« L’arc Royal » européen
La coalition « des centristes aux communistes » qui permettrait à Ségolène Royal de l’emporter sur Sarkozy, comme Prodi a débarassé l’Italie de Berlusconi, a ses laboratoires : l’Italie et le Parlement européen. Ce n’est pas simple mais on commence à voir comment c’est possible...
Dans les deux cas, la droite (PPE, comprenant l’UMP française), alliée aux groupes d’extrême droite, a été battue. Dans les deux cas s’est affirmée la coalition qui permettrait à Ségolène Royal de l’emporter sur Nicolas Sarkozy, comme elle a permis déjà à l’Italie, autour de Romano Prodi, de se débarrasser de Berlusconi. Romano Prodi, dont les eurodéputés siègent à l’Europe dans le même groupe que l’UDF, vient d’ailleurs d’appeler, comme le socialiste espagnol Zapatero, à voter Ségolène. De notre poste d’observation européen, nous sommes particulièrement conscients qu’une victoire de Sarkozy et de l’UMP signifierait une rupture dans l’histoire de la société française de l’après-guerre : un mélange de Thatcher et de Berlusconi. De ce genre d’expérience on ne sort, avec difficulté, que dix ou quinze ans après... et dans quel état !
La formation de « l’arc Royal » (ou Prodi) est le contrecoup du glissement actuel de la droite vers l’extrême droite, qui reflète hélas une droitisation de la société européenne. Les errements de la gauche y sont pour beaucoup (il y a quand même encore des élections que la gauche gagne sans le centre droit, comme les élections françaises de 2004, ne l’oublions pas !). Mais la sociologie européenne est lourde, et particulièrement le vieillissement de sa population. Selon le sondage IFOP de cette semaine, Ségolène Royal l’emporterait dans toutes les tranches d’âge jusqu’à 65 ans, mais perdrait massivement au-delà de cet âge ! (Pour une analyse des leçons du 22 avril, voir mon blog) Plus particulièrement, pour nous autres eurodéputés, et même si ça n’a pas pesé bien lourd dans la campagne française, l’enjeu est très clair du point de vue de la relance de l’Europe. Sarkozy est favorable au « Plan B » de Blair et de Merkel : une conférence intergouvernementale rédige un minitraité très intergouvernementaliste, adopté au niveau des Parlements nationaux. Ségolène défend une vraie renégociation, tâchant d’introduire un protocole social, le tout ratifié par référendum. Et enfin, en tant que Verts français, il est clair que ces quinze jours sont la plus grande chance que nous ayons jamais eue d’obtenir l’ introduction de la proportionnelle aux élections législatives françaises, seul moyen de faire exister de manière autonome et le centre et les écologistes à l’Assemblée nationale.
Et quant au fond, les notations de l’Alliance pour la planète selon la grille de respect du « Pacte » proposé par Nicolas Hulot sont sans appel : Ségolène royal obtient un fort bon score, Sarkozy figure parmi les cancres. Mais les choses ne sont pas simples. Ségolène Royal, pour l’emporter, doit rallier environ 60 % des votes Bayrou et garder tous les votes écologistes et à la gauche de la gauche. Là encore, la session de Strasbourg à montré la difficulté du problème. Un rapport provocateur de la droite critiquait comme laxiste la réforme du pacte de stabilité intervenue en 2005 et proposait un durcissement absurde (bien au-delà des « critères de Maastricht »). Un amendement, proposé par le groupe centriste, a permis d’éviter le pire, mais ce « moins pire » n’a été suivi ni par les Verts ni par les communistes. (Pour plus de détails sur ces différents votes, voir mon blog) Alors, au-delà du « Tout sauf Sarko » (qui ne manque pas d’arguments, mais est un peu court pour susciter l’adhésion), qu’est-ce qui pourrait justifier le regroupement autour de Royal des électorats centristes, socialistes, verts, communistes, altermondialistes ? Eh bien, cette quadrature du cercle a exactement autant de chances de se concrétiser que Prodi en avait de battre Berlusconi, et il l’a fait. De peu, mais il l’a fait. Qu’est-ce qui peut plaire à la fois à l’électeur de Bayrou, à l’électeur anti-patrons de Besancenot, et même à l’électeur ouvrier antibourgeois de Le Pen ?
Trois choses au moins, qui devraient être l’essentiel du discours de Ségolène : 1 - Un discours de protection. Protection contre les risques sociaux et protection contre les risques environnementaux, non pas dans la fermeture au monde mais dans le redéploiement, organisé par l’État, de la « communauté providence ». 2- Une forte dose d’écologie. Nous avons voté, en ce mois d’avril, sous un soleil de juin : le changement climatique, la montée des cancers et de l’asthme, les risques de la prolifération nucléaire sont aujourd’hui dans toutes les têtes et dans toutes les pages des journaux. 3 - La VIe République, un État impartial, permettant en même temps à l’écologie et au centre d’exister politiquement, grâce à une forte dose de proportionnelle. 4 - La relance d’une Europe fédérale (et donc ayant les moyens d’une ambition écologiste et sociale) à travers un nouveau texte constitutionnel à adopter par référendum. Ce point est essentiel pour rallier à la fois les européistes convaincus que sont les écologistes et les centristes, tout en donnant des gages aux nonistes de bonne volonté qui se trouvent souvent dans l’électorat de Besancenot et sont prêts à rediscuter d’un autre texte, plus explicitement social, à condition qu’il soit soumis à référendum. Contrairement au projet de Sarkozy, qui est de négocier un minitraité intergouvernemental et de le faire adopter par les Parlements. Sur l’ensemble de ces quatre points, nous savons que, malgré toute sa démagogie, Sarkozy ne pourra pas aller bien loin. C’est à Ségolène d’avoir l’audace de les porter.
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