Antifascisme du XXIème siècle
Est-il possible de parler d'antifascisme en 2013, près de trente ans après la chute de la dernière dictature fasciste européenne ?
Un article non seulement destiné à tous mes camarades du Front de Gauche et du NPA, mais aussi à tout citoyen soucieux de l'intérêt général.
La mode est à l'antifascisme à gauche. Jean-Luc Mélenchon a axé sa campagne sur ce thème, et il est rare de lire un tract du NPA ou du Front de Gauche sans lire une phrase qui fustige l'extrême droite ou qui dénonce la montée du fascisme.
L'antifascisme a-t-il une quelconque légitimité au XXIème siècle pour le citoyen soucieux du bien commun ? Cet article a pour but de montrer que jamais le combat contre le fascisme n'a été autant d'actualité.
Par fasciste, qu'entend-on aujourd'hui, à qui attribue-t-on ce qualificatif ? On l'attribue à la dynastie des le Pen, au parti Aube Dorée en Grèce, aux souverainistes conservateurs en Angleterre, à Alain Soral et à Dieudonné en France, et même à Etienne Chouard (dont on cherche encore les moindres allusions fascisantes) si on écoute certains groupuscules d'extrême gauche. Au vu de cette diversité généralement englobée par le terme de fasciste, il convient de s'arrêter sur la définition de ce mot, afin de voir qui exactement sont les fascistes du XXIème siècle, et si cette droite sécuritaire et anti-immigrationniste est un danger réel pour la République.
Qu'est-ce que la fascisme ? Il faut remonter aux sources du mot pour découvrir sa définition : il faut étudier le concept développé par Benito Mussolini, leader du Parti National Fasciste italien et dictateur du pays de 1922 à 1945. Les citations suivante sont extraites de discours ou de textes du Duce.
"Il se peut qu'au XIXème siècle le capitalisme ait eu besoin de démocratie, aujourd'hui il peut s'en passer
Le fascisme devrait s'appeler corporatisme, car il s'agit d'une fusion entre l'Etat et le pouvoir des marchés"
Ainsi, le fascisme est d'abord et avant tout une doctrine capitaliste. Certes, les convictions économiques de Mussolini ont été très fluctuantes : socialiste libertaire, Mussolini a imposé à l'Italie un virement ultralibéral en 1925 : les syndicats ont été interdits, les pleins pouvoirs ont été accordés aux patrons sur leurs employés, ce qui leur a permis de faire chuter les salaires et de renvoyer des dizaines de milliers de travailleurs (dont 50.000 cheminots) ; en outre, l'assurance vie a été, entre autres, supprimée par l'Etat.
Ainsi, le fascisme se définit premièrement comme une dictature économique, c'est à dire comme un capitalisme débridé, d'après lequel tout le pouvoir doit revenir aux patrons dans les usines, dans possibilité de résistance de la part des ouvriers. Ce n'est pas un hasard si le Parti National Fasciste a été massivement soutenu par les banquiers italiens et américains. Ce n'est pas non plus un hasard si la majorité des antifascistes étaient des socialistes et des communistes, ou des opposants à un capitalisme sans frein.
"Tout dans l'Etat, rien hors de l'Etat, rien contre l'Etat (...) rien d'humain ou de spirituel n'existe en dehors de l'Etat. En ce sens, le fascisme est un totalitarisme"
Toujours en 1925, date où les lois fascistissimes ont été appliquées, le mutlipartisme a été supprimé, la liberté de la presse interdite, et les pleins pouvoirs accordés à l'exécutif ; en clair, la démocratie est morte en Italie à cette date, et les pouvoirs remis entre les mains d'un seul homme, ou plutôt d'une oligarchie restreinte, celle du Parti National Fasciste. La seule démocratie du monde entier avec l'Allemagne nazie, si l'on en croit Mussolini, l'Italie fasciste était donc, plus prosaïquement, une dictature oligarchique avec un parti unique, une presse unique, un mode de vie unique toléré.
