Quand le PS vote avec le FN !
Cela s’est passé jeudi 26 mars dans la soirée, en catimini. Cela s’est passé une fois que Jean-Paul Huchon, ayant donné ses consignes mais pas pressé de les assumer publiquement, se soit envolé sur la pointe des pieds.
Leila Leghmara, Conseillère Régionale Nouveau Centre, à l’issue d’un long travail de terrain, souhaitait proposer l’examen d’une Charte de la Diversité, destinée à lutter contre les discriminations dans les Centres de Formation des Apprentis (CFA) de la région Ile de France.
C’est alors le Parti Socialiste a fait alliance avec le Front National pour empêcher la discussion sur ce projet.
Il y a une dizaine d’années, c’est le genre de vote qui serait passé inaperçu. Non pas que les journaux auraient eu une attitude différente. Mais il y a une dizaine d’année, Agoravox et les autres médias citoyens, les blogs et internet en général n’avaient pas la même importance, ni la même diffusion. Aujourd’hui donc, ce genre de petit enterrement mesquin, d’attitude qui consiste à se dire que les électeurs s’en foutent, qu’ils n’en sauront de toute façon rien, aujourd’hui ce n’est plus possible. Et c’est tant mieux.
Car dans cette affaire, il faut se rendre à l’évidence que tout est proprement scandaleux. Quel que soit l’angle sous lequel on analyse le comportement de la majorité socialiste du Conseil Régional en tant que groupe politique, ou celui de chacun de ces élus en particulier, rien, strictement rien n’est excusable.
Sur le fond tout d’abord : alors même que le constat est unanimement partagé par toutes les formations politiques républicaines, d’un éminent besoin de lutte contre les discriminations, le PS se paye le luxe de refuser le débat sur un texte ayant cette visée, en votant contre.
Il faut le faire ! Il va déjà falloir qu’ils s’expliquent là-dessus : Comment peuvent-ils non pas voter contre le texte, mais contre sa discussion elle-même ? Nient-ils le problème ? Refusent-ils le droit aux minorités visibles d’être mieux défendues ? Refusent-ils de combattre les discriminations dont ils sont les victimes ?
Mais le pire n’est pas là. Ces élus indignes ont poussé le vice jusqu’à aller chercher les voix du Front National pour faire barrage à l’examen du texte. C’est là que je ne comprends plus rien.
On sait bien qu’il faut s’attendre à tout en politique, qu’il y a de nombreuses personnalités capables d’opérer des revirements plus ou moins inattendus, plus ou moins scandaleux. On a vu – par exemple – François Bayrou se découvrir subitement une passion pour le PS entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2007, prenant le contrepied de 40 ans d’histoire politique d’un centre européen et humaniste, pour épouser, sans l’assumer, une vraie-fausse idylle avec une gauche démagogique et anti-européenne.
Celle de Ségolène Royal, qui, s’appuyant sur un sordide fait divers, voulait qu’on raccompagne toutes les femmes policières à leur domicile. Celle de Martine Aubry, qui a plombé nos PME tout en arrosant d’avantages financiers les groupes du CAC40 pour mettre en place cette douce rêverie des 35h, où on allait se la couler douce, et gagner autant qu’avant. Celle de Laurent Fabius enfin, le champion du « non » au Traité Européen, qui avait trouvé là une trop belle occasion de ressortir de l’anonymat politique où l’on aurait bien aimé qu’il restât.
On a vu donc François Bayrou – comble de l’hypocrisie – accuser de traîtrise ceux qui étaient restés fidèles à leurs valeurs, et qui avaient refusé de le suivre sur cette pente solitaire. On le voit aujourd’hui aller au bout de sa démarche, et mimer, avec talent certes, les envolées protestataires anti-système d’un Besancenot ou d’un Le Pen, tout en faisant semblant d’y mettre une couche de centrisme, histoire de donner le change. Mais jouer au protestataire altermondialiste révolté, quand on a été un bon petit ministre bien sage d’Edouard Balladur, cela ne favorise pas la crédibilité.
Oui, François Bayrou a fait très très fort dans le retournement de veste, dans l’abandon de ses idées, dans l’asservissement de ses discours à un projet bien personnel, la Présidentielle de 2012.
Mais là ! Que le Parti Socialiste aille chercher les voix des élus du Front National pour faire barrage à un projet de Charte de la diversité, cela explose tous les repères, toutes les règles de l’engagement politique.
Il y a des alliances que l’on ne peut pas accepter, car il y a des partis qui prônent des valeurs qui sont en telle opposition à tout ce que vous défendez, que vous ne pouvez décemment pas faire alliance avec eux. Que le Parti Socialiste en soit venu à cette extrémité en dit long sur la déliquescence de ses élus.
Que le FN soit contre un tel projet, c’est malheureux, mais cela se conçoit. Venant d’un parti politique dont le leader se plaît à minimiser l’holocauste, malgré les condamnations judiciaires, à présenter « l’Etranger » comme la source de tous les maux, à fustiger les français d’origine étrangère, on est triste, certes, mais pas étonné de ce type de réaction.
En revanche, que cela vienne du PS, dont beaucoup de membres sont passés par SOS Racisme, c’est totalement incompréhensible !
Etait-ce à dessein ou était-ce par la force des choses, c’est à Leila Leghmara que ce vote est adressé comme une gifle. Elle qui, depuis le début de son mandat, s’est engagée sans compter dans les commissions dont elle est membre – et en particulier celle de la formation professionnelle –, elle qui a travaillé pendant des mois sur ce beau projet de Charte de la Diversité, une charte qui méritait une véritable discussion, elle a eu droit à la pire des insultes possibles.
Un vote du PS allié au Front National.
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