder un bon moteur de petite taille pour faire un bon drone. Par drone, on entendait d'abord à cette époque engin-cible, destiné à subir les assauts des tirs des chasseurs de l'époque. Le premier modèle de chez Ryan date de l'après guerre : c'est le XQ-2 Firebee qui devient Q-2A, propulsé par le petit réacteur Continental J69-T-19B, d'une fiabilité à toute épreuve, et qui, malgré sa petite taille produisait ses 481 kg de poussée. Il servira à propulser le petit avion d'entraînement léger Pinto de la Navy, et on le retrouvera aussi à deux exemplaires à bord du Cessna T-37, une belle réussite, car il sera produit pendant 20 ans d'affiléen devenant au Viet-Nam le Dragonfly. L'engin sera lancé d'une foultitude d'appareils, comme ici en 1957 où il est photographié à deux exemplaires sous les ailes d'un v DB-26D sur la base Van Nuys, en Californie (voir en bas de l'article le PDF à ce sujet). Les avions sont concentrés sur la base d'Holloman, celle-là même d'où partent les fameux ballons...
Très vite, on s'est aperçu qu'au lieu de les détruire à coups de canons on pouvait en faire autre chose, à savoir des drones d'espionnages. Va naître alors toute une famille, la firme Ryan ne cessant alors de décliner sa recette à succès selon le bon vouloir de ses commanditaires, que ce soit la Navy, l'Army ou l'US Air Force. La guerre du Viet-Nam va devenir une manne, en ce sens pour la société Ryan."En utilisant le modèle de cible 124 Firebee existant comme point de départ, l'équipe a conçu, construit sur mesure et a lancé une trentaine de variantes et sous-variantes de drones connus collectivement comme le modèle 147 Fireflies et Firebees. Près de 3500 sorties de combat ont été effectuées par ces véhicules pendant la guerre du Vietnam par la 100e Escadre de reconnaissance stratégique (SRW)" note un des rares en avoir écrit la saga. On y découvrira que les modèles Ryan seront accrochés sous les ailes d'un bon nombre d'avions largueurs : C-130, B-26, mais aussi Neptune ou même... A6 intruder (le Phantom servira aussi, comme le F-15, pour d'autres modèles de chez Ryan. En fait, cela a commencé bien avant, avec le projet secret appelé Big Safari, chargé de mettre en place une flotte d'avions espions de reconnaissance, dont le premier modèle est l'AQM-34 Lightning Bug... de Ryan.
La demande en drone non piloté s'était nettement accrue en 1960 après la perte de L'U2 de Gary Powers, et le crash du RB-47 abattu par un chasseur soviétique. Ryan, pressenti "naturellement" a alors appliqué les règles "d'invisibilité" admises pour l'époque à ses modéles, en plaçant un écran métallique sur l'admission de son réacteur, en couvrant l'engin en partie de peinture anti-radar et en plaçant de chaque côté du fuselage des matières absorantes d'ondes radar. Les essais concluant ont donné lieu à la naissance du modèle 136, baptisé "Red Wagon", Ryan proposant dans la foulée un autre drone bourré d'électronique appelé "Lucy Lee", qui était un Firebee fortement modifié destiné à effectuer des prrises ee photographiques et pour capter les signaux radars ou de télécommunications de l'adversaire. (SIGINT). L'engin est très en avance : il a le dessous plat, possède un moteur disposé sur le dessus pour minimiser la trace ce chaleur sortante, présente un réacteur à double flux pour réduire la température de sortie et possède une queue double aux extrémités tournées vers l'intérieur, pour réduire encore l'image radar. Sur l'image (ici à droite), on distingue très bien sur ses ailes les "pièges" à ondes radar comme en possédait le SR-71. Il fait un large appel aux matériaux composites. Mais l'armée le rejette, pour relancer la demande en 1966, où Ryan repropose le même à quelques modifications près, qu'il baptise Model 154 / AQM-91A Firefly.
