10 janvier, saint Guillaume, la date conquérante
Le 10 janvier fête la saint Guillaume. Mais ce n’est pas pour le saint que cette note est écrite. Il me plaît qu’un autre Guillaume, « le Conquérant » cette fois, en appelle, par association d’idées, aux libérations de l’intellect et à la désaliénation des hommes.
Quelques dates :
1929, 10 janvier - Premières aventures de Tintin. Georges Rémi, alias Hergé, publie dans le supplément du quotidien bruxellois Le vingtième siècle sa nouvelle bande dessinée : Tintin au pays des soviets, qui met en scène un tout jeune reporter, scout attardé mais sympathique, au Petit Vingtième. Pour la liberté d’expression malgré les crises du monde.
1949, 10 janvier - La maison de disque américaine RCA met en vente un nouveau type de disque en vinyle qui prendra le nom de 45 tours du fait de sa rotation en tours par minute. Grâce à cette invention qui permet d’écouter 8 minutes de musique sur chaque face, les artistes vont se lancer sur un nouveau marché, la vente de "single" pas cher. Pour la démocratie du loisir et l’émotion people.
1975, 10 janvier - Début de "Apostrophe". L’émission littéraire de Bernard Pivot est diffusée pour la première fois sur Antenne 2. "Apostrophe" remplace le programme "Ouvrez les guillemets" présenté par le même Bernard Pivot et sera remplacée par "Bouillon de culture", diffusé dès le 12 janvier 1991. Pour réconcilier le livre (qui réfléchit) et la télévision (qui pousse au zapping), en respectant les créations d’auteur.
2006, 10 janvier - Une nouvelle démocratie est en train de naître, inventée grâce aux nouvelles technologies ou médias des masses (Internet, blogs, SMS, chats) par les citoyens du monde (surtout le monde libre et développé pour le moment). Annonce de la parution d’un manifeste révolutionnaire : Joël de Rosnay, en collaboration avec Carlo Revelli, publie un nouveau livre, La Révolte du Pronétariat, qui sort aux éditions Fayard, prolongeant la réflexion engagée sur AgoraVox en mai 2005, mass-média et « média des masses ». http://www.pronetariat.com/
C’est toute une philosophie qui se manifeste dans cette propension obstinée à créer et à diffuser le plus largement possible les œuvres de l’esprit et du talent, non seulement pour « faire savoir » mais aussi pour « provoquer » une réaction, début d’une réflexion conduite selon les principes de la logique et de l’argumentation. Une philosophie occidentale, venue des Grecs antiques pour qui l’agora était le lieu par excellence où débattre des affaires de la cité, le lieu où la « politique » (de « polis » : cité) s’élaborait entre citoyens. Contre la doxa (l’opinion commune), contre les dogmes (le plus souvent religieux), contre les tyrans (chaque époque reconstitue les siens), la démocratie ne peut vivre et prospérer que par cette liberté de dire et d’entendre. Les Grecs antiques ont fondé ce qui deviendra le libéralisme des Lumières, porteur de libération des peuples et d’éradication des ignorances, dont le symbole est le flambeau. Le système économique ne pousse aujourd’hui à la liberté des échanges que parce qu’il est poussé lui-même par les sociétés avides d’échanges. Sociétés d’où naissent les innovations techniques qui permettent ces mêmes échanges : l’album, le disque, l’ordinateur individuel, le téléphone portable multimédia, Internet.
Transformer les gros ordinateurs centralisés des années 1950 à 1980 en personnels computeurs (PC) dans les années 1980 n’était pas inscrit dans le développement technique, pas plus que d’ouvrir le réseau secret de communications militaires sécurisées Internet au grand public dans les années 1990. C’est bel et bien le mouvement de la société occidentale tout entière qui l’a non seulement permis mais exigé, faisant éclater les tyrannies fermées devenues anachroniques. Le « laissez-passer » économique est avant tout un « laissez-penser » démocratique.
Même la Chine communiste, craignant une ouverture trop rapide après Tiananmen, a dû s’incliner devant la puissance décentralisatrice des communications. Même les partisans les plus intégristes de la Voix de Dieu descendue un beau jour dans une grotte de Médine utilisent et abusent du réseau, après avoir diffusé les prêches en cassettes et édité des livres. Mais cette diffusion des savoirs, qui touche ainsi chaque individu personnellement, l’émancipe à terme. L’individu est amené à lire de ses yeux ce qu’il trouve sur pages ou sur écran et à réfléchir par lui-même. Il se dégage ainsi de la doxa et des dogmes, il récuse les tyrans qui veulent penser à sa place. Le protestantisme n’est pas né autrement, le christianisme comme le bouddhisme non plus, ni la Révolution française. Aucun lavage de cerveau n’est possible là où règne l’abondance des connexions. Nulle propagande, nulle publicité n’est pleinement efficace là où le « choix » est possible.
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