Le général fasciste Graziani devant des cadavres de civils en Ethiopie
"La guerre est à l'homme ce que la maternité est à la femme (...) l'impérialisme est la loi éternelle et immuable de la nature"
Idéologie virile qui vouait un culte à la violence, le fascisme était par essence une doctrine impérialiste, colonialiste ; cette caractéristique s'est concrétisée en 1935 avec l'agression de l'Ethiopie par l'armée fasciste, responsable de la mort de quelques centaines de milliers de civils (plus de 700.000 selon le gouvernement éthiopien).
Dictature économique, dictature oligarchique, dictature impérialiste. Voilà comment résumer grossièrement l'idéologie du Duce qui a menée l'Italie pendant plus d'une vingtaine d'année.
Quelle actualité peut avoir cette doctrine et la résistance à cette doctrine ?
Commençons par la dernière caractéristique évoquée : l'impérialisme. L'agression de l'Iraq, de l'Afganistan, la colonisation de la Palestine (l'attaque de la Lybie et du Mali sont considérées selon certains comme une forme d'impériralisme identique : je ne m'avancerai pas sur le sujet) : tels sont les conflits majeurs qui ont eu lieu depuis une décennie. On constate que l'immense majorité de ces guerres ont été déclenchées par les Etats-Unis, Israël ou par des pays membres de l'Union européenne. Peut-on les comparer à l'invasion de l'Ethiopie par Mussolini ?
Quantitativement, les guerres atlantistes ont fait moins de dégâts en nombre de civils tués que celle de Mussolini. Ce n'est pas une raison pour oublier les 100.000 civils iraquiens tués dans les bombardements et attentats, ni les 16.000 (plus basse estimation) civils Afghans, ni les Palestiniens qui meurent chaque jour à Gaza. On peut constater des similitudes dans les raisons qui ont déclenché ces guerres : l'idéologie colonialistes de Mussolini, qui évoquait son peuple comme doué d'une âme fasciste, voué à conquérir les peuples moins avancés, n'est pas sans rappeler celle de Bush évoquant la guerre de l'axe du bien contre l'axe du mal, ou les théologiens sionistes revendiquant la primauté de leur peuple en terre d'Israël ; ces guerres ont eu les mêmes effets sur les pays : massacres innombrables de civils (les 3.000 Ethiopiens assassinés après l'attentat manqué du général fasciste Graziani rappellent un certain massacre de Sabra et Chatila, perpétré pour des raisons similaires...), paupérisation de la population (du à une libéralisation de l'économie en Iraq, à des privations de nourriture en Ethiopie) ; on peut aussi comparer les méthodes employées par les fascistes pour discipliner leur propre peuple (tortures et emprisonnements arbitraires) à celles utilisées par les Etats Unis en Palestine, en Iraq (rappelez-vous d'Abu Graib...), en Afghanistan.
En ce sens, le fascisme existe toujours aujourd'hui, en tant qu'idéologie colonialiste, impérialiste et même raciste : il s'agit de l'impérialisme américain et du sionisme.
En ce sens, l'antifascisme est toujours d'actualité : l'antifascisme est un anti-américanisme et un anti-sionisme.
Passons maintenant à la seconde caractéristique du fascisme : une dictature oligarchique avec un parti unique, une presse unique : y a-t-il un danger pour que la liberté de la presse ou le multipartisme disparaisse quelque part en Europe ?
Peut-être faudrait-il poser une question plus pertinente : le multipartisme et la liberté de la presse existent-elles encore aujourd'hui quelque part en Europe ?
Quelle différence entre le Parti "Socialiste" (mot à mettre entre guillemet) et l'UMP aujourd'hui, et leurs équivalents dans tous les pays d'Europe ? Tony Blair, premier ministre travailliste en Angleterre, a augmenté l'âge de départ à la retraite jusqu'à 67 ans ; même Sarkozy n'a pas osé aller aussi loin ; en Grèce, Papandréou, en se faisant élire avec un discours de gauche, a supprimé d'innombrables postes, ravagé ses services publics et baissé la majorité des petits salaires ; une politique de droite, en somme ; quand au premier ministre espagnol, Zapatero, son parti avait-il quelque chose de socialiste autre que son nom ? En France, à l'heure actuelle, on peine à voir un quelconque "changement" entre le gouvernement soi-disant socialiste et son prédecésseur libéral. En somme, on peine à distinguer les clivages droite/gauche, libéral/socialiste en Europe ; en effet, tous les partis au pouvoir semblent condamnés par une sorte de fatalité invisible à obéir aux ordre d'une main invisible.