Le drone évolué, dans le programme Big Safari sera appelé "Compass Arrow". L'engin est largué d'un C-130, et est récupéré entier à l'aide d'un hélicoptère muni de crochets pour attraper son large parachute, une fois sa mission terminée. Il vole à 78 00 pieds et se dirige seul avec un radar a effet Doppler. Ryan est en effet aussi un spécialiste des radars ; en 1966/67, Ryan reçoit le lourd dossier du développement du radar Doppler qui équipera le Lunar Lander d'Apollo (le LEM), celui qui permettra le premier alunissage avec brio. Son vol est en effet automatisé, et il emporte une caméra à balayage Itek KA-80A... celle qu'on retrouvera également à bord du module de service d'Apollo ! En 1968, Ryan est racheté par Teledyne pour 128 millions de dollars et devient Teledyne Ryan.
Le but avéré du drone Ryan, construit en 2 versions, est aussi est d'aller "dénicher" les radars Fan Song chinois ou Nord-VietNamiens à l'aide de détecteurs spéciaux, qui sont ensuite relayés vers un ERB-47 espion, le drone "provoquant" l'allumage du radar adverse par intermittence, afin d'en détecter la localisation, puis de redevenir passif et.... invisible. L'engin reste totalement secret jusqu'en 1969, où lors d'un test un exemplaire s'écrase près de Los Alamos, à côté d'habitations où les habitants ont largement le temps de le photographier (ici à gauche). Les "hommes en noir" débarquent aussitôt, confisquent toutes les photos (ou presque), font signer les dépositions habituelles pour faire peur et déclarent à la presse que c'est un "avion cible d'un type nouveau" qui est tombé et non le drone le plus évolué du moment. Le masquage habituel d'information ! Le Firefly se révélera effectivement totalement invisible aux radars existants, et sera envoyé au dessus de la Chine (certains assurent que non) qui collectionnait déjà les précédents modèles, mais sans se faire prendre. Et soudain, il disparait alors qu'on n'en avait fabriqué que 28 exemplaires seulement. Une disparition étrange, qui laisse entrevoir plein de mystères. L'appareil parfait aurait-il pu été ainsi remisé ? Ou n'avoir aucune descendance ? C'est très étonnant ! En 1973, en effet on arrête la production et ses exemplaires restants sont découpés et enterrés. L'enterrement de première classe, on le sait, pour les objets de valeur de la zone 51 ! Entre temps, les drones autonomes ont montré leur capacités à faire le travail des pilotes, et pour un coût moins élevé ; lancé puis être recupéré, l'engin sait le fera durant toute la guerre du Viet-Nam, où le modèle Ryan 147SC (ci-dessous) effectuera pas moins de 1 651 sorties !
Ce qu'il y a à noter, c'est que ce projet Big Safari qui a débuté en 1952 existe toujours... "Depuis 1952, la Force aérienne a maintenu le bureau du programme Safari pour assurer la réactivité opérationnelle et une flexibilité maximale pour certaines missions nécessitant une mise à niveau des systèmes d'armes existants, et les achats et la modification des systèmes commerciaux pour les opérations allant de la collecte de renseignements à des contre-mesures électroniques à la guerre non conventionnelle. En règle générale, les flottes de la mission de ces systèmes configurés uniques impliquent un nombre relativement restreint de véhicules ou d'équipements, et demandent une réponse d'acquisition rapide en raison de la nature volatile de l'environnement opérationnel de ces systèmes sont conçus pour faire face tout au long de leur cycle de vie. Cette acquisition correspond à cette définition car seuls deux avions ont été demandés par l'armée. Ces avions modifiés seront finalement modifiés de façon unique pour fournir du renseignement au sol pour les unités sur le champ de bataille en situation et un aperçu d'un champ de bataille en évolution rapide pour favoriser des opérations au sol en temps opportun." Les avions actuels étant des Beechcrafts King Air 350 modifiés, des appareils dérivés de ceux chargés des essais en vol des drones Ryan ! "Et le succès a entrainé ses propres conséquences. L'entreprise, qui vivait d'un contrat à l'autre pendant les premiers jours de sa collaboration avec le projet Big Safari, a vu sa fortune augmenter à la fin des années 1960. Les revenus des véhicules sans pilote de tous types, des cibles de l'"Aircraft Special Purpose » sont passés de 20% du chiffre d'affaires total de la société en 1962 à plus de 90% chaque année, de 1967 à 1971." Il faut dire que la gamme de drone conçue grâce à l'argent qui coulait à flot de Big Safari avait créé une famille très nombreuses, qu'un tableau tente de récapituler ici :
L'engin tracera la route pour les drones suivants, en effectuant des vols de longue durée 12 à 72 heures), à haute altitude en mettant au point des structures légères, et en mettant au point systèmes de commande de vol évoluées. La charge typique comprenait un transpondeur satellite TDRSS ou un système de données pour charge utile de la NASA (PEDS). À la fin de 1996, le D-2 mettait au point le Tracking and Data Relay Satellite System que l'on verra ensuite sur les Predators. Arrêté en 1996, le D-2 a repris ses vols en août 1998 pour tester un système de contrôle de vol à triple redondance qui permettrait le pilotage à distance pour des missions de haute altitude : le terrain était balisé pour la génération suivante !
