Marina Petrella bénéficie d’une liberté conditionnelle depuis le 5 août 2008, mais sous le coup d’un décret d’extradition.
La mobilisation continue, même si la presse n’évoque plus son cas.
Marina Petrella ne doit pas être extradée, c’est la seule position juridiquement fondée et politiquement correcte.
Les arguments en faveur de l’extradition tournent bien souvent autour de deux thèmes : la doctrine Mitterrand n’a aucun fondement juridique et l’Italie est une démocratie donc un Etat de droit, et ses décisions de justice sont indiscutables.
L’Italie est une démocratie. Formellement, le fait est incontestable. Des élections sont organisées régulièrement, un Parlement existe. L’Italie est un Etat de droit. L’Etat de droit se définit traditionnellement comme un système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit, la puissance de l’Etat se trouvant ainsi limitée. Là aussi, formellement l’Italie correspond à cette définition, cette définition omettant de se poser la question de la légitimité de la règle de droit. Si l’on prend l’exemple des Etats-Unis des années 50, nous sommes bien en présence d’un Etat de droit, mais le droit applicable qui limite la puissance de l’Etat est aussi un droit qui met en œuvre la ségrégation raciale.
L’Etat de droit dans son acceptation habituelle n’est pas incompatible avec des lois d’exception. Pendant la guerre d’Algérie, la France reste un Etat de droit, et le Conseil d’Etat en donne une brillante démonstration avec l’arrêt Canal, Robin et Godot, le 19 octobre 1962, en annulant une ordonnance prise par le président de la République sur le fondement d’une loi référendaire. Cette loi instituait une cour militaire de justice au motif que la procédure prévue devant cette cour et l’absence de tout recours contre ses décisions portaient atteinte aux principes généraux du droit pénal. Mais cela n’a pas empêché dans le même temps la mise en place de procédures d’exception.
L’Italie a connu aussi des procédures d’exception pendant les années de plomb. L’opération Il Gladio, mise en place par les Etats-Unis dès 1947, fut une structure clandestine qui avait pour but de contrer un coup d’Etat ou une victoire électorale des communistes. Cette structure ne peut que conforter le doute sur l’impartialité et l’indépendance de la justice dans des périodes troublées.
L’existence ou non de fondements juridiques à la doctrine Mitterrand est, certes, un sujet de débat passionnant au plan théorique. Mais au-delà de cette approche doctrinale, un fait doit être noté. Marina Petrella, comme beaucoup d’autres réfugiés italiens ou pas, n’est pas entrée en France clandestinement. Le gouvernement français savait qui elle était, pour quelles infractions elle avait été poursuivie et condamnée en Italie, et a décidé en toute connaissance de cause de la laisser s’installer en France, reprendre ses études, trouver un travail, louer un logement, obtenir une carte de séjour.
Cette décision du gouvernement français, en 1993, de laisser Marina Petrella s’installer en France, décision confirmée lors de la délivrance d’une carte de séjour, crée un droit, droit à rester sur le territoire français pour Marina Petrella.
L’extradition a un sens juridique lorsqu’elle est exercée au moment où le gouvernement a connaissance de la présence sur le territoire national d’une personne condamnée à l’étranger, que ce soit au moment de son entrée ou au moment où l’on découvre sa présence.
Dans le cas de Marina Petrella, la modification de sa situation juridique alors qu’il n’y a aucun élément juridique nouveau ne relèverait que de marchandages entre Etats.
Cela fait un an que Marina Petrella a été arrêtée. Un an de mobilisation et de combat qui ne cesseront qu’avec l’abrogation du décret d’extradition.
Le 27 août 2008
Jean-Michel Arberet
Conseiller municipal d’Arcueil
Partenaire du groupe communiste