Quelle est cette main invisible ? Il y a un an, en pleine crise grecque, Papandréou a voulu proposer à son peuple un référendum sur l'austérité : devait-on continuer ou stopper la suppression de postes et la diminution des salaires ; après quelques jours d'une pression intense, il s'est rétracté. En 2005, Jacques Chirac a proposé un référendum sur l'entée de la France dans une nouvelle Europe, refusée à 55% : mesure démocratique s'il en est, volonté populaire violée par le nouveau président Nicolas Sarkozy. Le suivant, socialiste en apparence, s'est fait élire, entre autres, sur la promesse de renégocier ce traité : on peine à voir la virgule qui a changée depuis qu'il a été ratifié par François Hollande. En clair, quels que soient les gouvernements ou les référendums, cette main invisible parvient sans cesse à imposer sa décision.
Où est le multipartisme ? Les gens ont le choix, pourront me rétorquer certains, et il ne tient qu'à eux de voter pour des partis autres que le PS ou l'UMP, ou leur équivalent européen. Mais il faudrait être naïf pour croire que le choix des électeurs est "libre" : il faut prendre en compte l'influence des médias (TV, journaux, radio...) qui conditionnent ce choix pour une large part. Et il s'avère que, de même qu'on a remis en cause l'existence du multipartisme en Europe, on peut remettre en cause la liberté d'expression.
Pour conclure cette partie, nous pouvons dire que le fascisme en tant que dictature oligarchique a bel et bien une réalité au XXIème siècle : aussi l'antifascisme face à cette dictature oligarchique est bel et bien de mise. De quelle nature est cette dictature, qui tire les ficelles des partis au pouvoir, des médias ?
Des couvertures de journaux de cette sorte sont monnaie courante. S'ils ne prônent pas une réduction des dépenses publiques aussi directement, ou une libéralisation de l'économie, du moins s'accordent-ils tous, ou presque, sur un point : il faut payer la dette. Comme un consensus jamais discuté, toujours tacitement accepté, cette vérité est martelée constemment dans l'extrême majorité des journaux, de droite (le figaro, le point...) ou de "gauche" (le nouvel observateur, libération...). Comme une pensée interdite, toute tentative de discuter ce consensus est diabolisée. Même l'humanité, le journal de Jean Jaurès, n'a-t-il pas présenté l'anti-austéritaire Beppe Grillo comme un danger pour la démocratie ?
Cette "pensée interdite" est celle qui s'oppose à tous les consensus largement acceptés par la majorité de ces médias : le remboursement de la dette, le maintien dans l'Union Européenne, l'acceptation des plans d'ajustement structurels du FMI. Quand on sait que la plupart des médias sont financés par des capitaux privés, qu'ils expriment une pensée unique avec l'apparence de la pluralité est-elle si étonnant ? L'apparence maintenue de la pluralité est d'importance majeure : de même que Mussolini donnait l'illusion aux électeurs de pouvoir choisir démocratiquement leur parti, de même, l'oligarchie actuelle donne l'illusion du choix entre deux partis dominants, entre le figaro et libération.
Union Européenne, FMI : voilà ceux qui tirent les ficelles de cet unipartisme et de cette pensée unique. En effet, c'est aux banquiers internationaux que profite ce système de la dette, ce sont les mêmes qui contrôlent la majorité des médias et qui imposent par conséquent cette pensée unique.
Il s'agit donc d'une dictature économique (nous retrouvons la troisième caractéristique du fascisme). Plus concrètement, le traité de Lisbonne est une atteinte à la démocratie à peine voilée. Le fameux article 123 interdit aux banques européennes et à la Banque Centrale de prêter aux Etats à un taux que ceux-ci fixeraient : autrement dit, ce sont les banques elles-mêmes qui fixent le taux d'emprunt. Moins célèbre est cette directive qui oblige les Etats à se maintenir à un taux de déficit public par rapport à la dette inférieur à 3% ; si cet objectif n'est pas atteint, l'Etat doit appliquer les plans d'austérité de la Commission européenne : à savoir des suppressions de postes et des réductions massives d'investissement public ; c'est ce qu'ont subi la Grèce, l'Espagne, le Portugal avec un gouvernement de "gauche". Si les Etats en question refusent d'appliquer ces directives, ils sont condamnés à payer comme amende entre 0.2 et 0.5% de leur PIB à la Banque Centrale Européenne. Les mesures prises pour les Etats qui refuseraient de payer cette amende n'ont pas été précisées ; c'est bien inutile, d'ailleurs : quel besoin de contraindre les dirigeants à faire ce qui semble bon à la Banque Centrale Européenne quand les dirigeants, par la simple peur d'avoir à subir cette sanction, comme ce fut le cas pour Papandréou, le font d'eux-même ?
Là encore, le parallèle avec le fascisme est flagrant ; ces décisions autoritaires dictées par la BCE rappellent de manière flagrante la répression des syndicats par la police mussolinienne ou la pression exercée par l'Etat sur les petites entreprises pour qu'elles se joignent aux plus grandes. Aujourd'hui, l'antifascisme consisterait donc à lutter contre cette dictature économique qu'est l'Europe de Lisbonne, c'est à dire à lutter pour une politique anti-austéritaire, pour une Europe des nations ou encore pour une sortie des nations de l'Union européenne.
Le fascisme est bel et bien présent au XXIème siècle, en tant qu'idéologie impérialiste, oligarchique et capitaliste.
Les fascistes du XXIème siècle ne sont pas ces néo-nazis qui fleurissent un peu partout en Europe, ni ces quelques comiques aux blaques douteuses ou ces chauves obsédés par les juifs et les immigrés, ni ces quelques skins, ni même ces partis réactionnaires qui obtiennent des scores glaçants : les fascistes du XXIème siècle sont ceux qui ont agressé Baghdad et Kaboul, qui massacrent et torturent des Palestiniens, qui imposent un choix politique unique à l'Europe toute entière, qui démantèlent les services publics des nations européennes en contournant les volontés populaires : le fascisme du XXIème siècle, c'est l'eurofascisme.
L'antifascisme est donc d'actualité au XXIème siècle, cependant il ne s'agit plus de la lutte contre les partis historiques d'extrême droite (combat qui cependant ne doit pas être négligé), il s'agit de la lutte contre les nouvelles formes de fascisme : le fascisme sioniste et impérialiste, le fascisme bancaire qui entretient le système de la dette, l'eurofascisme qui plonge l'Europe dans l'austérité.
L'antifascisme est donc le combat quotidien de tout citoyen français dévoué à l'intérêt général et aux valeurs républicaines : il s'agit de condamner la présence française en Afghanistan, de militer pour le boycott d'Israël, pour un référendum sur la dette, pour une alternatives aux politiques austéritaires imposées par ces organismes fascistes que sont la Commission européenne et le FMI. Il s'agit de se revendiquer d'un antifascisme du XXIème siècle.
L'antifascisme du XXIème siècle est celui que défendent ceux ceux parfois accusés de fascisme : Etienne Chouard en France, Hugo Chavez, Rafael Correa et Evo Morales en Amérique latine, qui proposent des alternatives face à un monde dominé par quelques milliers de banquiers.
Sources :
-L'italie de Mussolini, 20 ans d'ère fasciste, Max Gallo
-Qu'ils s'en aillent tous : vive la Révolution citoyenne !, Jean-Luc Mélenchon
-Zeitgeist, Zeitgeist : Addendum
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