Le drone de grande envergure est donc une espèce qui va naître chez Ryan avec le Compass Cope (YQM-98A Compass Cope R), sorti en 1994, dont le design sera repris plus tard chez Rutan pour l'avion de record de Steve Fossett. Un engin géant de 24.75 m d'envergure, pouvant voler 30 heures d'affilé, propulsé par une turbine Garrett YF104-GA-100, mais qui sera battu en compétition par son concurrent de chez Boeing, le Boeing YQM-94 Compass Cope B. L'engin avait été retenu en compensation pour Boeing alors que le YQM-98A lui était largement supérieur, pourtant. Dans les illustrations d'artiste du GQM-98A, alors encore projet Model 275 Tern, on ressent une impression de vue prophétique de ce que deviendra la zone 51 un peu plus tard. Le sommet de son art va venir avec sa proposition de drone de grande envergure. Le 28 février 1998, un nouveau drone sorti des ateliers de chez Ryan effectue son premier vol expérimental au dessus du désert de l'Utah : c'est le Global Hawk. Il pèse14,6 tonnes et possède une envergure immense de près de 40 m. Il monte à 65 000 pieds (un peu moins de 20 000 m), vole pendant 30 heures sur 11 000 miles nautiques (20 000 km !). L'année suivante, Ryan est racheté par Northrop-Grumman. On construira 30 appareils, dont 26 subistent aujourd'hui. Le Global Hawk labelisé Northtrop est en réalité la résultante de plus de 30 ans de recherches spécialisées de chez Ryan.
On l'enverra partout jeter un œil, ce qu'on découvrira souvent après coup, une grande partie des missions de l'immense oiseau restant secrètes : "les États-Unis ont effectué des missions hautement classifiées avec les drones espions Global Hawk de la base de Royal Australian Air Force à Edimbourg en Australie du Sud à partir de la fin de 2001 et jusqu'au moins jusqu'en 2006. Les opérations ont été détectés par un groupe d'Adelaide d'historiens de l' aviation qui ont suivi les fréquences radio des appareils pendant près de 20 heures par jour". L'engin a été d'une rare efficacité en effet depuis 2001 : "la plate-forme a vu son premier poste de mission dans le monde réel après le 11 septembre 2001 quand il a été affecté au 12ème escadron expéditionnaire de reconnaissance opérant à partir d'Al Dhafra, une base aérienne aux Emirats Arabes Unis. Une fois là-bas, la plate-forme a mené une surveillance sur l'Afghanistan, fournissant plus de 15 000 images et plus de 1000 heures de JVM. Deux ans plus tard, les Global Hawks (GH) d'Al Dhafra soutenaient l'opération Iraqi Freedom en effectuant des missions de surveillance dans l'espace aérien irakien, en fournissant plus de 3 655 images et identifiant plus de 300 chars, 13 batteries SAM et des équipements connexes. Au cours de ces opérations, deux GH auraient été perdus : un au Pakistan près de Shamsi AB, et l'autre près de Al Dhafra."
La photo ci-dessous a été prise sur la base de Beale AFB, on distingue côte à côte 5 GH et 4 U-2... vu ainsi, on s'aperçoit que les deux engins sont obligatoirement destinés aux mêmes missions.
Jusqu'alors, l'armée est restée sur des échecs dans le domaine du drone supersonique. Dans les années 50, Northrop avait bien produit un drone du genre, l'AQM-35, ex Model RP-61, devenu le QX-4, propulsé par un réacteur XJ81-WE-3 puis par un J85-GE-5 ; le plus souvent guidé à distance par un Lockheed DC-130 Hercules, mais l'engin, toujours considéré en priorité comme avion-cible, n'avait jamais semblé avoir été très satisfaisant. L'histoire du dernier drone de la saga a débuté en 1971, avec un énième projet Ryan, appelé 147S-2, un drone de reconnaissance cette fois destiné à la basse altitude, en pénétration rapide, propulsé par un Teledyne CAE (Continental) J69-T-406 qui équipait déjà le drone supersonique Ryan (ici à droite). En fait une turbine Turbomeca construite sous licence ! Un drone supersonique d'une toute autre allure, qui avait été en effet néanmoins développé par la firme, prenant le nom de BQM34F Firebee II, et qui était capable de foncer à 15 mètres au dessus du sol seulement ! L'engin triangulaire devait lui emporter des caméras F-695 ou CA-120 voire une KA-60 panoramique, ou une infrarouge RS-330R. Il pouvait aussi servir de drone brouilleur grâce à un équipemement d'Electronic Counter-Measures (ECM), un bus de communication rapide envoyant les données recueilies en temps réel. Certains modèles se verront équipés de skis rétractables à la place du parachute habituel de rattrapage au vol, preuve que de nets progrès en guidage ont été faits. La fin de la guerre du Viet-Nam semble avoir provoqué l'arrêt de son développement... alors que tout dans sa conception en faisait un produit d'avenir. Son aérodynamisme parfait, sa forme de triangle à deux ailettes, en font un engin qui aurait très bien pu devenir un drone hypersonique et non un appareil restant subsonique. L'engin aurait été lui aussi lancé d'un A-6 Intruder, aussi bien que d'un C-130, un C-135 ou même un Fokker F-27 !. Sa forme triangulaire a pu être l'objet de confusions avec des OVNIS, lui aussi. A-t-il servi de démonstrateur à un engin beaucoup plus rapide, c'est une des possibliités qui demeurent. On voit mal les gens de Ryan, même intégrés à Grumman, cesser de développer brusquement leurs produits, même absorbés par Grumman. Juste avant la firme avait présenté son projet TR-3, (TR pour Teledyne Ryan) devenu au pays des ufologues l'un des avions mystère de "Black Projects", à savoir l'un des triangles volants parmi les plus aperçus dans plusieurs régions. Le brevet déposé semblait avoir une version téléguidée et une version pilotée. Les expériences du projet LoFlyte, menées dès 1996 par la Nasa, sur un drone supersonique, ressemblent beaucoup à où en était arrivé Ryan sur le sujet. Seule une maquette télécommandée avait volé. Aujourd'hui, Boeing, RocketDyne, la DARPA et Pratt&Whitney seraient sur un "waverider", aux allures d'Aurora, combinant réacteurs façon SR-71 et statoréacteurs. Air&Space, la revue du Smithsonian, avait laissé entrevoir dans son numéro de septembre 2007 à quoi pourrait ressembler un "waveider" promis pour... Mach20 : il ressemble fortement à un LoFlyte en titane...
L'épilogue de la saga Ryan, on vient récemment de l'avoir avec l'annonce des budgets futurs du Pentagone. Entre l'U-2 vieillissant mais équipé de pilotes et le drone géant Global Hawk, les militaires et le gouvernement ont choisi... l'engin piloté. La fronde des pilotes face à l'envahissement de la guerre des drones de chez General Atomics qui a entretemps dépassé tout le monde sur la ligne d'arrivée des drones de moyenne altitude à dû énormément jouer dans la décision, car l'entretien d'une flotte d'U-2 revient beaucoup plus cher que celle d'une escouade de Global Hawk. Les économies de dépenses militaires ce n'est pas encore pour demain, aux USA... pour essayer de garder la production du Global Hawk, Grumman avait pourtant versé 941 000 dollars de pots de vins aux membres du House Armed Services Committee chargés de la gestion des forces armées...en pure perte. En janvier 2012, le couperet tombait, après un dernier mystérieux crash de Global Hawk au Pakistan (dix ans après le précédent !).
Un bon dossier ici (russe !) sur l'ensemble des blacks projects :
http://e-libra.ru/read/360126-dark-eagles :-a-history-of-the-top-secret-u.s-aircraft.html
Le ryan 147 :
http://ghostmodeler.blogspot.fr/2013/04/the-mysterious-ryan-model-147s-2.html
79 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON